"Le problème du Traité transatlantique, c'est le rapport de force entre citoyens et multinationales"

Le Partenariat transatlantique sur le Commerce et l'Investissement (Tafta) doit entrer en vigueur en 2015. Son but : libéraliser le commerce entre les deux plus grosses puissances commerciales du monde, l’Union européenne et les Etats-Unis. Si son contenu doit encore être finalisé, de nombreuses voix s’élèvent déjà contre cet accord. Aurélie Trouvé combat le Tafta, au sein du conseil scientifique du mouvement altermondialiste Attac.

Au premier rang des désaccords autour du Tafta, il y a la création d’arbitrage indépendant entre des investisseurs privés et des Etats. Pourquoi cela ?

Aurélie Trouvé : Parce que c’est précisément ce mécanisme qui peut faire aboutir à une libéralisation des normes en matière environnementale comme sanitaire. Comprenez, avec ce mécanisme les multinationales qui se sentent lésées pourront attaquer directement les réglementations d’un pays et donc faire autoriser dans celui-ci l’utilisation d’OGM par exemple. Ce n’est pas un hasard si même l’Allemagne commence à prendre ses distances avec cette mesure !

Concernant les multinationales, justement, quel est le rapport de force dans les négociations entre ces dernières et la société civile ?

C'est bien le problème : sur les 130 personnes qui ont été consultées par les négociateurs, 119 faisaient partie d’entreprises du secteur privé. Nous n’avons pas les mêmes moyens humains. Les multinationales utilisent de nombreux lobbyistes qui connaissent très bien les arcanes des négociations politiques. Nous, nos moyens d’action sont citoyens. Le 11 octobre, une grande mobilisation s’est faite partout en Europe. Et ça marche. Comme sur l’arbitrage où les Etats font machine arrière.

Le Parlement européen devra voter sur le Partenariat transatlantique. Peut-on imaginer un veto ?

C’est assez peu probable. Il n’y a que 70 députés, les Verts européens surtout, sur les 700 sièges qui sont contre pour l’instant. Aujourd’hui, la seule victoire possible, c’est contre ce mécanisme d’arbitrage !

Propos recueillis par Cyril Camu - Etudiant IPJ - Paris Dauphine @CyrilKmu #JECO2014


 

Tafta : les pommes de la discorde

Bien au-delà de la politique commerciale, l'entrée en vigueur du Traité transatlantique pourrait avoir de nombreux effets co-latéraux sur les réglementations européennes. L'environnement : l'Europe est plus restrictive en matière d'émissions de gaz à effet de serre. L'accord pourrait abolir, notamment, le quota d'émissions qui oblige les compagnies aériennes à payer leur pollution au CO2.

L'agroalimentaire : OGM, poulet au chlore, boeuf aux hormones ... pour l'instant l'Europe y est opposée. Mais ces pratiques ont déjà lieu aux Etats-Unis. Le Tafta serait un big bang pour l'agriculture du Vieux Continent.

Les libertés individuelles : La Coalition du commerce numérique, regroupant les géants du Net, souhaite que les barrières qui empêchent les flux de données sur Internet soient levées. Le but : faire de la vie privée une valeur marchande comme les autres.