« La fac n’est plus une usine à chômage »

La réforme de l'Université entend faciliter l'insertion professionnelle des étudiants. Elle promeut leur entrée dans le monde du travail à condition qu'ils se prennent réellement en charge. Il reste encore cependant aux universités françaises bien du chemin à parcourir pour égaler leurs homologues américaines, a affirmé Christian Gollier, directeur de Toulouse School of Economics.

L’insertion professionnelle : un enjeu majeur de l’enseignement supérieur

L’insertion professionnelle des étudiants en université est une priorité. En témoigne la place accordée à cette question dans la loi Libertés et responsabilités des universités (LRU) du 10 août 2007. En effet, dès son article premier, les missions du service public sont soulignées et notamment « l’orientation et l’insertion professionnelle » rappelle Patrick Hetzel, directeur général de l’Enseignement supérieur et de l’Insertion professionnelle au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. « La France avait déjà réussi la massification de l’enseignement supérieur. Désormais l’enjeu n’est pas le diplôme mais l’insertion professionnelle », a-t-il déclaré lors de la table ronde sur ce thème. Et d’après un récent sondage, les universités spécialisées dans l'économie s’en sortent plutôt bien : le taux d’insertion professionnelle est de 91%, trente mois après la sortie de l’université, a-t-il insisté.

Université et étudiants : la nécessité d’un effort commun

« On entend toujours dire que la fac est une usine à chômeurs. Cette enquête a tordu le cou à ces poncifs » souligne Pierre Charles Pradier, vice-président du Conseil des études et de la vie universitaire de Paris 1. Pour ce dernier la LRU a eu des effets positifs sur l’insertion professionnelle : elle a reconnu une spécialisation des universités et a permis de créer des formations adaptées au marché du travail. « Vous avez maintenant la possibilité d’être des acteurs de votre formation pour construire vos cursus personnalisés », lance-t-il à la salle en grande majorité étudiante. Et c’est sur cette démarche proactive que d’autres intervenants sont revenus. Julie Coudry, jeune fondatrice et directrice générale de la Manu, agence qui fabrique le lien entre les étudiants des universités et les entreprises, a également insisté sur ce point : « Le principal moteur c’est nous-mêmes… en solidarité, en réseau. La démarche proactive est déterminante. » D’après ces intervenants, l’université avance donc dans la bonne direction. L’insertion professionnelle n’est plus de sa seule responsabilité. C’est aussi à l’étudiant de « bouger » et de se faire sa place sur le marché de l’emploi.

L’université française reste en retard

Christian Gollier ne l’entend pas de cette oreille. « Je ne peux pas me satisfaire de ce discours où l’on se réjouit de l’insertion professionnelle des universités d’économie », lance t-il dès sa prise de parole avant d’ajouter : « En France, on est en retard sur de nombreux points : il y a une massification de l’enseignement, une paupérisation des services administratifs. Il n’y a qu’à voir les grands chercheurs : ils ont tous viré vers des formations élitistes ». Selon lui, il y a donc des transformations indispensables à mettre en place et pour se faire, les Etats-Unis peuvent servir d’exemple à suivre. Amélioration de l’évaluation des enseignants, accroissement des pouvoirs des universités, renforcement des équipes administratives et création d’une notion de marque pour chaque université : voilà les principales évolutions qu’il propose.

L’université semble donc en marche. Il lui reste néanmoins encore du chemin à parcourir pour s’imposer comme un acteur reconnu et privilégié sur le marché de l’emploi.

Photo : © auremar - Fotolia.com

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