Cette conférence a pour objectif d’analyser la singularité du modèle de gouvernement de la grande entreprise multinationale en la faisant rentrer dans le royaume de l’économie politique. En effet, l’entreprise-monde apparaît comme un acteur de plus en plus influent sur la scène internationale. Elle échappe pourtant très souvent aux régulations étatiques et ressemble de moins en moins à l’entreprise capitaliste classique dirigée par un entrepreneur visionnaire et charismatique. Mais elle façonne le fonctionnement de nos sociétés modernes. Le gouvernement de l’entreprise-monde se caractérise par une fragmentation des frontières juridiques et une dispersion des droits de propriété au sein d’un espace public transnational. Le statut salarial est fragilisé au profit de liens contractuels temporaires plus flexibles et moins protecteurs. Cette dilution de l’entreprise dans le tout marché conduit à un éclatement de l’autorité légitime, à une logique de rentabilité financière à court-terme servant la valeur actionnariale, à la constitution d’espaces réticulaires ingouvernables mais aussi à la constitution d’entreprises géantes et extrêmement puissantes (aux niveaux économique, politique et social). La multiplicité des communautés autonomes constitutives de l’entreprise-monde pose des questions fondamentales pour la science économique. D’aucuns considèrent que les « gouvernés » de l’entreprise sont soumis aujourd’hui à la discipline et aux pratiques d’un capitalisme qui laisse libre cours au déploiement du projet libéral. Face à ce constat, trois experts académiques proposeront des éléments de réponse à des questions d’actualité qui doivent susciter le débat public et interpeler l’opinion publique : Quelle est la nature du régime de pouvoir qui gouverne ces entreprises du nouveau capitalisme ? Quelle forme de démocratie engage ce nouveau modèle de gouvernement ? Comment réguler cette entreprise-monde qui semble in fine émerger d’une logique d’éclatement des frontières régulatoires ?