Droit et croissance, une relation complexe

Le système juridique est-il un frein ou un levier de la croissance ? Au cours de la conférence consacrée à ce thème, les intervenants ont pointé la difficulté d'identifier un modèle juridique garantissant le développement économique. Sans toutefois apporter une réponse définitive.

« L’économie importe aux juristes. » La phrase de Bertrand du Marais, ancien conseiller d’Etat, (en photo) illustre la nécessité de ce débat sur l’impact des systèmes juridiques sur la croissance. Un débat complexe et historique, comme l’explique Bertrand Crettez, professeur de sciences économiques à Paris 2, dans son évocation de l’économie française du temps de l’élaboration du Code civil (1804). Mais si la relation entre droit et croissance existe, il n’existe pas de système juridique miracle servant de moteur à la prospérité économique. Ainsi, l’Europe connaissait une période de croissance générale au début du XIXème siècle, en dépit de régimes juridiques bien différents.

Chacun reconnaît le droit comme un facteur potentiel de prospérité et comme une arme stratégique économique. « Quand le droit vient freiner la croissance, c’est le fait d'une volonté politique », avance Philippe Sumeire, directeur juridique du groupe Seb. Claude Ménard, professeur à l’Ecole d’économie de Paris, nuance tout de même le tableau dans son intervention consacrée aux Partenariats Publics Privés (PPP): « La rigidité des contrats négociés et les multiples procédures à suivre entraînent des coûts de transaction et de mises en œuvre importants. » Et de pointer un paradoxe : les pays qui ont le plus développé les PPP sont le Brésil et la Chine, deux Etats aux cadres juridiques jugés flous.

« Le droit reste un rapport de force »

Pour Philippe Sumeire, fort de son expérience dans les négociations commerciales avec plus de 150 pays, un cadre juridique clair constitue un réel levier de croissance: « Il permet aux acteurs d’anticiper, de réfléchir à long terme et de sécuriser les contrats. » Les entreprises favorisent une standardisation du droit des affaires qui libérerait les relations commerciales internationales. Un constat partagé par Bertrand du Marais, qui soulève néanmoins la question : « Qui va rédiger le standard ? » La domination du droit anglo-américain sur les marchés financiers est citée comme exemple des méfaits de la standardisation. « Le droit reste un rapport de force », souligne Philippe Sumeire et la concurrence entre systèmes juridiques existe depuis longtemps. Bertrand du Marais rappelait qu’en 1956, l’économiste américain Charles Tiebout abordait déjà le sujet. Plus de 50 ans plus tard, les économistes peinent toujours à identifier le droit comme levier ou frein de la croissance.

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