Union européenne : dépasser les clivages

Par Jérôme Creel et Xavier Ragot (OFCE)

Jérôme Creel

L’Union européenne va vivre prochainement trois changements majeurs : la sortie d’un de ses Etats membres, sans doute au début de l’année prochaine, le renouvellement de la Commission européenne, et le passage de témoin entre Mario Draghi et Christine Lagarde à la tête de la Banque centrale européenne.

Ces changements interviennent dans un environnement international très incertain et très dégradé porté par le repli sur soi : les Etats-Unis privilégient désormais bien souvent la confrontation à la négociation et à la coopération, tandis que la guerre aux portes de l’Europe montre de façon alarmante que les vieux démons de la haine peuvent resurgir à tout moment.

Le projet européen, bâti sur un objectif de paix, est forcément fragilisé par ces dynamiques géopolitiques. Il l’est d’autant plus que la prospérité rime avec inégalités : si l’Union européenne a retrouvé la prospérité par habitant qui était la sienne avant la crise intervenue il y a dix ans, elle n’a pas rattrapé le retard accumulé durant cette décennie. Parallèlement, les inégalités de revenus, les inégalités de patrimoine, les inégalités territoriales, les inégalités intergénérationnelles et les inégalités d’accès aux services publics ont plutôt eu tendance à croître, engendrant différentes lignes de fracture entre citoyens qui rendent la coopération à la fois plus nécessaire et plus ardue à réaliser. Comment mener ensemble une transition écologique lorsque les gains et surtout les coûts sont inégalement répartis entre les citoyens ?

La dislocation de l’Union européenne qu’engendre le Brexit n’en restera qu’à ses prémices si l’Union européenne parvient à dépasser ses nombreux clivages, sinon elle disparaîtra pour n’être qu’une parenthèse de 60 et quelques années dans les livres d’histoire. Quelles réformes mener pour sortir l’Union européenne du piège dans lequel le Royaume-Uni et les Etats-Unis cherchent à l’enfermer ?

L’Union européenne doit avoir un visage. Pour cela, il lui faut une dimension sociale.

L’Union européenne doit avoir un corps. Pour cela, il lui faut une forme inédite, celle que lui donnerait une relance écologique pour lutter tant qu’il est encore temps contre le changement climatique.

L’Union européenne doit avoir deux bras, pour protéger et pour convaincre. Pour cela, il lui faut une politique commune industrielle et d’innovation.

L’Union européenne doit avoir deux jambes. La Banque centrale européenne, cruciale pour assurer la confiance dans un bien commun, l’euro, doit mieux dialoguer et coopérer avec les gouvernements, les Parlements nationaux et le Parlement européen, représentants des peuples qui les ont élus et comptables de leur bien-être. Enfin, un outil macroéconomique de partage des risques et de stabilisation des cycles rendra l’Europe plus résiliente. A minima une coordination des politiques budgétaires permettrait d’éviter une atonie de la croissance économique tout en assurant des trajectoires soutenables de dettes publiques.

Vaste programme, des mots à ce stade, mais des projets à discuter et à nourrir lors de la conférence de mercredi après-midi à la Bourse du Travail de Lyon.

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