MOOC c'est quoi l'éco : Semaine 2 Quelle est la situation de l'économie française ?

Naviguer dans le mooc c'est quoi l'éco. (Nous reproduisons sur ces pages un MOOC que nous avions réalisé sur FUN en 2016 et 2017 sans les exercices et forums)
S1 - L'économie et vous
S2 - Quelle est la situation de l'économie française ?
S3 - Comment et pourquoi générer de la croissance économique ?
S4 - Le commerce international, la mondialisation : danger ou opportunité ?
S5 - Monnaie, banque, finance : ces sujets nous concernent tous
S6 - Qu’est-ce qu'une bonne politique économique ?

Au cours de la semaine précédente, nous avons vu que les raisonnements économiques ne nous sont pas étrangers, mais souvent nous accordons une place trop importante à notre expérience personnelle. Il est nécessaire d'étudier notre environnement.  Pour cela, nous commencerons par l'analyse de la situation actuelle de l'économie française. Nous allons utiliser des notions, des données, des raisonnements qu'il faudra expliquer. Ensemble nous chercherons à mieux comprendre le monde dans lequel nous évoluons en mobilisant le regard des économistes.

Progressivement nous passerons de la description d'une situation économique, celle de la France aujourd'hui, aux modes de raisonnements des économistes. Ce glissement doit être bien identifié car il est une source d'incompréhension quand vous constatez qu'il y a des divergences entre les analyses que vous pouvez entendre ou lire sur une question économique comme le chômage, la finance, la mondialisation, le déficit budgétaire, la croissance économique...

MOOC c'est quoi l'éco : Semaine 2 La situation actuelle de l'économie française (Patrick Artus)

Patrick Artus, chef économiste de Natixis, analyse la situation de l'économie française à la fin de 2016 et apporte un éclairage sur la situation qui se dessine pour 2017.

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Notions et raisonnements dans l'interview de Patrick Artus

Patrick Artus analyse la situation conjoncturelle de la France (enregistrement fait en novembre 2016), c'est à dire à court terme (pour 2017) en expliquant le rôle des variables qui déterminent l'activité économique. Il compare la croissance effective (ou observée) à la croissance potentielle.

La croissance potentielle peut être définie comme la croissance qui réalise le niveau maximal de production étant données les capacités de production (c'est-à-dire la quantité de travail et de capital disponible pour produire), sans accélération de l'inflation. Les économistes supposent qu'à long terme, la croissance effective tend vers la croissance potentielle (en d'autres termes, la croissance effective ne peut pas être durablement en-dessous ou au-dessus de la croissance potentielle). La croissance potentielle augmente quand il y a des gains de productivité (on peut alors produire plus qu'avant avec les mêmes quantités de travail et de capital), une augmentation de la quantité de travail ou de capital (par le biais de l'investissement).

Le prix du pétrole est donc un déterminant de la croissance effective (sa baisse stimule la consommation des ménages et fait baisser les coûts de production des entreprises) mais pas de la croissance potentielle.

Pour mieux comprendre les déterminants de la croissance, on distingue en général l'offre et la demande au niveau de l'économie nationale :

- l'offre représente les ressources disponibles dans l'économie, c'est à dire les biens et les services qui ont deux origines : les importations et la production à l'intérieur du pays (on va bientôt expliquer ce qu'est le produit intérieur brut dit PIB).

- la demande correspond aux emplois de ces ressources. Il s'agit de : la consommation, les investissements (les statisticiens désignent les investissements par le concept de formation brute de capital fixe - FBCF), la dépense publique, les exportations et il faut ajouter les variations de stocks (qui peuvent être positives quand les entreprises décident de reconstituer leurs stocks ou, inversement, négatives quand elles décident de réduire leurs stocks).

Pour que l'on ait une reprise d'activité économique (c'est à dire un taux de croissance de la production qui soit suffisant pour permettre des créations d'emplois), il faut que la demande augmente sans profiter uniquement aux importations. Les composantes de la demande que nous venons de citer dépendent des revenus des agents économiques (si vos revenus augmentent, cela vous permet de consommer davantage), des prix des biens et services et aussi de votre vision de l'avenir (si vous êtes pessimiste vous allez préférer épargner plutôt que dépenser).

Patrick Artus dans l'interview s'intéresse particulièrement aux évolutions de prix avec par exemple, le prix du pétrole qui pèse sur le budget des ménages comme sur celui des entreprises industrielles (il y a certainement d'autres prix qui pèsent sur votre budget : prix des produits alimentaires, prix du logement, prix des vêtements, prix des loisirs...). De manière générale, quand les prix baissent cela nous incite à consommer (les producteurs le savent bien quand ils jouent sur les promotions). Il y a d'autres prix auxquels vous ne pensez pas immédiatement comme les taux d'intérêt. Si ces taux baissent, les agents économiques sont incités à emprunter (ce qui stimule la demande) et les entreprises à emprunter pour investir (ce qui stimule l'offre). C'est pourquoi on parle de politique monétaire expansionniste lorsque la banque centrale européenne (BCE) pratique des taux d'intérêt bas.

Pour compléter l'analyse présentée par Patrick Artus nous vous proposons de lire les pages 3 et 4 du résumé des perspectives économiques établies par l'Observatoire français de conjoncture économique (OFCE) de mars 2017 et qui a pour titre : "Quelles perspectives pour l'économie française au cours du prochain quinquennat ?" (les pages 1 et 2 traitent des prévisions au niveau de l'économie mondiale).

La reprise de l'activité économique en France est perçue comme la condition nécessaire pour faire baisser le chômage. Comme on vient de le voir, si les producteurs réagissent à l'augmentation de la demande par une augmentation des capacités de production, on peut s'attendre à des créations d'emplois.

Il reste à définir la productivité puisque Patrick Artus aborde le sujet des gains de productivité dans la troisième question de l'interview. Pour commencer, voici la définition de l'INSEE : "En économie, la productivité est définie comme le rapport, en volume, entre une production et les ressources mises en œuvre pour l'obtenir. La production désigne les biens et/ou les services produits. Les ressources mises en œuvre, dénommées aussi facteurs de production, désignent le travail, le capital technique (installations, machines, outillages...), les capitaux engagés, les consommations intermédiaires (matières premières, énergie, transport...), ainsi que des facteurs moins faciles à appréhender bien qu'extrêmement importants, tels le savoir-faire accumulé.
La productivité peut aussi être calculée par rapport à un seul type de ressources, le travail ou le capital. On parle alors de productivité apparente. Une mesure couramment utilisée est celle de productivité apparente du travail. On peut également calculer une productivité apparente du capital".

Les gains de productivité sont importants à analyser car lorsque l'on réalise ces gains grâce à une meilleure organisation de la production ou par l'introduction d'une nouvelle technologie, on peut produire plus et mieux avec une quantité donnée de facteurs de production (travail et capital), mais en même temps, si les travailleurs sont plus efficaces, il faut une croissance économique supérieure aux gains de productivité du travail pour commencer à créer des emplois.

À vous maintenant de répondre à quelques questions qui vous permettront d'évaluer votre compréhension des raisonnements de Patrick Artus concernant la situation de l'économie française.

Quelques compléments sur la situation de la France : cinq grandes mutations sur le long terme :

On vient de constater que la France est dans une situation conjoncturelle difficile avec très peu de croissance économique et un chômage élevé. Toutefois, il ne faut pas oublier le chemin parcouru sur le long terme. Voici en cinq graphiques des mutations majeures qu'il faut avoir à l'esprit.

Premier graphique : croissance économique et croissance de la productivité du travail
Sur ce graphique on peut suivre les taux de croissance de la production du pays (on va définir le PIB dans la prochaine séquence - en volume signifie que l'on a supprimé la partie qui résulte de la hausse des prix) et la productivité horaire du travail (c'est à dire le ratio PIB divisé par le nombre d'heures totales travaillées dans le pays pendant une année). On constate d'abord que les deux courbes ont des évolutions similaires : la croissance économique est liée à la croissance de la productivité du travail. Ensuite, on peut identifier trois sous périodes : pendant les années 1950-1960, la croissance économique tourne entre 5 et 6% par an, c'est l'époque des "trente glorieuses" (il faut à ce rythme entre 12 et 14 ans pour doubler la production du pays). Du milieu des années 1970 au milieu des années 2000, la croissance économique en moyenne n'est plus que de 2% (à ce rythme il faut environ 35 ans pour doubler la production du pays). Enfin depuis la crise financière qui éclate en 2007, la croissance est à peine à 1% (70 ans pour doubler la production du pays). Faut-il en déduire que c'est la fin de la croissance économique ? Nous verrons que c'est un débat important entre les économistes.
 

graph croissance


Deuxième graphique : la part des différentes branches dans la production de la France
Au lendemain de la seconde guerre mondiale, l'agriculture représentait plus de 25% de la production nationale et les services marchands qui dépassaient les 35% étaient largement représentés par le petit commerce et l'artisanat. Aujourd'hui, l'agriculture représente à peine 2% de la production et les services marchands qui constituent plus de 50% de la production correspondent à des métiers bien différents (banques, assurances, informatique...). Le travail a changé de nature, les français occupent des emplois qui ont peu de choses à voir avec ceux d'il y a 60 ans.

graph répartition sectorielle


Troisième graphique : évolution de l'espérance de vie des français
Il suffit de regarder les courbes rouges sur les deux graphiques ci-dessous pour comprendre le changement : en 1950 un homme avait une espérance de vie d'environ 63 ans, en 2010 plus de 78 ans et les projections pour 2050 indiquent 85 ans (pour les femmes on va de 69 ans à 90 ans). Les bouleversements liés à cette augmentation de l'espérance de vie sont profonds : on se projette à l'âge de la retraite, quatre à cinq générations seront en relation dans une famille, les problèmes de santé, de logement, de services à la personnes... changent avec cette mutation démographique.



Quatrième graphique : la proportion de bacheliers dans une génération
Le niveau d'éducation est une des grandes révolutions de la société française. Jusqu'au lendemain de la seconde guerre mondiale moins de 5% d'une classe d'âge allait jusqu'au niveau du baccalauréat (et les filles étaient presque absentes de ce pourcentage). Aujourd'hui on approche les 80% d'une classe d'âge qui atteint le baccalauréat. Ce changement dans le niveau des études entraîne des mutations profondes de la société. L'éducation des enfants, les formes de sociabilité, la vie professionnelle, l'appropriation des nouvelles technologies, la liste serait longue de toutes ces mutations qui sont liées à l'accès à l'éducation.

graph croissance bac

Cinquième graphique : pourcentage d'unions rompues selon la durée écoulée depuis la mise en couple

Ce dernier graphique nous montre que les couples rompent de plus en plus souvent et de plus en plus vite. Par exemple pour les unions qui se sont formées en 1950-1954, 5% s'étaient séparés 16 ans après leur mise en couple, pour les unions formées en 1975-1979, les séparations après 16 ans représentent plus de 23%, et l'augmentation de la part des séparations continue pour les unions qui se sont formées sur les périodes suivantes. Ce changement majeur dans la société française a des effets économiques importants qui concernent par exemple la fiscalité (impôt sur le revenu calculé au niveau du ménage), l'adaptation du parc de logements, les services de garde des enfants...

graph rupture mariage en fonction des générations

Avec ces cinq graphiques vous avez des exemples de ce que les statistiques peuvent nous dire des grands changements que nous vivons dans une économie. Cela signifie qu'un raisonnement qui se vérifiait à une période donnée, peut être erroné quelques années plus tard car l'environnement économique et social n'est plus le même.

MOOC c'est quoi l'éco : Semaine 2 Les indicateurs pour décrire la situation d'une économie (Pascal Oger)

On vient de voir avec l'exemple de la situation de la France que nous utilisons de nombreuses notions économiques. On entend parler régulièrement de croissance, d'inflation, de chômage, de déficit du commerce extérieur, comment mesure-t-on ces grandeurs ? C'est le travail des statisticiens. En France le principal organisme public qui produit les statistiques s'appelle l'INSEE (Institut national de la statistique et des études économiques). On a donc demandé à Pascal Oger, directeur régional de l'INSEE Rhône-Alpes de répondre à nos questions sur les indicateurs économiques.

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les indicateurs économiques dans l'interview de Pascal Oger

Pascal Oger commence par citer une série d'indicateurs qui sont utilisés pour décrire la situation d'une économie. Le premier qui est mentionné est le PIB (produit intérieur brut). Nous vous recommandons de lire la brève présentation de Tim Callen : "Qu'est-ce que le produit intérieur brut ?" qui vous permettra de comprendre comment on mesure le PIB, comment on passe du PIB courant au PIB réel, comment on compare les PIB de différents pays qui n'ont pas la même monnaie et enfin qu'est-ce que le PIB ne peut pas mesurer ? C'est une question qui se pose quand on veut évaluer le bien-être comme l'explique Eloi Laurent dans ce billet sur le blog de l'OFCE. On voit qu'il est souhaitable de mobiliser plusieurs indicateurs si on veut mieux évaluer la situation d'une économie.

Le deuxième indicateur cité par Pascal Oger est le taux de chômage. Là encore nous vous proposons de commencer par la lecture d'une présentation courte de Ceyda Oner : "Le chômage, c'est quoi ?" qui explique l'approche des économistes qui utilisent les concepts de chômage naturel, chômage frictionnel, de NAIRU. Concernant la mesure du chômage, il faut bien différencier comme vous l'explique Pascal Oger à la fin de son interview :

-  le nombre de demandeurs d'emplois en fin de mois mesuré par Pôle Emploi (il y a plusieurs catégories de demandeurs d'emplois. Si on prend les catégories A-B-C-D-E, il y avait fin mars 2017 : 6,23 millions de demandeurs d'emplois en France) ;

- le nombre de chômeurs au sens du BIT : un chômeur est une personne en âge de travailler (15 ans ou plus) qui répond simultanément à trois conditions :
- être sans emploi, c'est à dire ne pas avoir travaillé au moins une heure durant une semaine de référence ;
- être disponible pour prendre un emploi dans les 15 jours ;
- avoir cherché activement un emploi dans le mois précédent ou en avoir trouvé un qui commence dans moins de trois mois.

Fin 2016, il y avait 2,8 millions de chômeurs en France qui appartiennent à la population active qui est de 27,3 millions. Il est important de retenir qu'un chômeur est un actif. Donc le taux de chômage est 2,8/27,3 = 0,097 soit 9,7%. Il faut ajouter que l'on décompte aussi les personnes inactives au sens du BIT, 1,4 million qui souhaitent un emploi sans être comptées comme chômeurs au sens du BIT : elles constituent le halo autour du chômage.

Les taux de chômage sont très différents entre les pays et selon les périodes comme on peut le voir sur le graphique 1. Le cas de la France est intéressant, c'est le pays où les variation du taux chômage sur la période 2000 - 2015 sont les plus faibles, il oscille entre 7 et 10%. Les fluctuations conjoncturelles ont un impact, en apparence moins marqué sur le taux de chômage en France que chez nos principaux partenaires économiques.

Graphique 1 : Taux de chômage sur la période 2000 - 2015 - présentation OFCE (attention, les taux de chômage de l'Allemagne, de l'Italie, de la France, des États-Unis et de la Grande-Bretagne sont à lire sur l'échelle de gauche alors que le taux de l'Espagne qui est beaucoup plus élevé est à lire sur l'échelle de droite - cette astuce permet de mettre sur un même graphique des courbes qui sont à des niveaux très différents).

Taux de chomage

Il ne faut pas oublier qu'il y a environ 40 millions de personnes en âge de travailler en France qui ont entre 15 et 64 ans. On peut donc aussi calculer :

le taux d'emploi en rapportant le nombre d'individus de 15 à 64 ans ayant un emploi au nombre total d'individus dans cette population (en 2014, 64,3 % des personnes âgées de 15 à 64 ans occupent un emploi)

- le taux d'activité est le rapport entre le nombre d'actifs (actifs occupés et chômeurs) et l'ensemble de la population correspondante (en 2014, 71,4 % des personnes âgées de 15 à 64 ans sont actives).

Il est important de suivre à la fois les évolutions du taux de chômage et du taux d'activité comme nous allons le voir bientôt.

Ensuite Pascal Oger aborde la question du commerce extérieur, ce qui va conduire à la question : "Qu'est-ce que le degré d'ouverture aux échanges extérieurs ?". Le taux d'ouverture d'un pays est égal à la somme des exportations et des importations de ce pays pendant une année, divisé par deux et rapporté au PIB de la même année. Voir la fiche pédagogique : taux d'ouverture. Vous constaterez sur le tableau présenté dans cette fiche pédagogique que le taux d'ouverture de l'économie française augmente rapidement entre 1970 et 1980 et entre 1995 et 2000. La première période correspond au chocs pétroliers (le coût des importations augmente ce qui nécessite de développer les exportations pour rééquilibrer le commerce extérieur). La seconde période, celle de la fin du vingtième siècle correspond à une accélération de la mondialisation avec en particulier la Chine qui devient "l'atelier du monde". C'est l'organisation de la production qui se transforme radicalement : la Chine importe des composants du monde entier qu'elle assemble pour les réexporter.

Pour terminer, Pascal Oger aborde aussi la question de la dette, en rappelant qu'il n'y a pas que la dette publique, il y a aussi les dettes des ménages et des entreprises. À la fin de l'année 2015, la dette publique (État, collectivités locales, administrations de sécurité sociale) se montait à 95,7% du PIB (2097 milliards €) ; La dette des ménages et ISBLSM (institutions sans but lucratif au service des ménages) atteignait 55,3% du PIB fin 2014 et la dette des sociétés non financières 66,8% toujours fin 2014.

On peut suivre l'évolution de l'endettement de ces trois catégories sur 10 ans sur le graphique suivant. On voit que la dette cumulée des entreprises, des ménages et des acteurs publics atteint 217% du PIB. Il y a une montée générale de l'endettement des agents économiques.

graph dettes

quelques compléments sur le chômage

Il est important quand vous regardez l'évolution du taux de chômage qui était présentée précédemment sur le graphique 1 de la comparer avec l'évolution du taux d'emploi (voir graphique 2). Par exemple, si je prends les États-Unis (courbe en bleu foncé sur le graphique1), le taux de chômage en 2000 est à 4%. Avec la crise financière, il monte à 10% en 2010, puis il redescend à 5,5% en 2015. On pourrait penser que l'on est revenu à un taux proche du taux de chômage naturel, c'est à dire celui en dessous duquel il est difficile de descendre, comme en 2000. Pourtant quelque chose a changé entre 2000 et 2015, c'est le taux d'emploi (graphique 2, courbe en bleu foncé). Au début de la période il était presque à 75%, il est tombé en 2015 à 68%. Cela signifie que sur la période une partie de la population en âge de travailler s'est retirée du marché du travail, soit en renonçant à exercer une activité, soit en travaillant en dehors du cadre légal. Donc le chômage a diminué pour deux raisons : des emplois se sont créés après la crise à partir de 2011, mais aussi des travailleurs se sont retrouvés durablement éloignés du marché du travail et ont renoncé à chercher une activité déclarée.

Graphique 2 : Taux d'emploi sur la période 2001-2015 - présentation OFCE

Taux d'emploi

On peut prendre deux autres exemples, l'Italie qui atteint un taux de chômage supérieur à 12% en 2015 et l'Espagne qui est autour des 22%. Pour ces deux pays vous voyez que les taux d'activité sont très bas, environ 56%. On a là des situations où le chômage réel est supérieur au chômage mesuré car on constate qu'une part anormalement élevée de la population en âge de travailler n'est pas active, une partie de cette population a renoncé à trouver un emploi sur le marché du travail.

À l'inverse, l'Allemagne et la Grande-Bretagne ont des taux de chômage qui ont beaucoup baissé tout en ayant des taux d'emploi très élevés, cela signifie que ces pays sont proches d'un réel plein emploi.

quelques compléments sur le commerce international

On a vu que le taux d'ouverture de l'économie française avait plus que doublé depuis 1950. Si on se place à l'échelle mondiale, on voit  sur le graphique ci-dessous que le total des exportations de tous les pays augmente beaucoup plus vite que la production. Cela signifie que les exportations ont un contenu en importation croissant : si le rythme de nos exportations croit plus vite que la production, c'est parce que nous importons des matières premières et des produits intermédiaires (qui sont destinés à entrer dans une nouvelle phase du cycle de production de l'entreprise ) qui entrent dans nos exportations, mais nous exportons aussi des produits intermédiaires qui entrerons dans les exportations d'autres pays. Aujourd'hui plus de 40% du commerce mondial est constitué de ces produits intermédiaires. Il faut donc être prudent quand on veut par exemple favoriser le "made in France" en contrôlant les importations, car pour produire et exporter des produits "français", il faut importer des biens intermédiaires qui peuvent être nécessaires à la compétitivité des biens vendus par les entreprises sur le territoire de la France.

Croissance en volume des exportations mondiales et du PIB mondial (source : rapport 2007 "mondialisation - changeons de posture", MINEFI, 2007)  

graph exportation

 

MOOC c'est quoi l'éco : Semaine 2 Comment raisonnent les économistes ? (Pierre-Noël Giraud)

On a vu dans un premier temps comment l'économiste analyse la situation actuelle de l'économie française ; puis on s'est intéressé aux données statistiques qu'il utilise pour étayer ses raisonnements. Ces données sont appelées agrégats car on rassemble des données individuelles dans une grandeur synthétique pour décrire  l'activité économique.

Nous allons voir maintenant avec l'interview de Pierre-Noël Giraud (économiste diplômé de l’École polytechnique, de l'École des Mines de Paris et de l'Université Paris 1 Panthéon Sorbonne), quels sont les outils intellectuels mobilisés par les économistes et comment leurs analyses se sont développées au fil du temps.

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Notions et raisonnements à partir de l'analyse de Pierre-Noël Giraud

Pierre-Noël Giraud rappelle dans cette interview que l'économie a besoin de construire des modèles fondés sur des hypothèses concernant les comportements des agents économiques (c'est à dire vous comme consommateur, producteur, épargnant...) et le mode de coordination entre ces agents (comment s'organisent les échanges, les collaborations). Cette démarche intellectuelle de construction de modèles abstraits pour comprendre la réalité s'est traduite par la production de théories qui proposent des interprétations divergentes des phénomènes que nous observons. Précisons quelques idées importantes sur ces deux sujets :

1 - Quelles sont les hypothèses qui sont à la base des raisonnements économiques ? C'est une partie des analyses économiques sur laquelle il y a un certain consensus : il est nécessaire de faire des hypothèses sur le comportement des agents économiques et aussi des hypothèses sur la coordination des actions des agents économiques si on veut construire un raisonnement scientifique pour interpréter la réalité.

2 - Quelles sont les théories économiques qui ont exercé une influence à la fois intellectuelle et "politique" en ce sens qu'elles ont inspiré des principes de politique économique (par exemple sur l'importance des dépenses publiques, des impôts, de la réglementation des marchés...) ?

Commençons par les hypothèses sur le comportement des agents économiques. L'économiste cherche à expliquer comment nous faisons des choix à partir d'un principe : celui de la maximisation de l'utilité sous contrainte de ressources rares. La formalisation de ce comportement rationnel (je fais un arbitrage entre différentes dépenses en fonction de la satisfaction que j'en attends et en étant contraint par mes ressources disponibles, c'est à dire mon revenu et mon épargne) a conduit à une représentation très simplifiée de nos comportements, celle de l'homo-œconomicus qui aurait une parfaite rationalité individuelle. Or, nous savons que toutes nos actions ne sont pas le produit d'un calcul complexe et parfaitement rationnel mobilisant un grand nombre d'informations. Les économistes se sont donc attachés à cerner les types de rationalité qui déterminent nos actions et les motivations qui nous conduisent à adopter tel ou tel comportement.

Concernant la rationalité de nos actions, on sait que cette rationalité est limitée (vous n'allez pas regarder les prix dans tous les magasins avant de faire un achat, même si avec internet l'accès à l'information est beaucoup plus facile). Notre rationalité est aussi incertaine : on a tendance à survaloriser notre expérience personnelle, on est tenté de justifier nos choix passés (comportements routiniers), on a des biais de comportement (on attache une importance particulière au présent par rapport à l'avenir), on a des dualités de comportements (nos actions sont à la fois guidées par des démarches cognitives et par des pulsions affectives - l'économie des émotions analyse cet aspect de nos comportements). Il faut ajouter que se comporter rationnellement demande beaucoup d'énergie et de temps : toute décision nécessite de rechercher et de traiter un ensemble d'informations. Daniel Kahneman, spécialiste de psychologie cognitive a montré que notre cerveau fonctionne comme  si deux systèmes cohabitaient. D'un côté il y a ce qu'il appelle le Système 1, celui qui est guidé par l'instinct, l'intuition, les automatismes, et de l'autre, il y a le Système 2 qui est celui qui calcule, réfléchit, c'est ce système que l'analyse économique à l'origine avait érigé en modèle de nos comportements.

Beaucoup d'actions que vous réalisez dans une journée sont guidées par le Système 1. Les spécialistes du marketing le savent bien, ils vont essayer de provoquer des achats impulsifs. De l'autre côté, on voit aujourd'hui des représentants de la puissance publique dire qu'il faut protéger les citoyens contre les addictions (actions contre le tabagisme, l’alcoolisme, les comportements dangereux  au volant...). Un véritable débat est né autour de la question : si nos comportements échappent en partie à notre volonté, faut-il qu'un agent "bienveillant" oriente nos choix ? Ce serait le rôle de l'acteur public qui devrait corriger les failles de notre rationalité individuelle. Si cette question vous intéresse, nous vous conseillons de lire ce billet : "Quand nos comportements déroutent les économistes". Vous voyez avec cet exemple que l'analyse économique aujourd'hui essaie de mieux comprendre nos comportements et de nous aider à réfléchir sur les limites du marché mais aussi sur les risques d'un État qui peut vouloir modifier les comportements des agents économiques à partir d'informations toujours plus nombreuses qui sont à sa disposition (débat sur l'accès aux données du big data).

Concernant maintenant les motivations qui induisent nos comportements, là encore les économistes ont réalisé des progrès importants, par exemple en s'interrogeant sur les incitations qui nous conduisent à adopter tel ou tel comportement. Si nous étions de purs homo œconomicus, nous ne nous engagerions dans une tâche à effectuer que si la récompense attendue est supérieure à l'effort nécessaire pour réaliser cette tâche. C'est ce que l'on appelle la motivation extrinsèque (la rémunération pour une tâche, la promotion pour un engagement dans la réalisation d'un objectif...). Toutefois, on constate que beaucoup d'individus sont prêts à s'engager dans des activités sans attendre une quelconque rémunération, c'est le cas des activités bénévoles dans les associations. Dans ce cas on dira que c'est une motivation intrinsèque qui est à l'origine de l'action engagée. On sait qu'il peut y avoir conflit entre ces deux types de motivations. Un exemple connu est celui des dons du sang, si vous proposez une rémunération pour attirer davantage de donneurs, vous aurez aussi un effet négatif car en proposant une rémunération, vous envoyez un signal comme quoi vous n'avez pas confiance dans l'altruisme des donneurs, c'est à dire dans leur motivation intrinsèque. Au final, la rémunération va diminuer le nombre de donneurs et dégrader le niveau de la confiance dans la société. Il faut ajouter un troisième type de motivation qui tient à l'effet de réputation que nous recherchons, c'est à dire l'image que les autres auront de nous. Un individu sera davantage incité à aider une personne en difficulté s'il se sent observé car c'est son "prestige social" qui est en jeu.

Voyons maintenant les hypothèses sur la coordination des actions des agents économiques. On peut s'étonner dans une société où les individus peuvent faire des choix assez librement que cela ne conduise pas à une situation de chaos permanent. Au niveau politique, le débat est celui du fonctionnement des démocraties, au niveau économique c'est celui d'une organisation fondée sur des marchés libres. Toutefois cette organisation en économie de marché peut prendre des formes différentes comme cela est expliqué dans ce texte : "Qu'est-ce que le capitalisme ?" (revue Finances & Développement, FMI, juin 2015).

Il nous reste à évoquer la deuxième question abordée par Pierre-Noël Giraud, celle des théories économiques qui ont exercé une influence à la fois intellectuelle et "politique". Nous n'allons pas développer une présentation des grandes étapes de la pensée économique (vous avez une présentation ici, mais cela est juste à titre indicatif). Un courant a joué un rôle majeur des années 1930 aux années 1970 et est toujours dans les débats économiques aujourd'hui : c'est celui qui s'est développé à la suite des travaux de John Maynard Keynes (1883 - 1946). Il est donc important de répondre à la question : "Qu'est-ce que le keynésianisme ?" (revue Finance & développement, FMI, septembre 2014). Les débats concernant la conduite des politiques économiques depuis les années 1930 sont nés des réactions aux analyses qui ont été impulsées par Keynes et ses disciples.

quelques compléments à l'analyse de pierre-noël giraud

On vous propose de vous intéresser à trois concepts qui occupent une place importante dans les travaux actuels des économistes. À chaque concept nous vous proposons la lecture d'un texte.

Concurrence : voici un exemple intéressant d'analyse du rôle de la concurrence présenté par François Lévêque : "L’autocar, BlaBlaCar et le chemin de fer"

Anticipations : là, on entre dans les débats de théorie économique, si vous êtes vraiment curieux, voici un sujet qui a beaucoup occupé les économistes : est-ce que nos anticipations sont rationnelles ?

Incitations : on continue dans les travaux qui ont renouvelé la théorie économique avec : "Pierre Fleckinger et David Martimort - La théorie des incitations : perspectives et défis"

MOOC c'est quoi l'éco : Semaine 2 Comprendre nos comportements. (Paul Seabright)

Avec Paul Seabright, professeur de sciences économiques à l’École d'économie de Toulouse, découvrons ce qui est remarquable dans nos comportements économiques.

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Notions et raisonnements dans l'interview de Paul Seabright.

Paul Seabright dans cette interview aborde trois sujets qui prolongent les réflexions que nous avons entamées avec Pierre-Noël Giraud.

Le premier sujet concerne nos comportements économiques. Nous avons vu que nos motivations sont complexes et ne relèvent pas d'une simple logique individuelle. Nous avons intégré un ensemble de valeurs sociales qui déterminent en partie ce que nous croyons devoir faire ou ne pas faire. De même nous ressentons de l'empathie, ce que l'on désigne par "se mettre à la place de l'autre" (c'est d'ailleurs un sentiment nécessaire aux échanges marchands, le vendeur doit se mettre à la place de l'acheteur s'il veut comprendre ce qui motivera sa décision). Cette empathie peut être particulièrement forte pour les personnes avec qui nous vivons. Ainsi, un individu peut améliorer son bien-être en aidant son conjoint, ses enfants, ses amis, même si son action dégrade sa propre situation matérielle. Paul Seabright évoque nos comportements altruistes qui sont en relation avec nos "motivations intrinsèques" mais en y ajoutant une dimension, celle de la réciprocité. Je suis enclin à coopérer, à faire un don, à rendre service à une personne, une institution dès lors que l'autre est dans une relation désintéressée avec moi, ou qu'il entre dans une collaboration qui est en dehors de la logique du marché. Mais une relation inverse peut aussi se mettre en place quand je suis confronté à un comportement malhonnête, hostile, injuste. C'est alors une logique de conflit qui s'installe avec des effets destructeurs potentiels. Cette dimension est importante car l'analyse économique est centrée sur l'échange et beaucoup moins sur la finalité de l'échange qui est l'appropriation. L'analyse économique règle un peu rapidement cette question en insistant sur le rôle des droits de propriété qui doivent être développés pour qu'une économie de marché fonctionne bien. En fait, le défi est plus ambitieux, c'est la qualité d'un ensemble d'institutions qui détermine le contrôle des conflits et l'incitation à coopérer.

Paul Seabright évoque au détour d'une phrase la répétition de l'interaction qui peut servir de base à la confiance. C'est une notion clé utilisée en théorie des jeux (branche de l'économie qui étudie les décisions des agents en fonction des comportements possible des autres joueurs). C'est l'une des justifications rationnelles d'un comportement "altruiste". Par exemple, deux personnes échangent des biens censés contenir respectivement de l'argent et un bien. Si le jeu n'a lieu qu'une seule fois, chacun a intérêt à donner un sac vide. Mais si le jeu est répété indéfiniment, chacun a intérêt à donner un sac plein pour que l'autre continue à faire de même la fois suivante.

Le deuxième sujet concerne notre manière de traiter de l'information. Paul Seabright nous montre avec l'exemple de la photo prise sur un marché africain que notre cerveau traite un grand nombre d'informations dont nous n'avons pas conscience. Nous avons une lecture immédiate des relations marchandes car elles font partie de notre socialisation. Au centre de ces relations marchandes il y a les prix, c'est la première information qui vous est donnée. En même temps vous savez que le vendeur d'un bien a plus d'informations sur la qualité de ce bien que vous quand vous êtes l'acheteur potentiel. Peut-être êtes vous méfiant par exemple quand le vendeur est prêt à faire un rabais important. Nous allons revenir sur cette question, c'est ce que les économistes appellent les asymétries d'information. Mais il faut commencer par expliquer : "Qu'est-ce qu'un prix ?" pour l'économiste.

Le troisième sujet relève du rôle des institutions dans notre disposition à échanger avec des inconnus. C'est un point que Paul Seabright a développé dans un livre : "La société des inconnus - histoire naturelle de la collectivité humaine".

Quelques compléments

Nous vous proposons de continuer à cerner quelques concepts qui sont au cœur des analyses économiques actuelles :

Institutions : lire ce billet qui fait un compte-rendu du livre de Daron Acemoglu et James Robinson : L’importance des institutions pour le développement économique

La confiance : On vient de voir qu'une économie de marché se caractérise par des relations entre des inconnus et les transactions sur internet ne font qu'accentuer ce phénomène, cela signifie que ce système généralisé d'échange repose sur la confiance. Mais comment se construit cette confiance ? C'est une question qui a été posée par deux économistes Pierre Cahuc et Yann Algan : "Peut-on construire une société de confiance en France ?".

MOOC c'est quoi l'éco : Semaine 2 Les trois temps de la partie "pour aller plus loin"

Nous vous proposons :

- de continuer les interviews avec les économistes que nous venons d'écouter sur des questions qui touchent aux problèmes que l'analyse économique essaie actuellement d'élucider. Patrick Artus nous dira s'il faut s'inquiéter de la situation économique mondiale. Pascal Oger expliquera l'intérêt et les limites des indicateurs régionaux dans une période où les économistes s'intéressent particulièrement à l'économie des territoires. Pierre-Noël Giraud expliquera comment les économistes analysent la montée des inégalités à l'intérieur des pays depuis les années 1980, sujet qui a beaucoup retenu l'attention avec la publication du livre de Thomas Piketty : "Le capital au XXIe siècle". Enfin Paul Seabright s'interrogera sur les conditions pour créer des incitations à coopérer.

2 - Un document qui peut vous intéresser et quelques conseils de lecture si vous souhaitez approfondir votre réflexion.

3 - enfin, sur certaines semaines de ce MOOC, vous verrez une rubrique apparaître : "La salle du prof". Vous y trouverez des propositions de séquences pédagogiques qui ont été construites par des collègues. Ce sont des ressources à la disposition des enseignants.

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Document et propositions de lecture

Pour un diagnostic plus détaillé sur la conjoncture mondiale, vous pouvez lire la lettre Tésor-Eco (lettre publiée chaque mois par le ministère de l'économie et des finances) de mars 2017 intitulée "La situation économique mondiale au printemps 2017 : amélioration progressive dans un contexte très incertain".

Nous vous proposons de prolonger vos réflexions avec un texte qui aborde la question de la place de l'analyse économique et des économistes dans les débats qui concernent les transformations de nos économies : "L'économie : une discipline à haut risque ?", Le Merrer P., Problèmes économiques, Hors série n°7, "Comprendre l'économie - 1.Concepts et mécanismes", p. 5-11, La Documentation française, février 2015.

Enfin, quelques propositions de lecture :
- Patrick Artus et Marie-Paule Virard : Croissance zéro, comment éviter le chaos?
- Pierre-Noël Giraud : L'Homme inutile - Du bon usage de l’économie
- Paul Seabright : La société des inconnus – Histoire naturelle de la collectivité humaine

"La salle du prof"

Les vidéos servant de support à ces séquences pédagogique sont accessibles sur le site SES-ENS (site expert DGESCO / ENS de Lyon proposant des ressources pour la formation et l'information des enseignants de SES) : Ressources du MOOC "C'est quoi l'éco ?"