Au bonheur de l'économie comportementale

Les "nudges", ces incitations permettant d'orienter le comportements des individus, peuvent les amener à faire les bons choix. Dans un débat mêlant psychologie, sociologie et économie, les intervenants ont évoqué les bienfaits et les limites de l'économie comportementale.

Sur une vidéo, un groupe de personnes se passe un ballon. L'économiste Marie-Claude Villeval demande au public de compter le nombre de passes échangées entre les personnes portant un tee-shirt blanc. Après la séquence de trente secondes, les avis divergent. Certains ont compté quatorze passes, d'autres quinze... "Mais qui a remarqué le gorille au milieu du cercle?", interroge Marie-Claude Villeval. Dans le public, seule une personne sur trois a vu la créature. La démonstration est faite: l'individu n'est pas rationnel. Les biais cognitifs comme l'émotion ou l'influence sociale incitent parfois à prendre de mauvaises décisions.

Des coups de pouce à la prise de décision

Au lieu de corriger ces biais, l'économie comportementale propose d'aider les individus à faire des meilleurs choix. Les "nudges" - ou coups de pouce en français - guident la prise de décision. Il s'agit par exemple d'inciter les personnes à faire un don à une association en pré-cochant une case sur un formulaire. Dans un tout autre domaine, envoyer un mail hebdomadaire à un utilisateur de club de gym permet d'augmenter sa fréquentation de 25%. Les politiques publiques peuvent s'emparer de ces outils pour lutter contre l'obésité, le tabagisme ou encourager les individus à cotiser pour leur retraite. Olivier Oullier, spécialiste en neurosciences, souligne le bienfait de ces incitations. Grâce aux "nudges", "les individus ont le sentiment de prendre des bonnes décisions, ce qui crée un sentiment de bien-être", explique-il.

Les nudges, recette du bonheur

Les "nugdes", comme solution au bonheur des citoyens? Pas si sûr. "Souvent, ces manipulations ne sont pas neutres par rapport à nos valeurs", souligne Paul Seabright. Pour ce professeur d'économie, la théorie du bonheur n'est pas suffisamment solide pour avoir confiance dans cette démarche. "Nous prenons consciemment beaucoup de décisions qui mettent en péril notre bonheur, constate-t-il. Est-ce une raison pour retreindre les choix?"

Le public sceptique

Dans le public, certains sont sceptiques. Le caractère novateur de ces théories est la principale cible des critiques. Car si le terme "nudge" est relativement nouveau en économie, la sociologie et la psychologie ont depuis longtemps exploré ces incitations. L'économie comportementale pourrait aller plus loin et s'étendre à l'étude des marchés. "A partir du moment où un humain peut déstabiliser les marchés (cf Jérôme Kerviel), il semble important de faire de la finance comportementale", explique Olivier Oullier. Comme le gorille dans la vidéo, la crise est restée invisible aux yeux des traders.

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