"Moraliser le capitalisme" ! L'idée est excellente et fait depuis peu l'unanimité. Les politiques s'indignent devant les manifestations criantes d'immoralité (les rémunérations des dirigeants, les bonus des traders, la spéculation...). Les journalistes relaient leur discours comme s'il s'agissait d'une évidence que tout le monde perçoit et comprend. Les experts rivalisent de mesures correctrices. L'émotion, le bon sens et la technique servent ainsi de guides assurés dans cette croisade démocratique. Mais un guide est-il seulement utile lorsque l'on ne sait ni d'où l'on vient ni où l'on va ?
La "philosophie économique" exige que l'on précise de quoi l'on parle avant de se risquer à en parler. Oblige à préférer les concepts aux notions. Conduit à échanger des arguments au lieu d'opposer des vérités. Bref, elle force à dévoiler, aux autres et à soi-même, d'où l'on parle... autre façon de dire où l'on veut aller.
Trois intervenants ont été invités pour débattre du mot d'ordre "moraliser le capitalisme" et des implications pratiques qui agitent aujourd'hui la Cité. Ils ont été choisis parce qu'ils occupent des points de vue idéologiques clairement distincts mais partagent la même ascèse, celle de la "philosophie économique". Leur dissensus se substituera donc à l'unanimité ambiante. Pour autant, les arguments échangés devraient aider chacun à trouver sa propre posture... et à juger s'il convient encore de s'en remettre seulement à l'émotion, au bon sens ou à la technique.