L'aversion au risque, une caractéristique française

Des OGM à la crise financière, des problématiques de croissance au virus H1N1, le risque est aujourd’hui au cœur du débat public et politique. Pour autant, la notion s’avère complexe et il est parfois difficile de cerner les véritables enjeux du problème. Tout en présentant les stratégies étatiques de gestion du risque, les intervenants ont présenté des outils permettant aux économistes de se faire comprendre et d’introduire un « dialogue avec la société. »

« Il ne peut y avoir de croissance sans innovation, ni d’innovation sans risque ! » souligne Christian Gollier, directeur de l’Ecole d’Economie de Toulouse, en introduction de son discours. Dans le contexte d'après la crise, l’économiste souligne la complexité du débat et la nécessité de se pencher davantage sur les inquiétudes individuelles en termes de risque, afin de prendre les meilleures décisions collectives au niveau étatique.

Redonner à l’individu toute son importance

« Aujourd’hui, le sentiment que les jeunes générations seront dans une situation économique moins bonne que celles de leurs parents est de plus en plus répandu dans les esprits, expose-t-il. En analysant les réticences globales des Français par rapport à la prise de risque, l'économiste montre que les stratégies gouvernementales sont étroitement liées au ressenti des individus. Les craintes des individus ont des impacts sur les décisions de l’Etat dans la gestion des risques, explique-t-il. Très concrètement, ceci pose la question de la prise en compte du risque dans l’évaluation des projets d’investissement : jusqu’où peut-on accroître la croissance économique sans risque ? Quelle méthode l’Etat doit-il utiliser pour quelles politiques d’investissement et d’innovation ?»

Autant de questions auxquelles l'universitaire Luc Baumstark apporte différents éléments de réponse en exposant les outils nécessaires à la mise en œuvre « raisonnée » du principe de précaution dans les stratégies d’investissements. « Afin d’introduire de façon cohérente la notion de risque, la création d’un cadre de référence global est nécessaire, souligne-t-il. Il est important que ce cadre de gouvernance qui prend en compte des variables telles que le temps, les externalités ou le taux d’actualisation publique puisse être transmis au niveau des ministères. » La réalisation de tels projets devrait alors permettre d’identifier les principales sources de risques et guider ainsi les ministères dans la conception et la mise en œuvre de leurs stratégies d’investissement.

Mesurer les risques pour mieux les contrôler

Christian Gollier revient également sur l’importance de ces outils pour mieux comprendre, appréhender et apprivoiser l’impact des risques sur l’investissement : « Le risque d’un projet ne peut être mesuré qu’en comparant sa sensibilité de rentabilité par rapport à la croissance économique, explique-t-il. Si la sensibilité est forte, alors la probabilité de risque sera également forte. »

Il montre ainsi qu’en cas de risque, la rentabilité espérée par les investisseurs sera plus importante, d’où la nécessité de pénaliser les projets qui augmentent les risques. Comment ? En actualisant à un taux plus élevé. « Si on pense que la tendance de croissance du PIB par habitant réel sera de 2% par an, il faut actualiser à 4% les projets sans risque. »

Afin de ne pas tomber complètement dans des considérations trop techniques, Luc Baumstark tempère finalement avec humour : « Pourtant essentiel en économie, le calcul doit rester modeste. Il doit être constitutif d’un dialogue, avant de conclure, Il n’est ni le premier ni le dernier mot du débat. »
Lire également l'interview de Christian Gollier

Photo : © Tomasz Trojanowski - Fotolia.com

origine du blog