Entre incertitudes et transformations, avancer…

Par Alain Denizot qui intervient sur la conférence : Le péril des entreprises zombies

Mars 2020, crise sanitaire, confinement… Un seul mot d’ordre à cette époque pour notre économie : survivre ! Face à cette situation hors-normes, c’est à coup de “quoi qu’il en coûte” que l’Etat Français intervient. Plus de 200 milliards d’euros plus tard, les acteurs économiques ont appris à avancer malgré l’incertitude.

Existe-t-il un paradoxe propre à notre pays ?

Il faut souligner qu’avant l’électrochoc de la crise sanitaire, les PME françaises avaient connu 10 années de consolidation financière, combinant baisse de l’endettement et hausse des capitaux propres. C’est donc avec des situations plus solides qu’en 2008 qu’elles ont abordé cette crise.
Pour autant, pour affronter cette chute brutale d’activité et de consommation, le soutien massif aux entreprises, par la dette, par les subventions ou encore les exonérations ou reports de charges, était plus que nécessaire.
Ce sont 200 milliards d’euros, dont 140 milliards de Prêts Garantis par l’État (PGE),qui ont été mobilisés pour soutenir les entreprises, préserver les outils de production, les savoir faire et l’emploi. Comment ont-ils été utilisés ? La réponse est bien sûr loin d’être unique.
Tous les secteurs n’ont pas été impactés de la même façon, toutes les entreprises ne sont pas entrées dans la crise avec les mêmes fondamentaux…
On constate donc auprès des entreprises ayant souscrit un PGE des options retenues (et des nécessités) très différentes, des PGE de “sauvetage” pour les plus touchées aux PGE de “prudence” pour celles qui ont considéré – à raison – que l’absence de visibilité devait guider leur action. Ainsi, les PGE ont logiquement touché une grande variété de situations : quand un tiers n’ont quasiment pas (encore ?) touché au montant de leur PGE, un tiers l’ont quasiment entièrement consommé.
Paradoxalement, au moins en apparence, les défaillances d’entreprises se retrouvent au plus bas : avec 32 000 défaillances en 2020, soit -38 % d’ouverture de procédures collectives en France par rapport à 2019, on revient au niveau de 1987 !
La tendance se poursuit, puisqu’on constate encore -15 % de défaillances sur le 1er semestre 2021 (vs 1er semestre 2020). Assurément les dispositifs et les aides directes ou indirectes des acteurs publics expliquent ce paradoxe. Une économie sous perfusion qui a permis aux entrepreneurs de passer le cap de la crise, avec des dizaines de milliers d’emplois – et autant de consommateurs – maintenus.
Ainsi, à l’heure où certaines entreprises sont qualifiées de zombies, on observe des records historiques de levées de fonds. En 2020, les startups de la French Tech ont levé 5,4 milliards d’euros (en hausse de 7 % contre 2019). Montant quasiment égalé sur le premier semestre 2021, avec déjà 5,1 milliards d’euros levés et une cible avoisinant les 10 milliards.
C’est maintenant, avec la sortie de la crise et la fin de ce soutien, que les questions affluent… La très forte reprise de l’activité – même contrainte par les grandes difficultés d’approvisionnement – induit un optimisme certain. Jusqu’à quand ? Y a-t-il, de façon encore invisible, une “zombification” de certaines entreprises ?
La situation de la France, qui est atypique en Europe (le nombre de défaillance remonte en Zone Euro, voire explose chez certains de nos voisins), traduit-elle une vague de défaillance à venir ou l’émergence de ces entreprises zombies ?
La croissance, les restructurations, le niveau des taux d’intérêts, l’étalement des dettes, l’abondance des capitaux… seront-ils suffisants pour limiter les défaillances et “réincarner” les zombies ?
Ainsi, au milieu de tous ces paradoxes et incertitudes, quelles perspectives pour notre économie ? Entre les scénarii catastrophes du “tsunami” de défaillances ou à l’inverse une “zombification” de l’économie, se trouve peut-être la réalité.

Il nous faut désormais voyager dans son temps et dans son espace pour comprendre l'entreprise, ses projets, ses transformations, ses résultats

Car l’inquiétude que peut générer le phénomène d’entreprises zombies est avant tout révélatrice de la difficulté à décoder l’économie, nos repères étant bousculés et les indicateurs habituels brouillés. En tant que banque, notre coeur de métier est la gestion du risque et la compréhension de notre environnement.
Il nous faut désormais voyager dans le temps pour jauger de la santé d’une entreprise : retracer l’historique de son activité, les seuls exercices 2020 et 2021 étant fortement biaisés ; adopter une analyse sur des périodicités plus courtes, du chiffre d’affaires, de l’évolution des marges, du stock... Il faut également se projeter, avec les dirigeants, dans un espace futur qui dépendra fortement de décisions structurantes prises aujourd’hui, des transformations de modèles et d’environnement anticipées. Cela passe, plus que jamais, par une confiance et un dialogue stratégique avec les dirigeants, et une compréhension fine des enjeux sectoriels et d’activités présents et futurs.
Dans ce contexte, l’accompagnement des banques auprès des entreprises a connu 2 grandes phases :
- Tout d’abord, gérer l’urgence, notamment les besoins en trésorerie des entreprises à l’arrêt : PGE mais également affacturage, Dailly, escompte…
- Ensuite, assurer la pérennité des entreprises : renforcer les fonds propres, restructurer la dette, financer l’investissement, accompagner le rebond…

Au-delà des incertitudes présentes, la conviction d'un futur différent

Durant cette crise, les dirigeants des entreprises ont su prendre des décisions fortes et structurantes, pour faire face, relever les défis et préparer la suite et ses opportunités, pour naviguer et sortir de ces temps de grande incertitude.
Cette crise a également eu un effet d’accélérateur de changement : les challenges à relever ne sont pas forcément nouveaux, mais ils ont pris une ampleur inédite et exigeante, avec des modèles à réinventer, des transformations à accélérer, le digital, la RSE, le travail hybride, l’approvisionnement aussi…
Et au global une conviction absolue : les années futures ne ressembleront pas aux années passées…un peu comme si nous entrions maintenant et vraiment dans le XXe siècle…

 

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