La croissance française est-elle soutenable ?

Parler d’une croissance soutenable pour la France, dans le contexte de crise actuelle, voilà un exercice quelque peu compliqué. Les intervenants de cette table ronde consacrée à ce thème se sont pourtant attelés à la tâche avec optimisme. Une question d’actualité à l’heure où Bruxelles a revu les prévisions de croissance de la France à la baisse pour 2012.

Lorsque Benoît Coeuré, directeur adjoint du Trésor, démarre la conférence, la perspective d’une croissance soutenable en France paraît bien loin. "Le modèle de croissance actuel fait face à une double crise, celle des finances publiques et celle des marchés financiers. La crise aura un impact irréversible sur la croissance qui deviendra durablement plus basse en raison des destructions de capital humain et de capacités de production." Mais qu’est-ce qu’une croissance soutenable au juste ? "Une croissance qui ne bute pas sur ses contradictions internes, qui assure une répartition juste de la richesse et une utilisation des ressources naturelles raisonnée", détaille l’économiste en chef du ministère de l’Economie.

Le constat est sombre mais les pistes pour favoriser cette croissance soutenable ne manquent pas. Soulignant le manque de compétitivité de la France, Philippe Aghion, professeur de sciences économiques à Harvard, pointe les carences de la formation des jeunes et des salariés, tout comme le manque d’investissement dans l’innovation au niveau des PME. Deux enjeux majeurs pour provoquer un "choc de l’offre", à même de relancer l’économie. Selon Mathilde Lemoine, directrice des études économiques à HSBC, c’est sur le taux d’emploi et l’investissement dans l’appareil productif qu’il faut agir. "Il est nécessaire de cibler les investissements sur les secteurs où nous réussissons, comme la santé, l’énergie et les transports", avance, quant à elle, Valérie Rabault, responsable de l’équipe Market Prospective & Business Risk à BNP Parisbas. "Ciblage ne veut pas dire copinage", pointe Philippe Aghion qui promeut une refonte de la politique industrielle française et de l’action de l’Etat. "L’Etat français est un peu ``berlusconiste’’ dans son fonctionnement", ajoute-t-il avec une pointe d’humour.

Réduction des déficits et perte de compétitivité

Mais où trouver l’argent ? La question de la réforme fiscale est posée, par l’intermédiaire du sénateur–maire de Lyon Gérard Collomb, présent dans l’assistance. Philippe Aghion décrit alors le système fiscal actuel comme "Paris avant Hausmann", fustigeant notamment certaines niches fiscales, jugées inefficaces et plaidant pour une fiscalité simplifiée, plus pertinente et surtout plus juste. La politique d’austérité est également remise en cause : "Une politique de rigueur sur cinq ans ne stabilisera pas la dette et les déficits à long terme", explique Valérie Rabault, auteure de Les trente glorieuses sont devant nous. "La réduction des déficits ne peut pas se faire au détriment de la compétitivité", conclut Philippe Aghion.

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