Pourquoi les inégalités hommes femmes ne diminuent plus?

Cecilia García Peñalosa, Economiste, directeur de recherche au Cnrs, directeur d’études à l’Ehess, et membre d’Aix-Marseille School of Economics (AMSE)

Cecilia García Peñalosa

Depuis le début du 20e siècle, les inégalités entre femmes et hommes ont diminué de manière spectaculaire. L’égalité devant la loi s’est vue accompagnée d’une réduction massive des inégalités économiques entre les genres. Les femmes occupent quasiment la moitié des emplois, sont davantage diplômées que les hommes et l’écart salarial entre les deux sexes s’est considérablement réduit. Mais ce progrès semble avoir subi un coup d’arrêt depuis une vingtaine d’années : les écarts salariaux ont cessé de diminuer, les postes les plus prestigieux sont toujours occupés par les hommes et femmes et hommes travaillent dans des secteurs différents. Quels facteurs peuvent expliquer cette situation ?

À partir des années 1930, le progrès technologique a, d’un côté, créé une demande de postes administratifs ouverts aux femmes et, de l’autre, libéré du temps grâce à la diffusion des équipements ménagers (réfrigérateur, lave-linge...). Puis, à la fin des années 1970, l’écart entre la proportion de femmes et hommes diplômés du supérieur commence à se réduire, tandis que l’âge médian des femmes au mariage augmentait considérablement. Cela a eu pour effet de permettre aux femmes d’accéder à des activités non-traditionnelles et de réduire des barrières professionnelles.

Pourtant, femmes et hommes semblent aujourd’hui faire des choix différents. Les choix d’orientation, d’éducation et de carrière diffèrent et les femmes consacrent aussi une plus grande partie de leur temps au travail non marchand et non rémunéré.

Si la majeure partie des écarts entre hommes et femmes est le résultat de différences sexuées dans les préférences et les comportements, il est nécessaire de s’interroger sur leur origine. Les théories évolutionnistes considèrent que la procréation génère une spécialisation dont il résulterait des traits de caractères différents chez les hommes et les femmes. Pourtant, les interactions sociales jouent un rôle crucial dans le renforcement des normes sociales. À titre d’exemple, les études sur la transmission des préférences indiquent que les femmes désirent, en moyenne, une fécondité élevée lorsque cela a été le cas pour leur mère, ce qui les contraint à une offre de travail plus faible ; les hommes, eux, sont plus favorables à la participation des femmes au marché du travail si leur mère travaillait. Cela signifie-t-il que, pour continuer à progresser dans la lutte contre les inégalités femmes-hommes, il faut s’attaquer à la construction sociale des préférences dès le plus jeune âge ?

Encadré
À la fin du 19e siècle, le taux d’emploi des femmes – dans les pays occidentaux - oscille entre 20 et 35%. Il franchit le cap des 60% au début de notre siècle. L’emploi féminin représente aujourd’hui entre 40 et 45% de l’emploi total. La convergence salariale a été spectaculaire, avec une réduction moyenne de la différence salariale entre hommes et femmes de 0.4 point de pourcentage entre 1970 et 2010.
Aujourd’hui, en France, le taux de scolarisation dans l’enseignement supérieur est de 33 % pour les filles et de 27 % pour les garçons. Sur tous les autres aspects, la différence joue en faveur des hommes. L’écart de revenu salarial oscille entre 22 et 24%, le taux d’emploi des femmes de plus de 15 ans est de 50% et les femmes représentent à peu près 43% des individus en emploi. Hommes et femmes consacrent à peu près le même temps chaque jour aux « activités productives », mais les femmes consacrent seulement 39% de leur temps aux activités professionnelles contre 60 % pour les hommes.
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