Régulateurs sectoriels : des hôtesses dans un cocktail

Réguler l’économie secteur par secteur devient de plus en plus complexe. La faute aux frontières toujours plus ténues entre des marchés devenus supranationaux mais aussi au développement du web. Dans ce contexte, les institutions adoptent une attitude moins prescriptive et plus incitative.

Elles s'appellent AMF, CRE ou encore ARCEP. On en entend parler au détour d'articles de presse traitant de secteurs tels que la finance, l'énergie ou les télécoms. Mais on n'en connaît finalement pas grand chose.

Avant les années 80, tout était simple. Sur les secteurs aux lourdes dépenses d'infrastructures non assumées par le privé, l'Etat s'était adjugé des monopoles dans l'énergie, les télécommunications et les transports. "Toutes ces sociétés avec le nom France dans le sigle", résume Michel Mougeot, professeur de sciences économiques à l'université de Besançon.

La libéralisation a fait entrer les acteurs privés dans le jeu. Place à une compétition qui rend nécessaire la présence d'institutions de régulation, en plus de l'autorité de concurrence. "Au début, c'était informel. Puis cela s'est cristallisé ", explique Marie-Anne Frison Roche, professeur de droit à Sciences Po. Naissent alors l’Autorité des Marchés Financiers (AMF), l’Autorité de Régulation des Communications électroniques et des postes (ARCEP)…

A chaque secteur, son régulateur. Son rôle ? Instaurer un cadre juridique à l’entrée de nouveaux entrants sur le marché. Puis réguler, en droit commun de la concurrence, les comportements des acteurs économiques. Il doit assurer des missions de service public quand le privé ne peut pas les prendre en charge. Chacune de ses décisions seront soumises à une instance judiciaire ou administrative.

Un rôle en évolution

Ce rôle de policier (prescriptif) des régulateurs sectoriels se réduit. Place au modèle participatif et incitatif. "Nous sommes des sortes d’hôtesses de cocktail qui font se rencontrer les acteurs", résume Nicolas Curien, membre de l’ARCEP. Insuffisant pour Marie-Anne Frison Roche. "Comment se fait-il que le régulateur de l’énergie n’ai aucune prise sur la gouvernance d’Areva ? Il faut que l’Etat retrouve son rôle de régulateur. Regardez en Angleterre : ils ont placé des régulateurs dans la Banque centrale pour gérer la finance et la monnaie."

Il faut dire que la régulation de l’économie est en pleine mutation. "Les secteurs s’inter-pénètrent", souligne Marie-Anne Frison Roche. Par exemple,il est impossible de parler de finance sans utiliser Internet. Il est tout aussi difficile de séparer l’énergie de la finance : "Aux Etats-Unis, Enron a fait fortune en titrisant l’énergie électrique", poursuit la professeure de droit.

Un seul régulateur européen

"Mon secteur devient un multi-secteur", ajoute Nicolas Curien. Un marché des télécommunications qui doit par ailleurs s’adapter à l’innovation majeure de ce début de siècle : le numérique. Et ce n’est pas le seul. "Tout se passe sur Internet. Forcément, la régulation d’Internet touche aussi la régulation financière. Et comme la régulation financière est reliée à celle de l’énergie…"

Un méli-mélo qui se complique encore suite avec les tentatives de régulation à des échelles plus globales. "Les marchés se sont internationalisés", souligne Marie-Anne Frison Roche. Mais il n'existe qu'un seul régulateur européen sur la finance : l'ESMA (European Securities and Markets Authority).

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