Après avoir stagné pendant près de 10 ans, l’espérance de vie aux États-Unis a baissé de près de 3 ans entre 2019 et 2021, et ce, malgré une croissance moyenne de 2 % depuis 2010. Au-delà de l’effet « covid », ce constat fait écho à celui de Angus Deaton et Anne Case qui ont pointé l’évolution de la mortalité dite « de désespoir » causée par les suicides ou la surconsommation de drogues ou d’alcool. Historiquement, la croissance économique a indéniablement contribué à l’augmentation de l’espérance de vie, grâce à l’amélioration des conditions sanitaires et à une amélioration du bien-être collectif. Dès lors, comment expliquer ce paradoxe ? Ce constat est-il propre aux États-Unis ou touche-t-il l’ensemble des pays industriels ? Est-il le signe de l’épuisement de la croissance économique à produire du bien-être ? Nous reviendrons notamment sur les mesures du bien-être, et leur lien avec la croissance. Comment évaluer au mieux le bien-être, qui est par définition une notion subjective ? Est-il forcément corrélé au revenu et à la situation économique, et sous quelles conditions ? Quels sont les individus les plus à risque d’être les perdants ? Nous aborderons notamment le rôle des facteurs institutionnels comme le degré d’inégalité ou le fonctionnement du marché du travail, et l’importance du lien social dans la perception du bien-être. Nous tenterons ainsi de comprendre pourquoi certains pays semblent davantage capables concilier croissance et bien-être.