L’heure des choix

Par Bruno Bernard qui intervient sur Rebatir la souveraineté technologique et Emeline Baume qui intervient sur Séance d'ouverture 2021 ; Les entreprises face a la crise et Un chemin vers un monde plus résilient ?

Les responsables politiques et les scientifiques le répètent à l’envi : le temps de la transition écologique de nos modèles économiques est compté. Conséquences de cette urgence, le coût et la fréquence de chaque crise et de chaque remise en cause augmentent, jusqu’à en devenir intolérables pour les citoyens. La tentation est alors de focaliser l’attention sur des échéances plus ou moins lointaines, paralysantes pour certains, à repousser coute que coute pour d’autres. Cependant, cette focalisation disperse une énergie et un temps précieux que nous devons mettre au service du changement, ici et maintenant.

A la tête de la Métropole de Lyon, c’est ce choix de l’action et de la transformation que nous portons. Nous le fondons sur trois principes : la nuance, la transparence et le pragmatisme.

Nous faisons face à des problèmes complexes qui ne se résument pas à des dichotomies simplistes “pour ou contre la croissance”, “pour ou contre la voiture”, “pour ou contre l’économie”. Ces oppositions radicales ne rendent pas service aux habitants qui ont besoin de solutions, d’innovations et de coopération. Elles ne correspondent pas non plus aux pratiques des acteurs économiques, culturels, associatifs, et des citoyens qui, tous les jours, interrogent leurs comportements et modèles pour plus de soutenabilité collective. Face à cette complexité, le rôle de l’exécutif métropolitain est d’abord de proposer des choix clairs face à trois défis :
- Celui de la démographie.
Notre territoire a une population qui augmente et qui vieillit. La Métropole de Lyon attire, la population étudiante croît tous les ans, les mobilités professionnelles vers nos 59 communes sont dynamiques. En même temps, comme au niveau national, la part des habitants de 60 ans et plus augmente. Ajouter plus de 10 000 habitants par an, c’est devoir créer une petite ville chaque année ! avec ses besoins en infrastructures nouvelles, en logements, en écoles, en services publics spécialisés. C’est plus de demande globale pour notre tissu économique, mais c’est aussi plus de sollicitations de nos ressources communes (foncier, eau, biodiversité), plus de pollution, et parfois des tensions entre offre et demande.
- Celui de l’urbanisation.
Nous devons rééquilibrer le développement entre l’hypercentre lyonnais, les autres communes de la Métropole et, au-delà, les autres bassins de vie et d’emplois. Ce rééquilibrage est multicontraint : le besoin de préserver des ressources critiques (eau, énergie) pousse à densifier en évitant l’étalement ; le rejet du tout-voiture par les nouvelles générations et beaucoup d’employés augmente les besoins en transports en commun, en pistes cyclables, en covoiturage et autres alternatives collectives ; les exigences en matière de proximité et de bio nécessitent de produire, transformer et transporter plus localement, selon des process encore à inventer. Ce sont des années de retard en termes d’investissements et de planification que nous devons rattraper alors que les changements de comportements ont eu lieu, et que les limites physiques d’une urbanisation débridée sont atteintes.
- Celui de l’autonomie.
La crise que nous venons de traverser confirme notre besoin de marges d’indépendance. Nous devons anticiper les besoins de demain afin d’investir stratégiquement dans des savoir-faire, des filières, de la recherche et développement. De ces investissements dépendent des innovations technologiques et sociales déterminantes pour le développement soutenable et l’autonomie de la Métropole et du pays.

Devant ces dynamiques complexes, nous avons besoin de discussions, d’objectivation et de partage qui éclairent nos options. Puis vient le temps du choix et du portage. C’est le second rôle du politique en responsabilité : fixer des priorités d’action transparentes et prendre les mesures nécessaires à leur opérationnalisation. La transparence permet aux acteurs socioéconomiques d’anticiper et prévoir des investissements sur la durée. Elle permet également de résoudre des conflits d’usage de plus en plus nombreux, en particulier sur la destination de fonciers rares et soumis à des injonctions contradictoires (fautil un équipement métropolitain, une activité productive ou du logement ? faut-il de la zone agricole ou de l’aménagement qui imperméabilise ?). A la Métropole de Lyon,les caps sont clairs : accueillir et accompagner le développement d’entreprises qui repensent leur modèle à l’aune de l’urgence écologique et des besoins de sens et de justice de leurs employés ; investir résolument dans des mobilités décarbonées ; augmenter notre autonomie alimentaire et donner des débouchés aux agriculteurs du territoire, notamment dans nos collèges ; permettre l’accès par tous à des modes de vie plus apaisés avec moins de sollicitations à la consommation, moins de pollutions et de nuisances lumineuses ou sonores et plus d’accès à la nature. Ces caps orientent chaque euro des 6 milliards inscrits dans les programmations pluriannuelles d’investissements de la Métropole et du Sytral, et des 2 milliards de dépenses annuelles de fonctionnement de la Métropole. Par exemple : nous mettons à la disposition des entreprises du territoire un outil gratuit de diagnostic de leurs impacts sociaux et environnementaux, qui leur permet d’évaluer leurs comportements, et leur propose des pistes d’amélioration ; ensuite, nous mettons en oeuvre une stratégie de maîtrise foncière sans précédent, pour permettre l’accueil équilibré d’équipements publics nécessaires, d’activités productives et industrielles au coeur du territoire, de logements abordables et d’une offre pérenne de commerces de centre-ville ; enfin, nous réformons en profondeur nos pratiques d’achats, pour mettre nos 600 millions d’euros d’ordres annuels au service de filières et d’emplois locaux qui renforcent notre autonomie et, plus largement, celle du pays et de l’Europe.

Ces orientations et la transformation écologique du territoire qu’elles entrainent ne seront un succès que si elles emportent l’adhésion des acteurs socioéconomiques. Dans leur grande majorité, ces derniers ont déjà pris le tournant de cette transition : c’est une question tout autant de pouvoir d’achat que de sens pour les citoyens. Pour conforter cette adhésion, nous avons choisi le pragmatisme à travers le gradualisme et la progressivité. D’abord, nous devons demander des efforts graduels et atteignables, pour laisser le temps de l’adaptation, mais en étant strict quand les solutions soutenables existent. C’est la méthode poursuivie pour la mise en place de la zone à faible émission que la loi nous demande de mettre en oeuvre. Ensuite, nous devons demander plus d’effort à ceux qui peuvent plus et accompagner davantage ceux qui peuvent moins. C’est le cas par exemple pour les TPE et PME du territoire que nous accompagnons avec des aides à la numérisation des commerces, des loyers progressifs pour des startups, ou encore des accompagnements dédiés et des financements pour les porteurs de projets innovants.
Cette méthode - nuance, transparence, et pragmatisme - au service du choix résolu de la transition écologique assure aux citoyens une plus grande redevabilité des élu(e)s. Cette redevabilité est seule à même de restaurer la confiance dans la possibilité d’un projet collectif réussi. Elle doit se construire à tous les niveaux d’action politique : à l’État et à l’Europe, maintenant, d’en donner des gages.

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