Un agriculteur français sur 3 gagne 354 euros par mois !

Un chiffre alarmant qui pourrait concerner bientôt la moitié de nos agriculteurs, notamment les éleveurs. Pour Pierre Buigues, professeur à la Toulouse Business School, deux solutions possibles: miser sur la qualité ou faire le choix de l'élevage intensif. Il était, ce mardi, un des invités de la conférence "Refonder l'agriculture française".

Faibles revenus, conditions de travail difficiles, suicides... Malgré la politique agricole commune (PAC) qui bénéficie aux agriculteurs en France, la condition des éleveurs y est extrêmement dure. De plus, les élevages porcin, bovin et avicole sont en perte de vitesse. La production porcine française a baissé de 3% contre une augmentation de 28% en Allemagne et 20% en Espagne entre 2000 et 2012. Autre exemple significatif: la France importe plus de volailles qu'elle n'en exporte en Union européenne et la tendance s'accentue.

Pour Pierre Buigues, professeur à la Toulouse Business School, "c'est le marché européen qui explique la dégradation des positions agricoles françaises et non la mondialisation". Car contrairement à ses concurrents, l'agriculture française reste une "agriculture familiale destinée majoritairement au marché domestique". A l'inverse en Allemagne, l'élevage est "standardisé et bon marché".

Les exploitations françaises sont en effet de plus petite taille en moyenne que dans les autres pays européens, ce qui explique des coûts de production plus élevés. En Allemagne, on compte 200 fermes de plus de mille vaches tandis qu'en France le projet de la Ferme des mille vaches (Somme) hérisse. "Nous avons fait un choix agricole qui met l'accent sur la qualité alors que le marché mondial veut des coût bas" constate Pierre Buigues. Les labels fermiers sur lesquels misent les agriculteurs français (label rouge, agriculture biologique...) bénéficient d'une reconnaissance sur le marché domestique mais d'une faible demande sur le marché international.

Qualité versus quantité

"En France nous avons un goût pour les normes et nous opérons notamment une sur-réglementation par rapport aux normes européennes", dénonce Pierre Buigues. Il constate que les normes dans le domaine de l'agriculture changent très régulièrement et sont coûteuses pour les éleveurs. Ainsi les petites structures familiales présentent des difficultés d'adaptation et passent beaucoup de temps au travail administratif. "Même si la réglementation est absolument nécessaire, il est important que nous la simplifions", préconise le professeur d'économie.

Pour remédier au déclin de l'élevage français, Pierre Buigues envisage deux scénarios. Soit de poursuivre le développement d'un élevage orienté vers la qualité et le haut de gamme, en misant notamment sur les labels et l'agriculture biologique. Ou alors, développer en France un élevage intensif pour tirer les coûts vers le bas et être compétitif. Le professeur ne cache pas sa préférence pour le premier scénario, d'autant que le second entraînerait une lourde restructuration de notre modèle agricole avec pour conséquence de nombreux dépôts de bilan. "Pour l'heure, je ne suis pas très optimiste car si les tendances se poursuivent nous allons assister au grand déclin de l'élevage français", conclut-il.

Encadré: Où en est la crise laitière ?

Cet été, les producteurs de lait français se sont largement mobilisés -en bloquant notamment des sites de Lactalis, numéro 1 du secteur- pour dénoncer les marges croissantes des industriels et le faible coût auquel Lactalis achète le lait aux producteurs. Fin août, un cycle de négociations entamé à Laval, siège de Lactalis, a permis d'aboutir à un accord minimal. Le prix de la tonne de lait a été fixé à 290 euros en moyenne pour la fin de l'année...loin des 350 euros du coût réel de production, selon les exploitants. Depuis 2014, le prix du lait chute en France. En cause notamment la hausse de la production laitière, après la suppression, en 2015, des quotas imposés par Bruxelles qui, jusqu'ici, limitaient la production du lait et permettaient de contrôler les prix. Résultat : l'offre de lait continue à augmenter en Europe, au moment où la demande mondiale est à la baisse. Tous les éléments d'une crise durable sont en place.

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