Naviguer dans le mooc c'est quoi l'éco. (Nous reproduisons sur ces pages un MOOC que nous avions réalisé sur FUN en 2016 et 2017 sans les exercices et forums)
S1 - L'économie et vous
S2 - Quelle est la situation de l'économie française ?
S3 - Comment et pourquoi générer de la croissance économique ?
S4 - Le commerce international, la mondialisation : danger ou opportunité ?
S5 - Monnaie, banque, finance : ces sujets nous concernent tous
S6 - Qu’est-ce qu'une bonne politique économique ?
Introduction
Pour la troisième semaine du MOOC, nous allons aborder un sujet qui occupe les économistes au moins depuis le XVIIIe siècle : comment augmenter la production de ressources dans une économie ? Les réflexions sur la croissance économique vous intéressent directement car, aujourd’hui, il y a des débats sur le ralentissement de la croissance, sur le rôle de l’État et du marché, sur le problème des inégalités, sur l’impact de nos activités sur l’environnement. Ce sont nos modes de vie autant que notre niveau de vie qui sont concernés.
Il ne faut pas oublier que la croissance économique n'est pas seulement une augmentation des richesses produites, c'est un changement qui touche l'organisation de la production, les technologies mobilisées, les métiers qui apparaissent et ceux qui sont sur le déclin, l'occupation de l'espace, le renouvellement des biens et des services que nous utilisons...
Vous allez constater que même en simplifiant la présentation des analyses économiques sur ces sujets, il y a une dimension technique que l’on ne peut pas éluder. Ne vous découragez pas ! D’abord, au fil des semaines, vous allez vous familiariser avec des notions qui reviennent dans nos présentations et surtout, n'oubliez pas le forum qui vous permet de poser des questions quand vous souhaitez des clarifications.
MOOC c'est quoi l'éco : Semaine 3 A La croissance économique - 1 (Patrick Artus)
Patrick Artus, déjà présent la semaine précédente, présente la croissance économique, les outils statistiques utilisés pour la mesurer et la place de ce concept dans l'histoire de la pensée économique.
La croissance est au cœur de la macroéconomie, le "plan large" qui vous a été présenté en semaine 1 avec l'article de Chris Rodrigo. Si vous êtes tous des "économistes du quotidien" comme nous tentons depuis trois semaines de vous le prouver, Chris Rodrigo rappelle dans sa synthèse que la macroéconomie est parfois complexe à appréhender car elle manipule des agrégats souvent abstraits. De plus, l'horizon temporel de la macroéconomie est souvent vaste, or comme le rappelle Keynes "à long terme, nous serons tous morts". Toutes ces difficultés ne doivent pas masquer le rôle central de la croissance dans la vie de tous les jours : Patrick Artus en semaine 2 rappelle par exemple qu'une des composantes du chômage en France est liée à la mauvaise conjoncture, c'est-à-dire au faible rythme de croissance.
Notions et raisonnement développés par Patrick Artus
1- Comment mesure t-on la croissance économique ?
Le taux de croissance d'une grandeur est souvent exprimé en pourcentage et mesure l'évolution de cette grandeur d'une période à l'autre (mois, trimestre, année). Une mesure conventionnelle de la croissance d'un pays est le taux de croissance du Produit Intérieur Brut ou PIB, présenté dans la semaine 2-B. En cas de doute, reportez-vous au document du FMI de Tim Callen. La formule du taux de croissance du PIB entre la période n-1 et la période n est donc la suivante :
Comme le rappelle A. Desrosière, quantifier un phénomène s'effectue en deux étapes : il faut définir et mesurer. Il y a bien sûr un aspect conventionnel dans le choix de mesurer la croissance par l'évolution du PIB, nous vous renvoyons à la section D de cette semaine.
Il existe toutefois des nomenclatures qui permettent des approches comparatistes : avec l'essor de la macroéconomie et de l'intervention des États dans l'économie, les pays se sont dotés d'outils comme la comptabilité nationale. Dans l'Union européenne, le calcul du PIB est harmonisé du fait de l'existence du système européen des comptes. Au niveau mondial, les Nations Unies ont produit le Système de Comptabilité Nationale, SCN, un système normalisé de recommandations pour mesurer l'activité économique (production, consommation, investissement, richesses, répartition des revenus). Mais ces activités économiques sont évaluées en utilisant leur prix, c'est à dire la valeur monétaire associée à un bien, déterminée par la confrontation d'une offre et d'une demande dans une économie de marché. Ceci peut constituer une difficulté. En effet, comment comptabiliser :
- la production domestique qui n'a pas vocation à être vendue sur un marché ?
- la qualité des services ?
- les détériorations environnementales ? (voir section 3E)
- ......
On distingue production de biens et production de services. Une activité de service se caractérise essentiellement par la mise à disposition d'une capacité technique ou intellectuelle. À la différence d'une activité industrielle, elle ne peut être décrite par les seules caractéristiques d'un bien tangible acquis par le client. Compris dans leur sens le plus large, les services recouvrent un vaste champ d'activité qui va du commerce à l'administration, en passant par les transports, les activités financières et immobilières, les activités scientifiques et techniques, les services administratifs et de soutien, l'éducation, la santé et l'action sociale.
Comme le rappelle P. Artus, définir la valeur ajoutée (=valeur du bien-coût des intrants) d'un service est complexe : comment définir par exemple la valeur de l'éducation, qui est "produite" en France principalement par l'État ? Cette tâche ardue est toutefois essentielle dans la compréhension de l'économie française. Le graphique ci-dessous extrait du numéro d'INSEE première "Soixante ans d'économie française : des mutations structurelles profondes", 2008, illustre en effet l'augmentation de la contribution des services dans la croissance du PIB en France.
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L'INSEE qualifie de marchande la production qui est destinée à être écoulée sur un marché. Il est possible d'évaluer une production marchande par son prix. Il existe a contrario un ensemble important de production non-marchande, qui représente majoritairement des services qui sont fournis gratuitement, ou à un prix inférieur à 50% des coûts de production. Par exemple, les associations caritatives fournissent des services non-marchands, dont l'absence de tarification les rend compliqués à intégrer dans le produit intérieur brut. Les administrations publiques demeurent en France les plus grandes pourvoyeuses de services non-marchands (santé, éducation...). Par convention, on évalue les services à leur coût de production.
Une autre limite porte sur la prise en compte de ce que les économistes appellent les externalités. Il y a externalités quand les décisions d'un individu influent sur le bien-être d'un ou plusieurs autres individus sans que cela ne soit pris en compte dans les délibérations menant à ces décisions. Quand une entreprise prend la décision de produire, elle ne prend généralement pas en compte la pollution pour les riverains. Il s'agit d'une externalité négative. Il existe d'autre part un ensemble d'activités productrices d’externalités positives qui sont favorables à la croissance. C'est le cas en particulier de la recherche scientifique, fondamentale ou appliquée, et des choix éducatifs. Les retombées du processus de recherche dépassent les bénéfices privés des entreprises qui mènent cette recherche, et il en va de même pour les choix éducatifs. Cela pose un problème de mesure pour la croissance. Par exemple, les activités productrices d'externalités négatives sont comptabilisées comme accroissant la croissance, sans prendre en compte l'ensemble de leurs conséquences. On compte de plus les activités de dépollution au même titre que n'importe quelle production.
2- Quelle place occupe la notion de croissance dans l'analyse économique ?
Bien légitimement, les économistes se sont intéressés tôt à la croissance. Comme nous l'avons vu, la croissance mesure l'augmentation de la production, donc de l'ensemble des richesses que produit l'économie et que se partagent ses agents. Cet intérêt ancien est toutefois pluriel. En introduction, voici quelques questions qui ont traversé l'histoire de la pensée économique.
- L'horizon temporel : la théorie des cycles mentionnée par P. Artus explique les variations à court et moyen termes. D'autres théories, dont la théorie néo-classique, s'intéressent à la croissance tendancielle de long terme : le cas où il n'y a pas de problème d'offre insuffisante ou de demande excessive par exemple (voir semaine 2 pour un rappel sur ces notions).
- Les sources de croissance : comment génère-t-on de la richesse ? Est-ce les métaux précieux comme le considérait le bullionisme espagnol au XVIème siècle, la terre pour les Physiocrates au XVIIIème siècle, le travail pour Marx, l'accumulation de capital, de connaissance ?
- La répartition factorielle des revenus : comment le partage des ressources entre consommation, épargne et investissement conditionne la croissance ? La répartition des revenus peut s'analyser au niveau macro-économique : on l'appelle alors la répartition factorielle des revenus. Mais il existe aussi une étude à l'échelle de l'individu. En introduction, nous parlions de niveau de vie : on observe la contrepartie monétaire des stocks et flux (salaires, formation de capital, revenus de l'épargne) pour les différents acteurs de l'économie.
Comme le rappelle notre intervenant, ce dernier point trouve un regain d'intérêt dans le débat contemporain, qui s'articule autour de deux questions :
- Comment se fait l'accumulation de capital ? Quels sont les arbitrages entre consommation et investissement ? Quelles conséquences sur la croissance implique ce partage ? C'est la vision positive de l'analyse de la croissance : décrire les comportements et leurs conséquences.
- Comment garantir que les choix intertemporels des agents économiques soient optimaux ? C'est la vision normative de la croissance : quel doit être le comportement d'épargne (le taux d'épargne optimal cité par P. Artus) pour que ce phénomène soit stable à long terme ?
En 1956, Robert Solow propose une théorie de la croissance qui repose sur la quantité de facteurs de production mobilisés dans la production, le travail et le capital. Implicitement, ce modèle concerne les économies développées où la terre par exemple ne joue plus un rôle central ; nous vous renvoyons à la section E pour discuter le cas des ressources naturelles dans la croissance. Il s'agit d'un modèle simple sans État, ni commerce international (on parle de modèle en autarcie). Au cœur de la dynamique d'accumulation de richesse se trouve le mécanisme d'investissement, c'est à dire l'accumulation de capital. En effet, la quantité de facteur "travail" disponible dépend simplement de la démographie et ne peut donc entretenir la croissance. Toutefois, Patrick Artus rappelle l'importance des facteurs institutionnels : en modifiant l'âge de départ à la retraite, on augmente l'effectif de la population en âge de travailler par exemple.
Le capital correspond à l'ensemble des équipements installés, mobilisés dans la production : machines, outils, locaux... Augmenter la quantité de capital disponible pour chaque travailleur permet d'augmenter la productivité individuelle. En effet, un travailleur mieux équipé produit davantage. On parle d'investissement pour qualifier l'accumulation de capital : le capital est un stock, l'investissement est un flux qui vient modifier la quantité disponible de capital pour produire. L'investissement est financé par l'épargne. En effet, l'épargne est prêtée à des agents qui désirent investir et est rémunérée par le taux d'intérêt sur le marché des capitaux financiers.
Pour Solow, la croissance fondée sur l'accumulation de capital va nécessairement se tarir car les rendements marginaux du capital sont considérés décroissants. Ce raisonnement à la marge a été développé par l'école néoclassique. La productivité moyenne du capital rapporte la production Y à la quantité totale de capital K, la productivité marginale du capital s'intéresse à la variation de la production engendrée par une augmentation d'une unité de capital. Dire que les rendements marginaux sont décroissants, cela signifie qu'une unité additionnelle de capital augmente la productivité, mais à un rythme plus faible que l'unité précédente. Pour illustrer ce propos, on peut penser à une fabrique de tissu où la production est dans un premier temps assurée par les travailleurs d'une part, et une seule machine à tisser de l'autre. Quand on augmente la quantité de machine à tisser disponible pour produire, en investissant, la production augmente. Mais au bout d'un moment, chaque travailleur a accès à une machine à tisser, et investir encore dans une nouvelle machine n'augmenterait la production que marginalement. À ce moment là, il n'y a plus d'intérêt à investir dans de nouvelles machines car les bénéfices en seraient trop faibles. L'investissement ne sert alors qu'à remplacer les machines usagées pour assurer un niveau de production par tête constant.
R. Solow conclut donc que pour perpétuer la croissance, seul le progrès technique permet de maintenir la croissance du revenu par tête. Toutefois, les raisons de ce progrès technique ne sont pas explicitées dans ce cadre théorique : il est considéré comme une "manne tombée du ciel". On peut imaginer une évolution de la technologie de production. Une meilleure technologie permet, avec une quantité de ressource identique, de produire plus. La technologie de production est donc un autre facteur essentiel de la croissance. Les changements technologiques se produisent via l'innovation. On définit l'innovation comme une application commerciale et industrielle d'une invention scientifique. L'innovation est donc, comme l'expliquait précocement Schumpeter, indispensable à la croissance à long terme. Ainsi, dans l'exemple précédent, non seulement l'on peut investir pour avoir davantage de machine, mais l'on peut également exploiter des inventions qui rendent les machines plus efficaces. Par exemple, si les machines à tisser deviennent dotées d'un système de contrôle informatique, le même nombre de travailleurs peut contrôler une production d'une beaucoup plus grande échelle. Nous développerons cela dans les sections B et C avec une attention particulière au rôle de l'État.
À côté de cette vision positive de la croissance, l'analyse de la croissance est aussi normative : il s'agit des modèles de croissance optimale. Ces modèles identifient comment concilier accumulation de capital (et donc épargne) et maximisation de la consommation. Ils développent la façon dont les agents arbitrent entre consommer et épargner en insistant sur la nature inter-temporelle de ces décisions : elles font intervenir le temps présent (consommer aujourd'hui) et le futur (consommer plus demain).
La croissance optimale doit assurer un équilibre entre consommation des générations présentes et consommation des générations futures. La clé de voûte de cette vision est que, comme nous l'avons vu, l'épargne finance l'investissement, donc la croissance. Or, l'épargne correspond pour les générations présentes au sacrifice de leur consommation, au bénéfice des générations suivantes qui jouiront d'un revenu plus élevé. Si l'épargne est trop élevée à un moment donné, le gain de revenus des générations futures ne compense pas la restriction de consommation présente . Si l'épargne est trop faible, les générations présentes surconsomment, au détriment des générations futures, dont le revenu sera amoindri. Entre ces deux situations, il existe d'après Edmund Phelps un niveau optimal de taux d'épargne. Au regard de ce taux, certaines économies épargnent trop, ce qui diminue le niveau de vie des générations présentes : on les qualifie d'économies sur-capitalisées. La Chine en est un exemple. D'autres n'épargnent pas assez, ce qui ralentit leur croissance et les capacités de consommation et de production futures : on les qualifie d'économie sous-capitalisées.
MOOC c'est quoi l'éco : Semaine 3 La croissance économique - 2 (Patrick Artus)
Dans cette nouvelle vidéo, Patrick Artus examine trois sujets qui illustrent les interrogations actuelles sur la croissance économique. La première interrogation concerne un problème de mesure : il est facile de mesurer un accroissement de quantité (augmentation du nombre de biens fabriqués...) mais comment fait-on pour mesurer le changement de qualité des biens et services, phénomène incontournable dans une économie de l'innovation. Deuxième interrogation, comment expliquer la tendance au ralentissement des gains de productivité que nous observons ? Les économistes ont repris une expression ancienne pour traiter cette question : la stagnation séculaire. Enfin troisième interrogation : quel est l'effet sur l'emploi de ce ralentissement tendanciel de la croissance économique ?
Notions et raisonnement développés par Patrick Artus dans cette nouvelle vidéo
Patrick Artus soulève un premier problème : le ralentissement de la croissance économique (voir le graphique sur la croissance potentielle) dans les pays riches depuis plus de trente ans (et qui se manifeste depuis quelques années dans les économies émergentes) serait-il en partie le résultat d'une illusion statistique qui résulterait du mode de calcul du PIB ?
Graphique : Taux de croissance potentielle (c'est à dire la croissance soutenable à long terme)
Comme le rappelle H.Sterdyniak, la croissance potentielle "est le niveau maximal de production atteignable à un instant donné et durablement maintenable sans tensions excessives dans l'économie et en particulier sans accélération de l'inflation".
1- Le retour du paradoxe de Solow ?
P. Artus insiste, sur le problème de la non prise en compte de l'amélioration de la qualité dans les services. Ce qui est un problème qui prend une ampleur croissante avec la tertiarisation des économies, traité dans la vidéo 1.
Il faut y ajouter un autre facteur de sous-estimation de la croissance évoqué par François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France dans un discours : "Les nouvelles technologies conduisent généralement à des erreurs de mesure de la production. Les comptes nationaux peinent en effet à prendre en compte les améliorations apportées à la qualité des produits, ainsi que l’entrée ou la sortie de produits. Par conséquent, ils ont tendance à surestimer l’inflation et à sous-estimer la production. Prenons, par exemple, le cas des équipements informatiques : la production de ces biens n’est aujourd’hui pas correctement prise en compte, même aux États-Unis". L'informatique constitue le parangon des gains de productivité : en 1987, l'économiste R. Solow remarquait en effet que l'on "voit des ordinateurs partout, sauf dans les indicateurs de productivité".
P. Artus mentionne également deux méthodes utilisées en comptabilité nationale : l'expression en "prix" versus l'expression en "volume", ce dernier prenant en compte l'évolution de l'inflation. Vous remarquerez que la question de l'augmentation durable des prix --id est l'inflation-- est en filigrane dans l'analyse de la croissance et a retrouvé une place théorique très importante avec l'apparition d'une inflation nulle pendant la crise de 2008. Le risque de tomber dans une spirale déflationniste --baisse de la demande, diminution de la production, baisse de l'emploi-- a donc été au coeur du débat macroéconomique.
2 - La stagnation séculaire
Pour un grand nombre d'économistes, le ralentissement de la croissance n'est pas le simple résultat d'une sous-estimation statistique, il y aurait un phénomène plus profond qui est qualifié de stagnation séculaire. Cette expression a été utilisée à la fin des années 1930 par des économistes comme Alvin Hansen, Benjamin Higgins, Paul Sweezy... que l'on a appelé les « stagnationnistes ». Ils voyaient dans la stagnation un acheminement inévitable vers la maturité.
Le concept de stagnation a retrouvé une nouvelle jeunesse, dans les années 1970, associé à celui d'inflation. Si la stagnation peut apparaître comme le résultat d'une politique délibérée de stabilisation après une période de surchauffe génératrice de tensions inflationnistes, elle n'est pas forcément accompagnée d'une résorption de ces tensions. On parlera alors de stagflation, situation où le ralentissement de l'expansion, voire son arrêt, coexiste durablement avec une tension maintenue, ou même accrue, des prix et des salaires. Robert Gordon en 2012 a relancé l'idée d'un épuisement de la croissance économique dans un working paper du NBER : "Is U.S. Economic Growth Over? Faltering Innovation Confronts the Six Headwinds". Depuis les analyses se sont multipliées pour identifier des causes possibles de ce retour de la stagnation séculaire (c'est l'objet du discours de François Villeroy de Galhau cité plus haut). Mais attention, les économistes sont partagés sur les causes qui expliqueraient ce ralentissement durable de la croissance économique. D'après P. Artus, on arrive à trouver des mesures empiriques qui expliquent 50% de ce phénomène.
On peut en faire une liste des facteurs développés dans la littérature :
- La démographie : on a vu que dans les facteurs de la croissance économique, il y a le facteur travail. Si on assiste à une baisse de la fécondité et à un allongement de l'espérance de vie, la part des actifs dans la population totale diminue à la fois par le nombre de jeunes moins élevés qui entre dans la population active et par le nombre de séniors en retraite.
- Les inégalités : nous allons développer cette question un peu plus loin avec la vidéo de Cécilia García-Peñalosa et la vidéo de Florence jany-Catrice. Ce sujet est au cœur de ce que l'on appelle aujourd'hui la croissance inclusive.
- La déflation : c'est une baisse durable et auto entretenue du niveau général des prix qui a de nombreuses conséquences négatives : les prix sont aussi des revenus (exemple des loyers), donc il y a une spirale à la baisse des prix et des revenus ; les agents économiques adoptent des comportements attentistes car ils anticipent la baisse à venir des prix (pourquoi acheter aujourd'hui) ; les emprunteurs voient leur situation financière se dégrader (l'inflation allège les dettes, la déflation a l'effet inverse). La zone euro est passée par une situation très proche de la déflation qui contribue à expliquer la faiblesse de la croissance économique de cette zone ces dernières années.
-L’épuisement du progrès technique : c'est la thèse de Robert Gordon qui estime qu'il n'y a pas aujourd'hui des innovations comparables à celle du chemin de fer ou de l'électricité en terme de gains de productivité générés.
- Le coût des ressources naturelles : il y a un débat sur l'épuisement des ressources naturelles (renouvelables et non renouvelables). On retrouve une question ancienne en économie avec par exemple, la contribution de la terre à la croissance économique.
- Le risque climatique : Les risques ont un coût, c'est la raison pour laquelle on s'assure contre les risques. Lire l'article "Évaluer le risque climatique, un défi pour les économistes". Mais ce coût est de plus en plus élevé et conduit à réfléchir sur les mesures de préventions nécessaires, même si ces mesures peuvent peser sur la croissance économique.
- L’accumulation des dettes : C'est une explication privilégiée par Larry Summers qui rappelle que l'endettement des agents privés (ménages et entreprises) a précédé la crise de 2008, ce n'était donc pas une anomalie mais la conséquence d'une demande qui ne pouvait pas être tirée par la croissance des revenus. L'explication serait dans la déformation de la distribution mondiale des revenus qui a évolué au détriment de la classe moyenne des pays avancés (ce sont les ménages qui se sont endettés) et au profit des plus riches et des pays émergents (ce sont des ménages qui ont une forte propension à épargner). On aurait donc une situation où la demande des classes moyennes stagne et cela dans une période où la demande publique est contrainte par le niveau élevé d'endettement des États, ce qui n'incite pas les entreprises à investir. On aurait donc trois composantes de la demande en panne : la consommation, les dépenses publiques et l'investissement.
- La tertiarisation des économies : c'est l'explication mentionnée par Patrick Artus quand il évoque les pertes d'emplois industriels au profit d'emplois dans les services qui ont souvent une productivité inférieure (services à la personnes, sécurité...).
- La divergence des gains de productivité entre les firmes à la frontière technologique et les entreprises "suiveuses". Cette distinction sera développée dans la section 3.C et place au coeur de l'analyse le processus d'innovation. Il y aurait dans les différents secteurs de l'industrie et des services une divergence croissante entre les gains de productivité réalisés par les entreprises qui sont dans les 5% les plus efficaces de leur secteur et les entreprises qui sont dans la moyenne. C'est à la fois une mauvaise nouvelle : la diffusion des innovations se ferait plus lentement entre les entreprises ; mais aussi une bonne nouvelle, le ralentissement des gains de productivité en moyenne cacherait des écarts croissants qui sont un potentiel de rattrapage dans le futur. Dans ce dernier cas, il n'y aurait pas d'épuisement du progrès technique mais des obstacles à lever pour faciliter la diffusion des innovations.
Patrick Artus termine son analyse avec la question de l'impact sur l'emploi du ralentissement de la croissance. Il insiste sur deux points : le premier est qu'avec le ralentissement des gains de productivité, on a besoin de moins de croissance pour créer autant d'emplois, donc le chômage n'augmente pas mécaniquement quand la croissance est plus faible. Le second point est que le problème aujourd'hui est plutôt celui de la qualité des emplois créés. On a une polarisation entre les emplois très qualifiés et les emplois sans qualification (la désindustrialisation et l'essor de l'automatisation dans les services ont été destructeurs d'emplois intermédiaires). Voir le graphique ci-dessous qui présente l'évolution du poids de chaque catégorie socioprofessionnelle dans la population active de la France entre 1990 et 2012.
Quelques compléments sur la mesure de la croissance
- Les documents pédagogiques de l'INSEE sur le PIB et la croissance
- Une vidéo de dessine moi l'éco sur le même thème
QUelques compléments sur les travaux de thomas piketty
- Une présentation de Thomas Piketty sur son ouvrage Le capital au XXIème siècle
- Le site de T. Piketty où sont disponibles l'ensemble des graphiques et des données de l'ouvrage
Quelques références pour les plus avancés
- Jean Olivier Hairault La Croissance, théories et régularités empiriques de notre intervenant de la sous-section suivante. Destiné aux étudiants de cycles universitaires, chaque chapitre contient en introduction une contextualisation historique et une synthèse problématisée des enjeux de chaque modèle.
MOOC c'est quoi l'éco : Semaine 3 B Croissance économique - Le rôle de l'État. (Jean-Olivier Hairault)
Dans la partie précédente, nous avons expliqué le rôle des agents privés dans la croissance économique. Jean-Olivier Hairault nous explique maintenant en quoi l'intervention de l’État pour favoriser la croissance économique est justifiée, et comment l’État peut mener des politiques de croissance.
Notions et raisonnement à partir de l'analyse de Jean-olivier Hairault
1 - Comment les économistes analysent-ils le rôle de l’État dans la croissance économique de long terme ?
Au delà des réflexions en termes de justice sociale, l’État peut intervenir car les marchés laissés à eux-mêmes peuvent déboucher sur des situations sous-optimales d'un point de vue économique. On parle d'imperfections de marché, ou de défaillances de marché, pour qualifier de telles situations.
L’État doit concourir à la production d'un certain nombre de biens qui sont indispensables à la croissance de long terme, mais que les marchés et les décisions individuelles des agents ne sont pas en mesure de produire de manière efficace : les prix ou les quantités sur le marché ne sont pas "satisfaisants". Ces biens ont en commun de produire des externalités positives (revoir la partie 3.A vidéo 1 si besoin est). La recherche scientifique, fondamentale ou appliquée, les choix éducatifs sont de bons exemples de "ruissellement" (on parle en anglais de "spill-over") : les retombées du processus de recherche dépassent les bénéfices privés des entreprises qui mènent cette recherche, et il en va de même pour les choix éducatifs. En effet, quand de nouvelles idées sont créées, la société dans son ensemble a accès à un stock de connaissances plus grand. Quand les individus choisissent de s'éduquer davantage, leurs compétences améliorent aussi la productivité de leurs collègues. Pourquoi l’État doit-il intervenir dans ce processus ?
Les agents économiques (entreprises, individus), au moment de décider de lancer un projet de recherche ou de suivre des études supérieures, mènent une analyse coûts-bénéfices. Prenons le cas des décisions éducatives, c'est-à-dire d'investissement en capital humain. Le capital humain se définit comme l'ensemble des expériences, compétences, connaissances qu'un individu s'est approprié et peut mobiliser dans ses activités productives. Il existe des coûts privés liés à cet investissement (les frais d'inscription à l'université, le coût du logement dans une ville universitaire) et des bénéfices privés (un salaire potentiel plus élevé et une plus grande facilité à décrocher un emploi). Les individus rationnels maximisent leur utilité et déterminent la quantité optimale privée d'éducation. Cette optimalité individuelle est pourtant sous-optimale pour la société : il serait préférable, pour la société dans son ensemble, que chacun investisse davantage. Pour augmenter l'investissement individuel en capital humain, l’État intervient pour réduire les coûts ou augmenter les bénéfices, par exemple en subventionnant les inscriptions à l'université.
Une autre imperfection de marché sont les biens publics ou bien collectifs qui sont non-rivaux et non-excluables par les prix.
- Non rival : à partir du moment où le bien public est produit, tout le monde peut s'en servir. Si je mange une pomme, mon voisin ne peut pas la manger en même temps que moi. Par contre, si l'on installe un phare, ma consommation individuelle ne nuit pas à celle des autres bateaux.
- Non excluable par les prix : le coût marginal pour le second utilisateur est nul. Par exemple, si je construis une route, une fois l'infrastructure en place, mon voisin peut théoriquement l'utiliser sans coût.
On voit que la production de ce genre de bien par le marché n'est pas possible, car les agents privés n'ont pas intérêt à supporter des coûts importants alors que les bénéfices sont collectifs. Ce type de biens comprend souvent les infrastructures de transport ou d’énergie. Il s'agit également de la recherche scientifique fondamentale produite en France via certains organismes comme le CNRS.
Enfin, dans la section précédente, nous avons développé la nature inter-temporelle des décisions des agents : il y a donc une incertitude qui pèse sur les rendements futurs de nos choix présents. Comment garantir aux ménages, aux entreprises la propriété des revenus futurs ? Comment inciter les comportements innovants, d'accumulation de ressources ? D'après l'économiste D. North, c'est le but des institutions formelles et informelles. Du côté des institutions formelles, historiquement, l'économie considère que l'établissement d'un État de droit garantissant la propriété favorise la croissance économique, par rapport à un État absolutiste et arbitraire. En l'absence d'un cadre réglementaire propice aux échanges et à la croissance, les agents subissent des coûts de transaction qui peuvent les dissuader d'être entreprenants. Ces coûts particuliers identifiés par Ronald Coase apparaissent dans un contexte où il n'y a pas transparence de l'information et regroupent tous les coûts qui prennent place en amont et en aval lors de la réalisation d'une transaction. Nous reviendrons avec Philippe Aghion en section C sur le rôle de la propriété intellectuelle pour inciter à l'innovation.
Du côté des institutions informelles, Paul Seabright expliquait au cours de la semaine précédente à quel point la confiance, par exemple, est un élément indispensable à l'activité économique : s'il n'existait pas de normes sociales régissant nos comportements, alors il faudrait bien craindre que chaque individu fuie au moment de sortir son porte-monnaie pour payer la note, maximisant alors son utilité (bénéfice important pour un coût nul)...
De plus, l’État dispose d'un horizon temporel plus long que celui des agents économiques, parfois court-termistes et/ou égoïstes. L’État peut donc favoriser un niveau d'épargne compatible avec une croissance "optimale", définie dans la partie précédente, en adoptant à la place des agents un comportement dynastique : optimiser pour toutes les générations la consommation par tête et favoriser l'accumulation de capital.
Mais l'intervention de l’État n'est pas non plus la panacée et peut à son tour créer des distorsions dans l'économie. Jean-Olivier Hairault indique que le choix du système de retraite, par exemple, impacte le niveau d'épargne d'une économie. En effet, dans un système par capitalisation, les sommes placées sur le marché des capitaux pour financer les retraites correspondent à de l'épargne, ce qui n'est pas le cas dans un système par répartition qui est un système de cotisations prélevées sur les revenus d'activité en France. Ce même raisonnement peut être appliqué aux politiques d'assurance santé ou éducatives selon qu'elles sont financées par l'épargne individuelle ou que les dépenses sont socialisées. Toutefois, quand l’État ne procure aucune assurance contre les risques sanitaire ou social, les agents économiques doivent former une épargne de précaution importante pour faire face aux risques de la vie, cela nécessite de contraindre fortement la consommation présente et donc diminue le niveau de vie.
2 - Quelles sont les spécificités de l'économie française sur la question du rôle de l’État dans la croissance ?
D'après Jean-Olivier Hairault, les mécanismes explicités ci-dessus permettent d'éclairer les difficultés de l'économie française en termes de croissance.
Le phénomène d’essoufflement de la croissance française est du à la stagnation de la productivité par tête. Si le niveau de la productivité par tête française était comparable aux niveaux étasunien et allemand au début des années 2000, la productivité française a depuis connu un certain décrochage. Ceci est à mettre en regard des difficultés rencontrées par la France en termes d'innovation, et d'investissement en éducation, en capital humain, dans les infrastructures publiques ou la recherche fondamentale. On voit par exemple dans le graphique suivant que la France investit une plus faible proportion de son PIB en Recherche et Développement que les États-Unis, et ce de manière persistante.
Selon Jean-Olivier Hairault, l’État français se désengage de ces activités du fait du manque de ressources. De plus, les deniers publics sont préférentiellement dirigés vers les systèmes d'assurance sociale (retraite, sécurité sociale) et non vers des politiques capables de stimuler la croissance. Or, pour financer son système public d'assurance sociale, la France se caractérise par un fort taux de prélèvement obligatoire (la part des taxes et cotisations sociales dans le PIB). Et cette fiscalité modifie les décisions et incitations des ménages et entreprises en créant des distorsions, source d'inefficacités économiques. Par exemple, un projet d'investissement ne sera peut-être pas entrepris si les bénéfices sont taxés par l’État, cela altère le calcul coût/bénéfice de l'agent économique qui peut renoncer à le mettre en œuvre, alors même qu'à long terme, cet investissement aurait été bénéfique pour la croissance.
Alors que penser in fine du rôle de l’État pour favoriser la croissance ? Doit-on promouvoir "autant d’État que nécessaire, autant de marché que possible" pour reprendre l'adage des Sociaux-Démocrates allemands ? Quid des considérations de justice sociale ? Peut-on concilier équité et efficacité économique ? Il existe autant de réponses que de théories économiques. S'il existe un petit nombre de situations économiques, développées ci-dessus, où l'intervention de l’État fait consensus (institutions, biens collectifs, externalités) , la question de la "taxation optimale" est au cœur de la réflexion économique contemporaine. La section suivante développent deux aspects contemporains de la théorie économique de la croissance : celui des inégalités et celui de l'innovation.
Pour aller plus loin sur le rôle de l’État dans la croissance :
Le rôle de l’État dans l'économie dépasse bien évidemment la poursuite de la croissance. Une définition classique des rôles de l’État dans l'économie a été donnée par Richard Musgrave (1959) :
- L’État doit concourir à l'allocation de certaines ressources. Cela correspond à la production des biens publics, et à l'intervention pour susciter la production d'externalités positives / limiter la production d'externalités négatives.
- L’État doit s'occuper de la redistribution des revenus. Le marché conduit à une distribution dite "primaire" des revenus. Celle-ci peut être socialement inacceptable (injuste) ou économiquement inefficace. Par le jeu de la taxation et des transferts, l'Etat organise une répartition secondaire des revenus.
- L’État doit amortir les cycles économiques. En particulier, soutenir l'activité en période de crise, et éviter les épisodes de surchauffe.
Une conférence des Jéco qui revient notamment sur les politiques des pôles de compétitivité (clusters).
Pour les économistes un peu confirmés, les études de l'Institut des Politiques Publiques dont les études sur la fiscalité s'intéressent souvent aux effets redistributifs et/ou distorsifs de la taxation.
MOOC c'est quoi l'éco : Semaine 3 C Développements récents de l'analyse de la croissance économique Philippe Aghion)(
Avec Jean-Olivier Hairault, nous avons vu que l'État peut intervenir pour susciter la croissance. Philippe Aghion, spécialiste de la théorie de la croissance, revient sur le rôle primordial des institutions pour favoriser le développement des activités économiques.
Les premiers modèles, tel que celui de Robert Solow (1956), n'expliquent pas la dynamique de la technologie et se contentent de la postuler. C'est pourquoi on qualifie ces modèles de modèles de croissance exogène. Les économistes, dont Philippe Aghion, se sont depuis consacrés à comprendre l'origine du progrès technique. Par opposition aux modèles classiques, on parle de modèles de croissance endogène car la production de progrès technique est expliquée, ce dernier n'est plus une "manne tombée du ciel". En effet, selon les estimations de Dubois, Carré et Malinvaud (1973), le progrès technique expliquerait 60% de la croissance observée entre 1949 et 1963....
Les théories de la croissance endogène font la part belle aux décisions des agents. Les choix d'investissement en capital humain ou en recherche et développement sont par exemple au cœur du processus de croissance car ils rendent possible l'augmentation du stocks des idées disponibles dans une économie, l'innovation et in fine la productivité des facteurs. Ces décisions individuelles produisent des externalités, et, comme nous l'avons vu avec Jean-Olivier Hairault dans la partie B, l'intervention publique est bien souvent indispensable pour en favoriser la production.
Parmi les théories les plus influentes de la croissance endogène, celles de Paul Romer (1986) et de Robert Lucas (1988) mettent l'accent sur le rôle du capital humain. Le modèle de Robert Barro (1990) souligne les effets positifs des dépenses publiques d'infrastructures sur la croissance. D'une manière générale, les pôles de compétitivité en France offrent une bonne illustration des enseignements de la théorie de la croissance endogène. il s'agit de rassembler au même endroit des entreprises, des organismes de recherches publiques et privés et de donner accès à des infrastructures de transports et de communication de premier ordre.
Dans la vidéo, Philippe Aghion présente la vision "Schumpéterienne" de la croissance endogène qu'il a développé avec Peter Howitt dès 1992. Joseph Aloïs Schumpeter propose dès le début du 20ème siècle que la croissance économique est guidée par les innovations, et qu'il faut faire en sorte que les entrepreneurs se trouvent dans les meilleures dispositions pour innover. Pour Schumpeter, les entrepreneurs innovent car ils deviennent alors leader sur le marché, ce qu'on nomme une situation de monopole. La rémunération de cette prise de risque est donc le profit. Innover est une stratégie pour les entreprises, en situation de forte concurrence.
Seulement, les innovations, qui sont majoritairement des procédés techniques issus d'idées, sont réplicables sans coûts par le concurrents. Ceci annihile l'incitation à innover. Il faut donc trouver un subtile équilibre entre concurrence et régulation pour favoriser la croissance. En particulier, les innovateurs doivent être assurés de pouvoir tirer bénéfice de leurs innovations. Les brevets, qui assurent des monopoles temporaires aux innovateurs, remplissent cette fonction : les institutions sont nécessaires pour encourage l'innovation. Cependant, les positions préférentielles des entreprises innovantes ne doivent pas être perpétuelles. Sinon, les innovations ne peuvent se diffuser, et les innovateurs deviennent des monopoles dont le pouvoir de marché nuit à l'efficacité économique. C'est pourquoi les brevets sont de durées limitées. La concurrence est donc l'aiguillon qui pousse à innover, mais celle-ci doit être régulée afin que les innovateurs tirent des bénéfices suffisants, à même de couvrir leurs investissements. En économie ouverte, dont les mécanismes seront détaillés dans la semaine 4, on considère que certaines firmes se situent à la frontière technologique, c'est à dire qu'elles disposent des procédés innovants. Une question importante est de savoir que faire des firmes éloignées de cette frontière, moins compétitives. Doit-on laisser jouer le marché et la destruction créatrice ? Doit-on protéger ces entreprises pour qu'elles puissent rattraper leur retard ? La question de l'innovation en contexte d'économie mondiale ouvre donc sur les politiques commerciales, autour du duo libre échange/protectionnisme.
De manière générale, les nouvelles théories de la croissance ont permis de souligner l'importance des institutions. Douglas North définit les institutions comme les contraintes créées qui régulent les interactions entre les hommes. Cette vision permet de dépasser la vision mécaniste de la croissance, et d'enrichir l'analyse d’éléments politiques, sociaux et culturels. La démocratie assure des droits et des libertés individuelles, parmi lesquelles la liberté d'entreprendre et la propriété privée, ce qui préserve les incitations à produire et innover. Il existe toutefois un débat sur la causalité entre démocratie et croissance, nous vous renvoyons à la section "pour aller plus loin" ci-dessous
MOOC c'est quoi l'éco : Semaine 3 Développements récents de l'analyse de la croissance économique (Cecilia García-Peñalosa)
Cecilia García-Peñalosa, directeur de recherche au CNRS et membre de l'
Notions et raisonnement développés par Cecilia García-Peñalosa
L'idée d'un arbitrage entre incitations, protection et opportunités ne s'applique pas uniquement à la question de l'innovation. En développant la question des inégalités, Cécilia Garcia-Penalosa souligne l'existence d'un même triptique et d'effets casaux complexes. Les modèles de croissance néoclassiques développés dans la section A présentent une approche macroéconomique de la répartition des revenus : comment doit-on consommer et investir pour permettre une croissance optimale, équilibrée. Mais on assiste à un renouveau de la question des inégalités, comme en témoigne le succès de l'ouvrage de Thomas Piketty, Le Capital au XXIème Siècle.
Nous avons vu qu'il y avait une tendance au ralentissement de la croissance économique dans les pays riches comme dans les pays émergents. On observe aussi une tendance à l'accroissement des inégalités de revenus dans la plupart des pays de l'OCDE depuis le milieu des années 1980 comme le montre le graphique ci-dessous. La France est dans la minorité des pays qui ont connu un changement très faible - Les Etats-Unis et le Mexique sont les pays les plus inégalitaires dans cet échantillon et les inégalités y augmentent sur la période. La question est de savoir s'il y a une relation entre ce ralentissement tendanciel de la croissance et ce creusement des inégalités de revenus. C'est une question abordée dans le cadre des travaux sur la croissance inclusive mais qui fait également écho à la théorie de la stagnation séculaire expliquée par P. Artus dans la partie 3.A.
1- Définitions et niveau d'analyse
Parler d'inégalités c'est s'intéresser à la distribution/répartition d'une grandeur économique. Cette expression est moins neutre que de celle de différences. On considère qu'une différence est inégale quand :
- le principe d'égalité de la société considère qu'il est "injuste" de maintenir des différences. C'est par exemple le cas des services publics en France où il doit y avoir une totale équite territoriale
- La différence ne résulte pas de caractéristique différentes qui influent sur la productivité. Si je suis davantage motivé, cela se peut se traduire par une disparité en termes salarial sur le marché du travail. Si ces caractéristiques n'ont aucun lien avec le marché du travail (couleur de peau, âge, genre), on s'intéresse alors aux théories de la discrimination
- L'ampleur de l'inégalité : on peut accepter un certain degré de différence mais développer des outils pour éviter que ces différences soient trop importantes.
On peut donc effectuer des comparaisons entre différents agents économiques : entre les Etats, les régions, les ménages... Selon John Hicks, économiste anglais qui a effectué la synthèse entre la théorie néoclassique et la théorie keynésienne, le revenu désigne tout ce qu'un agent économique peut consommer au cours d'une période donnée en maintenant intacte la valeur de son patrimoine. On se limite aux inégalités de revenus mais il faut savoir que les inégalités de patrimoine sont encore plus importantes.
Graphique 1 : Évolution des inégalités de revenus dans les pays de l'OCDE entre 1985 et 2013 (indice de Gini)
Ce graphique détaille la répartition interpersonnelle des revenus. Dans la question 2, C. Garcia-Penalosa évoque la répartition factorielle des revenus, c'est à dire les grands équilibres macro-économiques issu du partage des fruits de la croissance entre les deux facteurs de production -le capital et le travail-. Ils influent sur les inégalités inter-personnelle par la composition du revenu. Celui ci est la somme des différents flux liés aux différents facteurs de production. On appelle salaire la rémunération liée au travail et on appelle le profit la rémunération liée au capital. Nous avons parlé du profit dans la vidéo ci-dessus comme rémunération de la prise de risque dans le modèle schumpeterien de l'innovation. Comme le rappelle C. Garcia-Penaloza, même dans des sociétés où les marchés financiers sont développés, le capital est très inégalement réparti. L'évolution du partage de la valeur ajoutée en faveur de ce facteur de production lèse donc les acteurs économiques dont le revenu dépend majoritairement du travail...
Comment une société devient plus inégalitaire ? Supposons que la richesse soit multipliés par deux : les inégalités augmentent si l'accroissement ne touche pas de façon homogène l'ensemble de la population. On distingue :
- La croissance du bas de la distribution : augmentation de la part des pauvres ou des faibles revenus dans la population
- par le haut : accroissement plus rapide des revenus élevés que des revenus moyens ou faibles.
Pour analyser ce processus, on "découpe" souvent la population en groupe pour observer la répartition de la grandeur économique. Le graphique ci-dessous fait apparaître l'évolution de la part des 1% de revenus les plus élevés dans la totalité des revenus entre 1981 et 2012. Aux États-Unis, les 1% qui ont les revenus les plus élevés touchaient 8% de la totalité des revenus en 1981, ils touchent 20% de l'ensemble des revenus en 2012.
2- Croissance => inégalités
Pourquoi cet accroissement des inégalités ? Il y a des causes multiples.
a) La mondialisation :
Ouvrir l'économie, c'est aussi accroître l’offre de travail. Cela peut effectuer une pression à la baisse sur les salaires des travailleurs des pays riches, en particulier sur le travail peu qualifié. L'impact sur le niveau de vie et de pouvoir d'achat est plus controversé comme le montre J.M Vittori car la mondialisation permet aussi de faire baisser les coûts finaux des biens de consommation.
L’intégration financière et la mobilité très forte du capital ont aussi joué un rôle conséquent. Il y a plus d'opportunités de placements pour les capitaux et une pression à consentir des avantages fiscaux pour les attirer. Cela contribue à l'augmentation des revenus du capital qui se concentrent dans les revenus les plus élevés.
b) L'innovation :
Le progrès technique serait « biaisé ». On a retrouvé cette affirmation lors des primaires de la Belle Alliance populaire avec la proposition de taxer les "robots", qui utilisent davantage de capital. Or le marché du travail n'est pas homogène en termes de qualification : les plus qualifiés sont "complémentaires" à l'augmentation du capital tandis que les moins qualifiés peuvent être remplacés par des machines. Le progrès technique depuis les années 1990 serait de plus en plus demandeur de travailleurs très qualifiés, ce qui creuserait les inégalités de salaire.
c) La segmentation du marché du travail
C'est l'explosion de statuts atypiques, qu'il soit liés à l’économie numérique, aux possibilités d'arbitrage liées à la mondialisation, au recul du salariat et à l'explosion de l'emploi précaire.
d) Le rôle de l'Etat
On parle de revenus primaires avant intervention de l'Etat et de revenus secondaire après intervention. La France n'a pas connu d'explotion des inégalités (cf Graphique 1) notamment du fait d'une intervention publique par la fiscalité, les cotisations et les revenus de transferts.
Il faut d'ailleurs souligner que ces facteurs sont tous intrinsèquement liés. Par exemple, en France, le salariat a permis de développer un système de prélèvements obligatoires finançant la protection sociale. Or les politiques de l’offre peuvent compromettre cette redistribution : en induisant une baisse de la pression fiscale pour attirer les capitaux étrangers et l'innovation, on diminue les ressources financières de l'Etats et donc sa capacité à redistribuer. Cette concurrence internationale devrait donc être harmonisé pour éviter des "guerres économiques" aux conséquences sociales désastreuses. C. Garcia Penalosa souligne l'importance d'éviter ces comportements court-termistes pour avoir des politiques durables de croissance. On a par exemple parlé de créer un serpent fiscal européen sur le modèle de la création de la monnaie unique afin de favoriser les comportements coopératifs au sein de l'Union Européenne.
3- Renverser la perspective ?
Mais quel est l'impact de ce creusement des inégalités sur la croissance économique Cecilia García-Peñalosa explique que les effets peuvent jouer dans les deux sens. Le danger est de voir se développer de "mauvaises" inégalités. En effet, l'existence de différences produit des incitations : c'est ce que nous avons vu dans la semaine 2, en particulier la section 2.C. Mais dans une économie de la connaissance et de l'innovation, les inégalités peuvent être néfastes. Si elles se traduisent par une montée de la précarité, les individus ne peuvent pas se projeter dans l'avenir. Il devient de plus en plus difficile pour cette partie de la population de saisir les opportunités (manque de formation, coût de la mobilité géographique, accès plus difficile à l'éducation pour les enfants...). L'économiste G. Becker explique par exemple que les plus pauvres peuvent difficilement investir en capital humain, notamment parce qu'ils ont un accès contraint au crédit : possédant moins de garanties financières, moins de crédits leur sont accordés ou à des taux d'intérêt très important. Or sous-investir en capital humain, c'est se priver dans le futur de capacités d'innovations et réduire sa croissance potentielle. Cette sous-accumulation ne se limite pas au capital humain : les inégalités économiques influent par exemple sur la possibilité d'accès aux soins. Or si on ne peut pas se soigner, la productivité est diminuée, ce qui a terme joue sur la croissance. Ce lien entre santé et croissance est particulièrement visible dans les pays en développement où les dépenses de préventions sont faibles et les coûts liés aux aléas de la vie extrêmement élevés.
De plus, ces inégalités se transmettent. Le graphique de l'OCDE ci-dessous fait bien apparaître une relation négative entre le niveau d'inégalité et l'intensité de la mobilité intergénérationnelle (position socialed'une personne par rapport à celle de ses parents)
C'est un nouvel enjeu pour les politiques de redistribution qui doivent mieux accompagner la diffusion des innovations dans nos sociétés. Les niveaux de taxation des plus riches dans les pays de l'OCDE ont baissé depuis les années 1980. On constate également une progression de l'homogamie des couples, mesurée par la part des unions entre des personnes qui ont des niveaux de revenu semblables. Or, une structure sociale "rigide" ne permet pas d'avoir accès aux "opportunités" large, telles que les emplois créés par l' innovation. C'est le sujet de la croissance inclusive qui est traité au niveau de l'Union européenne mais aussi par des institutions comme l'OCDE ou le FMI. Comme nous allons le développer dans la section 3.D, au delà des valeurs et du modèle social, les inégalités peuvent affaiblir les fondamentaux économiques et la durabilité des phases de croissance. Kumhof et Rancière soulignent que les inégalités importantes aux États-Unis, couplées avec un accès facile au crédit à la consommation ont conduit à l'explosion de l'endettement des classes moyennes et pauvres et conduisant à la crise des subprimes. Cette étude concorde avec le constat de Larry Summers (section 3.A) sur le rôle de l'endettement dans la stagnation séculaire.
Pour aller plus loin sur les développements des théories de la croissance :
Une conférence des JECO à propos des écarts de croissance entre les pays.
Pour les plus courageux, un document de la FED de saint-louis (en Anglais) qui se pose la question : qui de la croissance ou de la démocratie apparaît en premier ?
La page du cours "économie des institutions, de l'innovation et de la croissance" de Philippe Aghion au collège de France.
MOOC c'est quoi l'éco : Semaine 3 D Les limites des indicateurs usuels de croissance économique (Florence Jany Catrice)
Dans cette vidéo, Florence Jany Catrice, professeur des universités à l'Université Lille 1 questionne le PIB dans sa capacité à mesurer la croissance et la pertinence du concept de croissance économique pour mesurer le bien-être d'une population
Notions et raisonnements dans l'interview de Florence Jany-Catrice
La première critique qu'adresse Florence Jany Catrice porte sur le calcul du PIB. Nous en avons déjà vu certaines dans la section A avec l'interview de Patrick Artus : part des services dans la croissance, du non marchand, impact de la qualité et l'innovation.... Mais F. Jany Catrice insiste en particulier sur la non prise en compte du patrimoine, compris ici dans un sens large comme le stock de richesse disponible. Pour l'analyse des inégalités de revenus, nous vous renvoyons à la section précédente.
D'un point de vue logique, si on accumule du revenu en réduisant notre consommation, le patrimoine doit s'accroître. Si je réduise mon patrimoine, je peux accroître ma consommation. Pourtant cette relation fondamentale dans les raisonnements économiques s'applique difficilement à certains secteurs. Une détérioration de l'environnement, i.e une diminution de notre patrimoine écologique, est aujourd'hui comptabilisée comme augmentant le PIB. Si une marée noire frappe aujourd'hui les côtés françaises, embaucher une entreprise pour restaurer les plages sera en effet considéré comme une valeur ajoutée, pourtant il s'agit d'une "dépense défensive", i.e. qui vise à restaurer la valeur initiale du capital. De même, les dépenses de l'État pour soutenir les chômeurs par exemple sont aussi une valeur ajoutée.
Encore une fois la question du prix est au centre de la réflexion s'articulant autour de deux problématiques : comment mesurer le prix de certains biens et services, en particulier lorsqu'il n'existe pas de marché où ces biens sont communément échangés ? Et surtout le prix reflète-t-il correctement la valeur ? Marc Pénin rappelle que " la comptabilité nationale est une représentation quantifiée du fonctionnement et des résultats économiques d'une économie nationale. Cette quantification s'effectue en unités monétaires, en partant du système de prix qui réalise, dans une économie de marché, une certaine objectivation des valeurs".
Nous avons vu dans la section A plusieurs façons de contourner l'absence de prix : la valeur ajoutée des services non-marchands est par exemple mesurée par les coûts de production. On peut aussi créer un marché lorsque celui-ci n'existe pas comme le marché des droits à polluer par exemple. En effet, les externalités apparaissent notamment lorsqu'il n'y a pas de prix disponibles pour guider les décisions des individus. Si on instaure un principe pollueur-payeur ou un marché du carbone, on "internalise les externalités" en attribuant un prix à l'activité polluante, ce qui devrait changer le calcul coût-avantage des agents et les inciter à modifier leur comportement.
Toutefois, ce prix reflète-t-il entièrement la valeur ? Dans le cas des marées noires par exemple, estimer les dommages causés par les prix affichés à la Criée néglige les usages récréatifs des littoraux ou leur valeur d'existence (apprécier que, dans l'absolu, il existe des dunes par exemple). Ces usages, dont les valeurs souvent non monétaires, ne sont pas pris en compte par les prix : B. de Jouvenel rappelle par exemple que détruire Notre Dame de Paris et remplacer la cathédrale par un parking ferait mécaniquement accroître le PIB. Pourtant ce patrimoine détient une valeur identitaire, symbolique, littéraire, historique etc...
Comme le souligne F. Jany-Catrice, il y a donc deux types de critiques : une critique interne, liée aux limites de l'outil -- le PIB -- et une critique externe, concernant le glissement sémantique qui s'est effectué entre le terme de croissance économique et celui de "progrès" ou de "bien-être". Nous venons de parler de la faible prise en compte de l'environnement dans les mesures contemporaines de la croissance, Dominique Méda rappelle aussi que le patrimoine social doit aussi être considéré pour traduire le bien-être : la montée des inégalités observées ne peut-elle pas nuire à la cohésion sociale, à l'engagement politique ? Dans deux ouvrages de références, La Mystique de la croissance, 1999 et Au delà du PIB, 2008, Dominique Méda appelle à avoir un regard critique et généalogique : il est nécessaire d'étudier comment les normes sociales, l'Histoire façonnent notre vision des phénomènes économiques et de facto le choix des indicateurs pour les quantifier. Pour Serge Paugam dans "Les cycles de la solidarité envers les pauvres" in L'avenir de la solidarité, la conjoncture actuelle, détaillée dans la semaine 2 de ce MOOC, a contribué à cet intérêt : en période de crises économiques, les analyses structurelles de la pauvreté et des inégalités retrouvent de l'ardeur alors qu'en période de "beau fixe économique", ces mêmes situations vont davantage être expliquées comme résultants des comportements des agents économiques.
Au delà de cette prise de conscience "conjoncturelle", F. Jany-Catrice invoque "une raison instrumentale" pour expliquer sur la dernière décennie l'intérêt de la sphère académique pour la question des inégalités, faisant écho aux propos de C. Garcia-Penaloza (section 3.C). Celle-ci développe un modèle traditionnel d'analyse coût-bénéfice et des incitations. F. Jany-Catrice insiste sur un élément récent, les coûts psychologiques des inégalités qui a leur tour influent sur la performance économique. Le sociologue R.K. Merton souligne que le modèle du "Rêve Américain" pouvait générer frustration, crime ou comportement "déviant" (au sens sociologique, i.e. ne pas correspondre à la norme dominante) car les objectifs valorisés par une société ne peuvent pas être atteint par les individus par manque de ressources. Cela peut donc avoir des conséquences sur la stabilité politique et économique d'un pays : Smriti Sharma montre par exemple dans le contexte indien comment les inégalités économiques entre les castes sont corrélées positivement avec le crime. L'économie expérimentale, s'intéresse également aux coûts psychologiques liées aux inégalités et à l'impact des valeurs et comportements altruistes dans les décisions économiques. Nous vous renvoyons à la semaine 2 pour quelques rappels si nécessaire.
Adapter les outils pour mieux prendre en compte ces inégalités est donc nécessaire même si la tâche n'est pas aisée. Parmi les nombreuses questions posées et problèmes rencontrés :
- Comment mesurer les coûts psychologiques des inégalités ? La valeur d'existence de l'environnement
- La valeur des patrimoines financier et immobilier est beaucoup plus volatile que les revenus du travail et capital
- Les inégalités sont multi-dimensionnelles : comment prendre en compte les inégalités énergétiques, les inégalités inter-générationnelles, les inégalités sociales ? Et leur interactions ?
- Comment prendre en compte les différences institutionnelles entre les pays puisque certains systèmes effectuent plus de redistribution que d'autres et utilisent des instruments différents (cotisations, prélèvements à la source, incitation ex-post, services publics)
Chaque indicateur alternatif possède ses limites, mais comme le souligne F. Jany-Catrice, une démarche intéressante est de confronter les "histoires" racontées par ces différentes mesures. Le graphique suivant, issu de l'ouvrage de notre intervenante Les nouveaux indicateurs de richesses, confronte pour le Royaume Uni l'évolution du Produit National Brut et de l'Indice de Bien-Être Durable (IBED) : les niveaux diffèrent tout comme leurs trajectoires à partir du milieu des années 1970.
Et voici le graphique de l'OCDE présenté dans la section 3.C sur les inégalités.
Quelques compléments sur les inégalités, le lien social et le patrimoine social
- D. Méda, Compte-rendu très complet faits par des étudiants de l'EHESS en sociologie,
- Le site de la vie des idées et notamment son ouvrage collectif L'avenir de la Solidarité dont plusieurs articles sont disponibles gratuitement ici pour développer la question des inégalités dans une perspective sociologique.
- La théorie du Solidarisme de Léon Bourgeois a influencé de nombreux sociologues et politiciens pour penser le concept de lien social, d'inégalités, de redistribution.
- L'ouvrage Gouverner par les Instruments de P. Lascoumes et P. Le Galès dont voici un compte rendu permet de s'intéresser au rôle qu'ont les instruments dans la vision des phénomènes économiques et dans la façon d'orienter les politiques publiques.
Quelques compléments sur les nouveaux indicateurs de richesse
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La publication annuelle de l'INSEE sur les revenus et patrimoines des ménages : fait un constat synthétique chaque année sur la répartition interpersonnelles des revenus, rassemble des définitions utiles et procède à une analyse des grandes tendances de la société Française
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Le rapport de France Stratégie sur les Nouveaux Indicateurs de Richesse
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Le rapport 362 du Sénat associé à la "Proposition de loi visant à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques"
- L'indicateur "Vivre Mieux" de l'OCDE est un indice composite qui permet des comparaisons internationales, de créer votre propre indicateur de bien-être et dont la méthodologie est accessible avec des rappels utiles sur les définitions
- Le manuel Les inégalités de Revenus, 2016, Armand Colin : la partie 1 rappelle les enjeux de mesure des inégalités de revenus, la partie 4 effectue une synthèse complète des réflexions instrumentales et de justice sociale expliquant pour les inégalités nuisent au bien-être, à la confiance et à l'efficacité productive.
MOOC c'est quoi l'éco : Semaine 3 E Le rôle des ressources naturelles dans la croissance économique (Philippe Chalmin)
Philippe Chalmin, Professeur des universités à Dauphine présente dans cette vidéo le rôle complexe des ressources naturelles dans l'analyse économique de la croissance. Celles-ci participent au développement économique, notamment dans les phases précoces de croissance mais sont aussi sources d'instabilité politique et économique. De plus, la préservation de l'environnement, l'épuisement des ressources naturelles questionnent la possibilité d'une croissance perpétuelle. P. Chalmin développe aussi la question de la soutenabilité des modèles reposant sur les matières premières, introduisant la notion de la diversité des modèles de croissance.
Notions et raisonnements dans l'interview de Philippe chalmin
Le modèle de Solow inclut deux facteurs de production : le travail et le capital. Pourtant au XVIIIème siècle, les Physiocrates pensaient que seul le travail de la terre pouvait générer de la richesse et le charbon a été au centre de la révolution industrielle anglaise (pour une approche historique, voir Kenneth Pomeranz et son ouvrage La force de l'Empire). Il est donc nécessaire d'introduire un autre facteur de production, les ressources naturelles, constituées des énergies fossiles, de la terre, des métaux rares et précieux etc.. Comme le rappelle Ph. Chalmin, il est nécessaire de distinguer environnement et ressources naturelles. Les modèles présentés dans cette section appréhendent les ressources naturelles comme des "inputs" : l'environnement n'a de valeur qu'en tant que facteur de production. Nous vous renvoyons à la section précédente sur les limites de cette approche instrumentale de l'environnement et vous trouverez plus bas des références portant notamment sur le concept de capital naturel et l'agriculture durable pour développer cette problématique.
À chaque facteur de production est associé une rémunération : le salaire est le revenu du travail, le profit celui du capital, la rente celui de la terre et plus largement des ressources naturelles. Ces ressources naturelles font partie de ce que les économistes appellent les avantages de première natures : on ne peut pas investir pour en créer, elles sont une "manne" tombée du ciel. Pourtant l'Économie Politique des ressources naturelles souligne l'existence d'une malédiction liée aux matières premières, la littérature empirique montrant une corrélation entre abondance de ressources naturelles et mauvaises performances économiques. Alors que penser des ressources naturelles ?
Gilles Carbonnier met en exergue trois types d'argument expliquant le "paradoxe de l'abondance" (d'après le titre de l'ouvrage de Terry Lynn Karl) :
- l'impact sur la gouvernance et les institutions politiques
- le risque de conflit
- la perturbation des fondamentaux économiques, le Dutch Disease ou Syndrome Hollandais qui explique comment des apports exogènes de richesse (ressources naturelles, mais aussi aide au développement, revenus des migrants internationaux) peuvent perturber le tissu économique national et les équilibres internes.
Nous allons développé ces trois points.
Comme le rappelle la Théorie du Public Choice (parfois appelée École de Virginie), l'apparition d'une rente peut conduire à une accroissement de la corruption et à une sur-exploitation des ressources. En effet, les modèles développés par JO Hairault dans la section 3.B supposent que l'État serait un planificateur bienveillant et omniscient qui prendrait en compte les défaillances de marché et gérerait en "bon père de famille" les ressources naturelles. Or John Stuart Mill rappelle que l'existence d'un gouvernement constitutionnel doit prévenir les abus du pouvoir politique liés aux intérêts particuliers de la personne qui incarne ce gouvernement. Dans l'article "Economie politique de la déforestation dans les tropiques", Robin Burgess et ses co-auteurs soulignent par exemple que la multiplication des juridictions locales en Indonésie accroît la déforestation du fait des intérêts particuliers des bureaucrates et politiciens (corruption, manne financière, cadeaux électoraux etc.).
De plus, ces ressources naturelles peuvent déstabiliser le gouvernement, générer des conflits et nuire au développement économique. Nicolas Berman dans son article "The Mine is Mine. How minerals fuel conflicts in Africa" montre que les augmentations des prix des matières premières expliqueraient entre 15 et 25 % de la conflictualité en Afrique. Michael Ross souligne que les ressources favorisent aussi l'apparition de guerres civiles dans les 13 cas étudiés.
De facto, les ressources naturelles sont réparties inégalement entre les pays et les régions; or entités géographiques ou administratives ne disposent pas des mêmes capacités pour faire face à la gestion de la rente. L'article de Gilles Carbonnier cité plus haut rassemble aussi les initiatives existantes pour favoriser la transparence comme l'initiative "Publiez ce que vous payez"
S'il semble possible (mais rare) d'effectuer une bonne gouvernance politique de la rente, la bonne gestion économique de cette manne constitue aussi un défi conséquent car l'apparition exogène d'une manne perturbent le tissu économique. En effet, ces ressources naturelles sont souvent exportées mais cette "santé extérieure" est concomitante avec une perturbation du tissu national économique. En Hollande, la découverte de réserves de gaz à la fin des année 60 a été suivie d'une augmentation du chômage (1.1% en 1970 à 5.1% en 1977) : en effet l'exploitation des ressources naturelles utilise davantage de capital que de travail (on parle en économie d'une production intensive en capital). De plus, l'accroissement de la richesse conduit à une augmentation de la valeur de la monnaie nationale (on parle alors d'une appréciation de la monnaie, ces mécanismes seront détaillés dans les semaines 4 et 5) : cela conduit à accroître les importations de produits manufacturés et à diminuer la compétitivité-prix à l'exportations des produits nationaux. À la Baisse de l'investissement, au chômage, et au faible dynamisme du tissu industriel s'ajoute le risque de vulnérabilité économique car le prix des ressources naturelles est volatile, c.a.d qu'il varie beaucoup autour de sa valeur moyenne historique. Or si la santé interne d'un pays est fragilisé, ce dernier peut difficilement faire face à une variation brutale du prix.
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Parler des ressources naturelles conduit naturellement à traiter de la question de la soutenabilité des modèles croissance : peut-on accroître sa croissance lorsqu'un des facteurs de production est disponible en quantité limitée ? À la fin du XVIIIème siècle, Malthus considère que la croissance ne peut être perpétuée à l'infini puisque la terre est disponible en quantité limitée : l'accroissement de la population est trop fort pour une économie agraire dont les gains de productivité sont faibles. Il y a a donc une contradiction entre la pérennité d'un phénomène -- la croissance-- et les limitations physiques : Kenneth Boulding déclare ainsi " Celui qui pense qu'une croissance exponentielle puisse continuer à l'infini dans un monde fini est soit un fou soit un économiste" (1973, Acte de la réorganisation énergétique, Congrès des États-Unis).
Toutefois la vision pessimiste de Malthus ignore le progrès technique. Comme le rappelle Ph. Chalmin, comment prédire quelles seront les technologies de demain ? Ces modèles de croissance s'articulent autour de deux concepts économiques :
- L'effet de substitution
- Les incitations à innover pour réduire les quantités de ressources détruites dans la production
Le modèle séminal est développé par Partha Dasgupta et Geoffrey Heal (1974) repose sur l'idée de substituer une ressource naturelle épuisable par un autre facteur de production (sous certaines conditions mathématiques assez complexes). En microéconomie, on considère que deux biens sont substituables si ils peuvent répondre au même besoin : si le prix d'une bien 1 augmente, alors je vais réorienter ma consommation vers le bien 1bis moins cher et qui m'apporte la même satisfaction. Deux biens sont dits complémentaires si leur consommation doit être associée (des pneus et une voiture par exemple). On utilise ces concepts aussi bien pour interpréter les comportements de consommation que de production.
William Nordhaus (1974) développe un raisonnement similaire : il existe un facteur de production renouvelable pour remplacer la ressource épuisable (l'électricité comme substitut aux énergies fossiles), le premier étant plus onéreux. Au fur et à mesure que la ressource naturelle s'épuise, son prix augmente : la demande est importante et l'offre limitée; c'est la règle d'Hotelling (1931). Cette modification des prix relatifs constitue donc une incitation monétaire à la remplacer par son substitut.
De plus, cette augmentation de coût de la ressource non renouvelable va conduire à inventer des nouveaux processus, c'est la théorie du progrès technique dirigé de John Hicks (1932) : l'innovation n'est plus aléatoire, le changement des prix relatifs va inciter à innover sur le facteur de production dont le prix s'est apprécié. On va développer des techniques plus économes en pétrole par exemple, plus performantes mais aussi le recyclage comme rappelé par notre intervenant. François Meunier illustre ce changement dans son billet "Trop de pétrole...ou pas assez ?" de décembre 2015 : "Dans les années 1960, les Maliens avaient avec humour baptisé les camions que leur avait livrés l'Union soviétique, les "un pour un", à savoir un litre de gasoil au kilomètre, soit 100 litres au 100. Aujourd'hui, les derniers modèles peuvent tracter 5 fois plus pour une consommation divisée par 5". Cette modification des prix liée à la rareté des ressources naturelles et leur épuisement serait donc l'opportunité de passer d'une économie de "cowboy" fondée sur l'abondance et le gaspillage à un modèle de "vaisseau spatial" où aucun apport extérieur n'est possible et où le recyclage est la règle (Kenneth Boulding "The economics of the Coming Spaceship Earth", 1966).
Ce calcul rationnel des agents économiques peut aussi être modifié par l'État. Nous avons vu à plusieurs reprises le concept "d'externalités négatives" : sans internalisation des externalités, le coût social n'est pas pris en compte par les acteurs économiques dans leur décision. L'accroissement des prix des activités polluantes par l'instauration d'une taxe ou d'un marché des droits à polluer constitue une incitation supplémentaire à effectuer la transition technologiques. L'État peut aussi subventionner les technologies propres et la R&D afin d'accélérer le processus de substitution. Voici quelques résultats pour la France issus des statistiques gouvernementales sur le développement durable :
En effet, les agents économiques procèdent à des choix fondés sur le prix mais l'inversion des rapports "coût-avantages" peut être tardif : on peut se retrouver du jour au lendemain à dépendre d'une technologie précaire dans laquelle on a peu investi, une politique étatique en faveur des énergies propres devrait donc faciliter et consolider la transition (Aghion et alii, 2012). Nous retrouvons ici P. Aghion qui développe dans la section 3.C la question de l'innovation.
Le débat sur la place des ressources naturelles dans les modèles de croissance économique n'est toutefois pas épuisé par cet exposé. Voici quelques questions :
- Ne pouvant anticiper les technologies futures, doit-on définir des seuils critiques de ressources naturelles ?
- L'investissement est-suffisant aujourd'hui pour développer les technologies vertes ?
- L'augmentation des prix des ressources naturelles conduit parfois à rendre rentable des alternatives polluantes : l'augmentation des prix du pétrole (avant la crise actuelle) a par exemple conduit à trouver un substitut dans les gaz de schiste.
- ....
Et comme rappelé dans la section 3.A, ces enjeux autour des ressources naturelles participent pleinement au débat sur la stagnation séculaire...
Quelques compléments sur nourrir les hommes
- Le rapport Agrimonde. Scénarios et défis pour nourrir le monde en 2050 de l'INRA et du CIRAD rappelant les triples défi de la sécurité alimentaire, de la protection de l'environnement et la raréfactions des ressources naturelles.
- Le rapport de la FAO Comment nourrir le monde en 2050
Quelques compléments sur le rôle des avantages de première nature dans la croissance
Dans son entretien, P. Chalmin souligne que les ressources naturelles ont peu joué dans les 50 dernières années sur la réussite économique des pays. Jeffrey Sachs porte un regard plus nuancé sur le rôle de la géographie et des ressources naturelles car le climat joue sur l'accumulation de capital physique (malaria, maladies tropicales) ainsi que l'accès au commerce international (voies navigables, zone portuaire).
Rapport de la Banque mondiale en anglais "Les ressources naturelles : ni malédiction ni destinée" effectue une synthèse des études empiriques sur l'impact des ressources naturelles sur la croissance.
Quelques compléments sur le capital naturel
Une notion intéressante pour comprendre les enjeux autours des ressources naturelles et environnementale est l'opposition entre risque et incertitude en économie. F. Knight (1885-1972) considère que le risque est un évènement probabilisable, l'incertitude apparaît lorsque nos connaissances sont insuffisantes pour effectuer ce calcul. Par exemple, un assureur peut appliquer une sur-prime si vous êtes jeune conducteur au volant d'une voiture de sport rouge car statistiquement, ces catégories d'utilisateur et de véhicule ont plus de chance d'avoir un accident.
Pour l'instant, il est difficile d'effectuer un calcul probabiliste pour gérer l'environnement. Malgré les techniques actuelles de détection, on peut appliquer un principe de précaution dans l'usage de nos ressources naturelles et définir de seuils critiques, nous vous renvoyons à l'excellent L'économie des ressources naturelles de G. Rotillon pour une synthèse complète des enjeux économiques sur ce sujet. Les éco-systèmes peuvent aussi disparaître de façon brutale : pour les anglophones, les travaux de P. Dasgupta sur le capital naturel prennent en compte cette incertitude radicale, son rôle dans le bien-être des populations notamment pour les plus pauvres. L'ouvrage "Effondrement" de Jared Diamond traite du lien fragile entre écosystème et civilisation en utilisant des exemples historiques dont la fameuse Ile de Pâques. Enfin l'ouvrage d'U. Beck La société du risque souligne comment le risque notamment environnemental affecte de façon différenciée les individus, dans un contexte où les mécanismes de gestion des risques sont de moins en moins collectifs.
MOOC c'est quoi l'éco : Semaine 3 F Pour aller plus loin
Les trois temps de la partie "Pour aller plus loin"
Nous vous proposons :
1 -De continuer les interviews avec les économistes Philippe Aghion, Professeur au Collège de France, Alain Ayong Le Kama, Professeur des universités, en économie, Université de Paris Ouest – Nanterre, Président de l'Association française des économistes de l’environnement et des ressources naturelles (FAERE : French association of environnemental and resource economists), recteur de l'académie de Guyane, Patrick Artus, chef économiste de Natixis et Cecilia Garcia-Peñalosa, directeur de recherche au CNRS et membre de l’École d'économie d'Aix-Marseille et du Conseil d'analyse économique.
2 - Quelques conseils de lecture si vous souhaitez approfondir votre réflexion.
3 - La rubrique : "La salle du prof". Vous y trouverez cette semaine une proposition de séquence pédagogique qui a été construite par des collègues. Ce sont des ressources à la disposition des enseignants.
Documents et propositions de lecture
La problématique abordée en semaine 3 pourra intéresser de nombreux enseignants du secondaire. Nous avons dans les rubriques pour aller plus loin signaler de nombreux ouvrages et sites intéressants. Pour les "économistes du quotidien", en cette période de révision pour le baccalauréat, vous pouvez bénéficier de toutes les publications destinées aux élèves de secondaire pour revoir et approfondir les acquis de semaine 1, 2 et 3.
- Le manuel La microéconomie en pratique privilégie l'approche graphique en partant d'exemples concrets (marché du logement, biens culturels) pour illustrer les concepts d'imperfections de marché, biens collectifs, externalités sans formulation mathématique...
- Une synthèse visuelle à l'intention des terminales sur les origines de la croissance
- Le numéro de mars 2017 de la revue Finances & développement : "Le casse-tête de la croissance", propose des articles synthétiques qui présentent les réflexions actuelles des économistes.
- Le site Melchior très utile pour faire le point sur un thématique
- Le site de l'Education Nationale Eduscol avec des fiches de synthèses sur les différents aspects du programme. Ci-dessous, voici les items qui pourraient vous intéresser.
Programme Première
- Les grandes questions que se posent les économistes
- La coordination par le marché (3.1 et 3.4 en particulier)
Programme Terminale
- Justice sociale et inégalités (regards croisés)
- Croissance fluctuations et crises (thème 1 de l'enseignement de spécialité économie)
- économie du développement durable (thème 3 de l'enseignement de spécialité économie)
"La salle du prof"
Les vidéos servant de support à ces séquences pédagogique sont accessibles sur le site SES-ENS (site expert DGESCO / ENS de Lyon proposant des ressources pour la formation et l'information des enseignants de SES) : Ressources du MOOC "C'est quoi l'éco ?"