Par Patrick Artus qui intervient sur les conférences : Faut-il choisir entre solidarité et efficacité ? et Vers un grand conflit intergénérationnel
Le modèle social-démocrate conduit à d’importantes politiques redistributives qui visent à réduire les inégalités et la pauvreté.
La France est un exemple caractéristique de ce modèle, avec des inégalités de revenu fortes avant redistribution, et après redistribution, des inégalités de revenu faibles et un taux de pauvreté bas par rapport aux autres pays de l’OCDE. On peut donc se féliciter de ce socle de solidarité, qui distingue les pays européens des États-Unis, mais il faut aussi s’interroger sur les coûts de ce modèle. Le raisonnement que nous tenons peut se décliner en quelques étapes. La première étape est que, effectivement, les politiques redistributives sont d’autant plus généreuses que les inégalités de revenu avant redistribution sont élevées. Le graphique 1 compare, pour les pays de l’OCDE, la générosité des politiques redistributives (mesurée par l’écart entre l’indice de GINI des inégalités de revenu avant redistribution et le même indice après redistribution) et les inégalités de revenu avant redistribution (mesurées par l’indice de GINI correspondant).
La seconde étape est que les politiques redistributives (transferts publics, soutien aux bas revenus...) doivent être financées, et le sont surtout par des impôts des entreprises. Le graphique 2 compare la générosité des politiques redistributives et le poids des impôts des entreprises, le graphique 3 la générosité des politiques redistributives et le poids des cotisations sociales des entreprises.
La troisième étape est de montrer que la pression fiscale élevée sur les entreprises, et en particulier le poids des cotisations sociales, fait baisser le taux d’emploi. Le graphique 4 compare la pression fiscale sur les entreprises et le taux d’emploi, le graphique 5 le poids des cotisations sociales des entreprises et le taux d’emploi.
La quatrième étape enfin est de montrer qu’un taux d’emploi faible accroît les inégalités de revenu avant redistribution. Le graphique 6 compare le taux d’emploi et l’indice de GINI des inégalités de revenu avant redistribution.
On voit alors apparaître le cercle vicieux des politiques redistributives, reproduit sur le schéma 1.
Comment cesser ce cercle vicieux ? Il faut agir sur le taux d’emploi pour réduire les inégalités primaires (avant redistribution) de revenu, ce qui permet ensuite de réduire la taille des politiques redistributives et la pression fiscale sur les entreprises, donc d’enclencher un cercle vertueux où le taux d’emploi augmente.
Une manière évidente de le faire est d’améliorer les compétences, par l’amélioration de la qualité du système éducatif, du système de formation professionnelle, en raison de la forte corrélation entre compétences et taux d’emploi. Le graphique 7 compare le niveau de compétences de la population active mesuré par l’enquête PIACC de l’OCDE, et le taux d’emploi.
Mais continuer à corriger les inégalités secondaires (après redistributivité) de revenu en augmentant encore la générosité des politiques redistributives est très inefficace, puisque conduisant, on l’a vu, à la baisse du taux d’emploi donc à la hausse des inégalités primaires de revenu.