La crise, quelle crise ?

Auteur(s) :


Brandt Jean-Marie

Préface de Paul H. Dembinski
Editeur : Editions Slatkine
Isbn : 2832106692
Nombre de pages : 272 pages.
Prix : 34.00€
Parution : mai 2015
Public : tous publics
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Présentation éditeur

Une crise qui n’en finit pas n’est plus une crise, mais un ordre nouveau auquel il faut s’adapter. C’est la thèse de cet essai. Son originalité est de poser de manière pragmatique et pertinente, en les replaçant dans leur perspective culturelle, les questions de fond que soulève la crise de 2007 à ce jour.

 

Extrait Extrait de l'introduction

1.1 «Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés»

La peste (puisqu'il faut l'appeler par son nom),
Capable d'enrichir en un jour l'Achéron,
Faisait aux animaux la guerre.
Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés.

Tout le monde est d'accord : la crise qui a éclaté en 2007 aux États-Unis et contaminé le monde occidental dès 2008 est une crise de nature financière qui, aujourd'hui, début 2015, n'est pas terminée. Dans cette idée nous nous référerons à la crise.
Mais notre diagnostic est différent : la crise pour un nombre croissant d'économistes et de praticiens est terminée. Nous sommes entrés dans un nouvel ordre auquel il s'agit de s'adapter sans nostalgie ni attente pour l'ordre ancien.
Une crise n'a rien d'un état ni d'un ordre, aussi mouvementés soient-ils. C'est un appel stressant à une décision innovatrice et urgente. La crise est le devenir du tout est possible : l'opportunité de se remettre en question, de se faire une opinion, de prendre ses responsabilités et de s'engager dans un nouveau projet. Or voici huit années que la crise perdure après un paroxysme entre 2008 et 2011. Elle est devenue l'illustration de ce loup quelque peu clerc qui fait avorter chez les puissants de ce monde toute velléité de se remettre en question et de prendre ses responsabilités. L'Occident n'est plus en crise, il expérimente un nouvel ordre économique instable.
Wall Street est le foyer de la pandémie et c'est des États-Unis que, au prix d'incantations politico-financières à coloration shamanique, se concocte la pharmacopée de ce nouvel ordre. Une pharmacopée financière pour une crise financière : le traitement paraît approprié, sauf que la finance n'apporte rien d'autre que la finance ! Des injections répétées à très haute dose depuis plus de huit années ont placé l'économie en état d'addiction. Le résultat est la nouveauté d'un équilibre artificiel qui consiste à repousser, jusqu'à l'horizon post-générationnel, toute intervention chirurgicale qui éradiquerait cette peste moderne de l'Occident : la crise des valeurs dont la crise financière n'est que le symptôme.
Disséquer l'équilibre paradoxal du nouvel ordre, en chercher la signification, tels sont les buts de cet essai. Il se veut une prise de liberté par rapport à un mal qu'il nous faut appeler par son nom : le colonialisme financier.
La crise s'attaque à la culture et à l'identité dont les siècles ont façonné le Bassin méditerranéen. Financière dans ses symptômes, culturelle dans ses causes, identitaire dans ses enjeux, elle procède de cette banalisation rampante analysée par Hannah Arendt. Une banalisation de la vie quotidienne qui rend l'horizon flou, et les repères, brouillardeux.
La culture nouvelle est celle de l'immédiat (sans média interposé dans l'espace ni dans le temps) : la finance par et pour la finance, une jungle d'une richesse luxuriante, qui apporterait dans l'instant la richesse ou la misère. Il ne suffit plus de s'engager dans une vie de travail droite et bien tracée, comme aux époques révolues des Trente Glorieuses (1950-1980), ou s'adapter comme au temps de la Grande Modération (1980-2007), et finalement se servir. Il faut aujourd'hui à chacun de ses pas montrer un sens critique, se remettre en question et constamment se réorienter. Or cette démarche, avec le libre arbitre et l'opinion, est fondatrice de l'identité occidentale, la source de cette dignité individuelle qui, dans le cadre d'un collectif de référence (par exemple l'État), fait la valeur de l'individu. Cette dynamique est aujourd'hui embourbée dans les marais d'un tout-tout-de-suite sans frontière devenu le standard universel :

Ils ne mourraient pas tous, mais tous étaient frappés.

(...)