Le risque nucléaire, entre crainte et pragmatisme économique

Un an et demi après Fukushima, le risque d'une catastrophe nucléaire est toujours au coeur des débats. Les intervenants de l'avant-dernière conférence des Jéco 2012 se sont demandé si l'on pouvait "gérer le risque nucléaire". Leurs principales déclarations.

Les évolutions liées à Fukushima.

Katheline Schubert, professeur d’économie : « Avant Fukushima, le premier chef de préoccupation concernait la gestion des déchets radioactifs. Après la catastrophe, ce problème est passé au second rang, dépassé par la peur d’incidents au niveau des réacteurs. Mais nous ne savons toujours pas quoi faire des déchets. »

Bertrand de l’Epinois, directeur des normes de sûreté chez Areva : « L’objectif d’Areva c’est d’éviter une catastrophe du type Fukushima. Cela nous conduit à une modification et un renforcement de la sûreté nucléaire.

La probabilité des risques fait débat.

Jacques Percebois, directeur du Centre de recherche en économie et droit de l’énergie (CREDEN) : « La probabilité d’un risque d’accident de réacteur est faible. »

Jean-Marc Vittori, éditorialiste au journal Les Echos, modérateur : « Je suis sceptique sur l’utilisation des probabilités. Avant la crise des subprime aux Etats-Unis, les économistes ont estimé qu’un tel risque était très peu probable. »

Bernard Laponche, consultant international indépendant dans les domaines de l’énergie et de l’efficacité énergétique : « Avant Fukushima, la probabilité d’un accident majeur était d’une sur un million par an et par réacteur. Avec 450 réacteurs fonctionnant pendant 31 ans, la probabilité théorique ainsi calculée conduit à un résultat de 0,014 accident majeur pour l’ensemble du parc et pour cette durée de fonctionnement. Or, cinq réacteurs ont connu un accident grave. L’occurrence réelle est environ 300 fois supérieure à l’occurrence théorique. »

Alain Ayong le Kama, professeur de sciences économiques : « La perception des probabilités est subjective et même politique. »

La spécificité des risques nucléaires.

Jacques Percebois : « La spécificité d’un accident nucléaire, c’est de contaminer un territoire sur le long terme. Le risque principal du nucléaire, c’est son irréversibilité. »

Bernard Laponche : « Pour tous les réacteurs nucléaires français, la possibilité d’un accident grave n’a pas été prise en compte au moment de leur conception. Face à une perte de refroidissement du cœur du réacteur, il n’y a pas de parade. »

Vers une sortie du nucléaire ?

Jacques Percebois, « Le nucléaire permet d’avoir un prix de revient de l’électricité vraiment bas (50 € par MWh). Quelles conséquences auraient un arrêt de l’activité nucléaire sur l’industrie et la consommation des ménages… ? »

Alain Ayong le Kama : « Il se trouve que nous avons un leadership dans le nucléaire. Se priver du nucléaire serait tuer une des filières dans lesquelles nous sommes encore efficaces, sinon la question ne se poserait même pas. Va-t-on laisser ce leadership à la Chine ? »

Bernard Laponche : « La collectivité accepte-t-elle qu’il y ait de temps en temps un Fukushima ? Les gens seraient prêts à faire des sacrifices dans leur consommation d’électricité s’ils prenaient en compte les risques. »

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