Comment enfin réussir la rénovation énergétique des logements ?

Par Michèle Debonneuil Inspecteur général des Finances qui intervient sur la conférence : Comment enfin réussir la rénovation énergétique des logements?

Le secteur résidentiel/tertiaire est à l’origine de 20% des émissions nationales de CO2 dont 12% pour le seul secteur du logement des ménages. Pour atteindre en 2050 la neutralité carbone (soit l’équilibre entre le CO2 que nous émettons et celui qui peut être absorbé), il faudrait passer de 70 000 rénovations globales de logements effectuées annuellement (en moyenne sur la période 2012-2018), à 370 000 rénovations complètes par an après 2022 et 700 000 par an à partir de 2030.

Grâce à d’importantes subventions publiques, on a atteint en 2021 le nombre souhaité de rénovations annuelles mais pas leur efficacité. Les rénovations des logements ont été portées à 750 000, soit 3 fois plus qu’en 2020 avec une hausse des aides publiques de 4,4 milliards d’euros avant le plan France Relance à 5,8 milliards d’euros en 2021. Cependant, seules 50 000 rénovations énergétiques par an sont performantes ces dernières années . Ainsi, la quasi-totalité des rénovations effectuées sont des rénovations partielles qui ne sont pas performantes, ce qui veut dire qu’elles ne réduisent pas suffisamment les émissions de CO2, malgré la hausse des aides publiques.

Multiplier par 7 le nombre de rénovations performantes à partir de l’année prochaine et par 14 à partir de 2030 est un enjeu extrêmement lourd et complexe.

La table ronde va permettre de discuter les différentes options pour atteindre cet objectif.

D’abord qu’entend-on par rénovation énergétique ? Lorsqu’on parle d’une rénovation « partielle », simple changement de chaudière, de fenêtre ou isolation des murs, elle ne permet souvent même pas de passer d’une classe énergétique à la suivante. En revanche, une rénovation « globale » performante effectue tous les actes en même temps et entraîne un véritable saut de classe énergétique jusqu’à la basse consommation et une réduction de la facture énergétique pouvant aller jusqu’à 75% .

Il faut savoir qu’une rénovation globale est beaucoup plus efficace qu’une succession de rénovations par étapes, mais les rénovations globales sont très coûteuses et pour certaines difficiles à rentabiliser même sur plusieurs décennies. Par ailleurs, ces rénovations impliquent d’effectuer dans des logements habités des travaux très importants nécessitant plusieurs mois. D’où la nécessite de former beaucoup d’artisans pour leur apprendre à travailler non seulement avec de nouveaux matériaux mais à le faire tous ensemble pour gagner du temps et de l’efficacité.

L’Etat fait chaque année évoluer les aides financières publiques sous forme de subventions (MaPrimeRenov) ou de prêts bonifiés (éco-prêt à taux zéro) pour mieux répondre à la demande. Il solvabilise par ailleurs sous une forme originale - que l’on aura sans doute l’occasion de décrire plus avant dans cette conférence - qui passe par les certificats d’économie d’énergie. En générant des économies d’énergie, la rénovation énergétique peut bénéficier en effet du système des certificats d’économie d’énergie (CEE).

Mais pour massifier la demande - et c’est le message principal de cette table ronde -, il ne suffit pas de solvabiliser la demande. Il faut impérativement structurer une nouvelle offre. En effet la rénovation énergétique des logements constitue un nouveau besoin très complexe : il nécessite d’avoir le bon audit du logement pour choisir la bonne rénovation, de réunir les financements en intégrant les aides publiques existantes sans cesse mouvantes, de trouver les bons artisans et d’assurer le suivi des travaux, enfin de pouvoir vérifier sur la durée que la performance énergétique annoncée est effective.

Bien sûr le marché offre une réponse à cette demande. Le consommateur peut aller sur Internet chercher des informations et trouver des entreprises qui proposent de lui apporter ces services par morceaux, mais force est de constater que le client est en général incapable seul de remplir correctement tous ces rôles. Il n’existe pas d’offre satisfaisante sur le marché pour répondre à cette demande complexe. Il faut la construire et le faire vite.

L’Etat a évidemment un rôle à jouer dans la structuration de ce nouveau marché de masse.

On comprend aisément que son rôle principal consiste à créer les conditions pour que les clients de la rénovation énergétique puissent être accompagnés par un référent de confiance qui prendra en charge la totalité de la rénovation. Cette entreprise devra donc articuler l’ensemble des contributeurs à la rénovation (artisans, financeurs publics et privés…) de façon transparente pour le consommateur. Elle sera une sorte de grand distributeur de services intégrés.

Le processus de construction d’un tel accompagnateur est évidemment long et complexe. Il a commencé en 2015 par la création du statut de sociétés de tiers financement de la rénovation énergétique puis en 2018 par la création de quelques « Services publics de l’efficacité énergétique » (SPEE) qui préfigurent le rôle d’accompagnateur des clients tout au long de la rénovation.

Mais progressivement l’Etat s’oriente plutôt vers la définition de critères pour que des entreprises privées, qu’il désignera par appels d’offre, puissent devenir ces « opérateurs » de confiance, agrégateurs de services. Il s’agit de s’organiser pour confier au marché le maximum de rénovations performantes.

La dernière brique de l’édifice consiste, dans le cadre juridique du tiers financement, à inciter à la création d’ « opérateurs ensembliers » qui se chargent de tout y compris du portage financier. Non seulement le consommateur ne s’occupe plus de rien, mais il ne paye plus rien. Il continue à payer la même facture énergétique, qui peut même être légèrement réduite, tout en bénéficiant des améliorations de performances énergétiques de la rénovation. Un petit miracle qui nécessite bien sûr dans la plupart des cas de subventions publiques, mais les aides publiques sont alors ciblées pour rentabiliser des rénovations non rentables pour que les entreprises privées puissent les prendre en charge, en particulier pour des ménages modestes habitant des passoires thermiques.

Cette table ronde permet de montrer que le rôle de l’Etat ne se borne pas à maximiser le nombre de rénovations énergétiques en solvabilisant la demande satisfaite par l’offre spontanée proposée par le marché. Il doit dépasser ce rôle simpliste pour aller vers un rôle complexe d’accompagnement de la structuration d’une nouvelle offre privée pour qu’elle réponde efficacement aux attentes des clients. Les aides financières ont toujours leur place mais elles sont maitrisées. Elles servent à la fois à inciter les entreprises à respecter les conditions d’un développement efficace du marché, et à rendre rentables les rénovations énergétiques qui ne le seraient pas sans elles.

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