L’euro n’est pas tiré d’affaire

Agnès Bénassy-Quéré, Professeur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et à l’École d’Économie de Paris.

Agnès Bénassy-Quéré

Depuis le début de la crise, de nombreuses réformes ont été entreprises dans la zone euro. Elles répondaient à trois objectifs. Le premier était d’apporter une aide d’urgence à un pays qui aurait perdu l’accès au marché, pour le financer temporairement en attendant que sa situation se redresse sous l’effet, notamment, d’un programme d’ajustement. Le Mécanisme européen de stabilité (MES) a été créé à cette fin.

 

Le deuxième objectif était d’éviter les crises auto-réalisatrices. Si les marchés se mettent à douter de la solvabilité d’un Etat, alors ils prêtent à des taux d’intérêt plus élevés et la dette de l’Etat concerné devient effectivement insoutenable. On peut interpréter de cette manière l’introduction des Opérations monétaires sur titres de la Banque centrale européenne : en cas de besoin, et sous réserve d’un programme auprès du MES, la BCE peut acheter une quantité potentiellement illimitée des obligations d’un pays. A cela s’est ajoutée, à partir de 2015, la politique d’assouplissement quantitatif de la BCE qui a mis un couvercle sur les taux d’intérêt dans l’ensemble de la zone euro.

Le troisième objectif, enfin, était de mettre fin à la boucle entre risque souverain et risque bancaire. Avec l’Union bancaire, l’intervention des Etats dans les banques est désormais fortement contrainte. Cependant les banques continuent d’acheter sans limite ni pénalité les titres de dette publique. Ce faisant, elles stabilisent à court terme le marché des dettes publiques mais rendent leur bilan vulnérable à la hausse des taux d’intérêt italiens.

Aujourd’hui, les Européens doivent non seulement compléter cet effort de réforme (finalisation de l’union bancaire, mise en place de mécanismes de stabilisation budgétaire, politiques de re-convergence économique), mais aussi faire face à une désaffection pour ce qui a déjà été fait : (1) ne souhaitant pas s’engager dans un programme d’ajustement, l’Italie ne peut recevoir d’aide ni du MES ni de la BCE ; (2) la BCE est en train de mettre fin à sa politique d’assouplissement quantitatif ; et (3) l’Italie peut difficilement se passer à court terme des achats d’obligations publiques par les banques du pays. Bref, l’euro est encore loin d’être tiré d’affaire.

Encadré : petite chronologie de la zone euro
Automne 2007 : faillite de la banque Lehman Brothers
Automne 2009 : début de la crise grecque
Été 2012 : mise en place du Mécanisme européen de stabilité, en replacement du Fonds européen de stabilité financière créé dans l’urgence en 2010 ; « whatever it takes » du Président de la BCE, suivi de l’introduction des Opérations monétaires sur titres (jamais actionnées à ce jour)
Printemps 2014 : mise en place du Mécanisme européen unique de contrôle bancaire
Printemps 2015 : début du programme d’assouplissement quantitatif de la BCE.
Décembre 2018 : fin programmée des achats nets de titres par la BCE.

Agnès Bénassy-Quéré Professeur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et à l’École d’Économie de Paris.

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