Un déséquilibre mondial entre épargne et investissement.
Le Conseil d’Analyse Economique a étudié la question de l’égalisation, qui doit normalement se produire entre l’épargne longue et l’investissement de long terme. Pour Jérôme Glachant, conseiller scientifique au CAE, la situation est « étonnante » sur le plan mondial, car elle présente un cas généralisé de sous-emploi : un contexte keynésien, en quelque sorte, où la monnaie est désirée pour elle-même à des fins de protection. La situation est évidente dans les pays du Nord, où l’accroissement du vieillissement de la population entraîne des réflexes d’épargne en vue de la retraite. Elle l’est moins dans les pays émergents que l’on sait en plein boom économique : pourtant, selon le rapport du CAE, les ménages continuent à épargner pour la bonne raison qu'ils ne bénéficient pas de système de protection. La question première est donc celle de l’appréhension du risque. « L’insatiable appétit des investisseurs pour des titres non risqués », est toujours d’actualité. En France, la situation est encore plus tranchée : pendant une dizaine d’années, l'Hexagone a accusé un retard important en terme d’investissements productifs par rapport aux autres pays industrialisés. La reprise de 2006 a été stoppée net par la crise. La France a donc besoin, plus que d'autres, d’aller chercher des capitaux longs à l’extérieur. Pour cela, il faut mettre en place des fonds d’investissement capables d’attirer ces capitaux qui financeront l’économie française.
Réhabilitation récente mais fragile de la logique de long terme
Alain Quinet, Inspecteur général des finances et Directeur des finances et de la stratégie du groupe Caisse des dépôts, a expliqué les raisons du court-termisme ambiant et exploré les solutions possibles. Penser à long terme n’a, historiquement, jamais été valorisé, ni sous l’angle politique, ni sous l’angle économique. Penser à long terme redevient pourtant urgent en raison de la crise financière et des interrogations environnementales et écologiques. Il faut donc susciter des investissements longs pour financer l’innovation et le développement durable. Pour les financer, il est nécessaire d'attirer des fonds propres car l’endettement a des limites. Si l’épargne domestique ne cesse d’augmenter, elle reste peu productive, tandis que les finances publiques, elles, sont sous contrainte. Le rapport propose trois solutions : l’incitation étatique aux investissements de développement durable, la consolidation d’une nouvelle classe d’investisseurs de long terme, tels que les fonds de pension, qui ne dépendent pas des refinancements de marché, et un nouveau rôle de l’Etat. Pour contrer le manque de finances publiques, l’Etat organise le partage des risques avec le secteur privé : partenariats publics-privés et mutualisation des risques, comme le Fonds Stratégique d’Investissement. Alain Quinet a conclu sur l’éthique du choix du long terme : « C’est un altruisme à l’égard des générations futures ».
La logique de gestion des risques pour les investisseurs de long terme
Il existe une relation positive entre l’horizon temporel d’un investisseur et sa résistance au risque. Christian Gollier, directeur de Toulouse School of Economics, a expliqué les causes possibles de l’aversion au risque et à l’investissement de long terme. Un jeune individu a plus de tolérance face au risque car ses possibilités de pertes présentes, dues à une crise, seront récupérées par des gains futurs. Ce qui n'est pas le cas pour les pays dont la pyramide des âges est vieillissante.Pour permettre de changer la conception court-termiste de la société, la solidarité intergénérationnelle est une idée. Un choix définitivement éthique.
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