Après la crise conjugale, le couple franco-allemand doit ré-apprendre à se parler

Sur fond de montée des populismes et d'élections à venir, France et Allemagne voient les divergences grandir au sein de leur couple. Afin d'éviter une rupture irréversible, la clarification après la crise de 2008 apparaît indispensable pour redémarrer le moteur de l'Europe. C'est, en tout cas, la thèse défendue, ce mercredi, lors d'une conférence sur les divergences entre les deux pays.

 

Berlin. 16 mai 2012. Sous la pluie, Angela Merkel et François Hollande marchent côte à côte sur le tapis rouge. Pour ses premiers pas en Allemagne, le tout nouveau président de la République française se fait " recadrer " plusieurs fois par Angela Merkel. Par de petits gestes discrets, comme il y en a dans un vieux couple.

A priori anodine, cette scène illustre pourtant la relation franco-allemande depuis la fin de la crise de 2008 : une France affaiblie, qui ne sait plus comment marcher, agaçant une Allemagne sereine, droit dans ses bottes. Aujourd'hui, le couple n'a, semble-t-il, jamais affiché autant de différences : taux de chômage, balance commerciale... A tel point que la question est désormais de savoir si les deux parties sont encore réconciliables.

Méfiance réciproque

" Chacun doit balayer devant sa porte avant de clarifier la situation ", estime Jean Pisani-Ferry, commissaire général de France Stratégie. D'un côté, l'affaiblissement économique français " met mal à l'aise non seulement les principaux concernés, mais aussi outre-Rhin ". Les Allemands ne comprennent pas non plus " la volonté de certains partis français de sortir de la zone euro, monnaie voulue à l'origine par la France ".

De l'autre, l'excédent commercial de l'Allemagne, et surtout la manière dont il se traduit, fait grincer des dents. Massivement exportateur, le pays d'Angela Merkel ne réalise pourtant que peu d'investissements directs en Europe, notamment vers les pays du sud. " Les dettes publiques aux courbes inversées vont également rendre la politique monétaire difficilement gérable ", avertit Xavier Ragot, président de l'OFCE. Les Allemands, forts d'une dette publique continuellement en baisse et d'une bonne épargne, ne verrait pas d'un mauvais œil une remonté des taux d'intérêt... que la France a tout à gagner à laisser bas pour son désendettement. Les avis s'inversent concernant l'inflation.

Le grain de sable des élections

" Le moteur de l'Europe n'est pas en panne mais il est arrêté, estime Eileen Keller, chargée de recherche à l'Institut Franco-allemand. Il s'agit maintenant de le redémarrer. " Problème : les personnalités des deux amoureux semblent évoluer, sous l'impulsion des partis populistes qui travaillent activement contre l'Europe.

Au risque de faire éclater le couple ? " Il n'y aura pas de grandes initiatives avant les prochaines élections nationales ", prophétise Eileen Keller. " L'inconnue est surtout française ", renchérit Xavier Ragot. L'absence de sujet sur l'Europe dans la primaire de droite n'est en tout cas pas de nature à rassurer Jean Pisani-Ferry : " Il faut pourtant regarder avec lucidité les problèmes avec une prise en compte des différentes contraintes. Encore plus avec l'élection de Trump, personne ne nous fera de cadeau. "

Au couple franco-allemand de surmonter ces nouvelles épreuves pour être encore plus fort.

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