Les mini-jobs : une spécificité allemande

Rebond rapide, hausse de la compétitivité, baisse du chômage... Après la crise de 2008, la réussite allemande a fait des envieux en France. Pourtant, les mesures qui ont permis cette reprise, à commencer par les « mini-jobs », n'ont jamais traversé le Rhin. Voici pourquoi.

 

 

 

" Le miracle 2.0. " Hilmar Schneider, directeur de l'institut IZA (Bonn, Allemagne), n'y va pas par quatre chemins pour décrire la situation de l'Allemagne à la suite de la crise de 2008. A la question : " L'Allemagne a-t-elle sacrifié à la compétitivité la réduction des inégalités et de la pauvreté ? ", sa réponse est nette : "Non."

" Dernièrement, le niveau de bonheur des Allemands a atteint un niveau record ! ", argumente-t-il, faisant référence au récent "Atlas du bonheur" sorti en octobre 2016. " L'augmentation de l'emploi s'est traduite par un retour sur le marché du travail de chômeurs ou d'inactifs. Beaucoup ont trouvé des emplois à bas salaires mais leurs revenus étaient tout de même plus élevés que lorsqu'ils étaient au chômage par exemple. " A côté de lui, Olivier Bargain, professeur de sciences économiques à Aix-Marseille, nuance le tableau : " S'il s'avère que le travailleur pauvre a l'air plus heureux qu'au chômage en Allemagne, ses revenus n'augmentent pas tant que cela, voire stagnent ; et sa santé est à la baisse. "

Symboles de ces réformes du marché du travail allemand : les " mini-jobs ", des contrats dont la rémunération ne dépasse pas les 450 euros par mois, que ce soit à temps plein ou temps partiel, à durée déterminée ou indéterminée. Ce type d'emplois exempte le salarié de taxes et de contributions sociales. En 2012, l'Agence allemande pour l'emploi (BA) a chiffré à 7,4 millions le nombre de " mini-jobs", lesquels ont souffert de l'arrivée du salaire minimum au 1er janvier 2015.

Des philosophies bien différentes

En Allemagne, ces nouveaux emplois n'ont pas été perçus " comme une source de pauvreté ", assure Hilmar Schneider. " Le plus souvent, ce sont des premiers emplois ou alors ils viennent en complément d'un autre boulot, explique l'économiste. On a notamment vu d'anciennes femmes au foyer prendre un mini-job ou alors des retraités qui voulaient encore se sentir "actifs ". " Surtout, ce type d'emplois s'avère davantage attractif que les heures supplémentaires, taxées en Allemagne.

Alors que l'Allemagne a mis en place davantage de flexibilité, elle a dans le même temps diminué les aides sociales ou encore réduit la disposition de départ anticipée à la retraite. Conséquence directe : le taux d'emploi des seniors a augmenté, passant de 38 % en 2004 à 66 % en 2015. " Sans avoir d'effet négatif chez les jeunes ", lance Hilmar Schneider. Pas négligeable pour un pays vieillissant.

« La flexibilité est un gros mot en France », enchaîne Olivier Bargain, qui a passé quelques années à Bonn. « Il existe déjà des systèmes d'activité réduite comme le RSA-activité mais il y a des philosophies très différentes entre les deux pays. Les mini-jobs seraient accueillis négativement ici, avec la crainte que cela crée des travailleurs pauvres. » Si bien que la proposition des heures supplémentaires défiscalisées, instaurées pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, a refait surface lors des débats de la primaire de la droite. Les mini-jobs, quelle que soit l'issue de la présidentielle française, semblent voués à rester de l'autre côté du Rhin.

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