L'économie au service de la culture ?

Lorsque l'on parle de culture, on parle aussi d'économie. La table ronde consacrée au thème de l'influence des logiques économiques sur la gestion du patrimoine culturel le prouve. Entre les questions de financement, la circulation du patrimoine et la numérisation des ouvrages, les intervenants sont revenus sur les sujets phares qui agitent la sphère culturelle.

Comment financer le patrimoine ? Françoise Benhamou, professeur de sciences économiques à Paris 13, a développé sur cette question au cœur de son rapport pour le Conseil d’Analyse Economique : "On constate une très forte concentration de la fréquentation des lieux culturels. Par exemple, le " top 5 " des musées français rassemble 60 % des visiteurs. Il faut ainsi aider à la valorisation des petits musées pour trouver des sources de financement." Si l’aide publique reste indispensable, elle n’est pas toujours adapté aux besoins. Françoise Benhamou propose une solution radicale, une augmentation des tarifs pour le public non-européen. Une idée qui fait réagir Philippe Bazin, directeur de la Bibliothèque publique d’information : "Les frontières sont inconcevables dans le champ de la connaissance, cette idée s’oppose au désenclavement de la culture."

Circulation internationale et ancrage local

Autre aspect polémique du financement de la culture : la circulation du patrimoine. Pour Anne Gombault, responsable de la chaire Arts, culture et management à la Bordeaux Management School, le contrat de licence signé par le Musée du Louvre avec Abu Dhabi est un succès. "Cela permet de lever des fonds pour la politique culturelle du Louvre. On parle tout de même d’un milliard d’euros au total, ce n’est pas négligeable", souligne l’universitaire.

Dominique Sagot–Duvauroux, professeur de sciences économiques à l’université d’Angers, insiste sur l’importance de la territorialisation. "La valorisation du patrimoine agit sur l’économie locale et renforce l’attractivité des territoires." A ses yeux, le secteur culturel peut – être vu comme un laboratoire de l’économie générale, notamment avec l’émergence du numérique.

La numérisation du patrimoine, entre craintes et démocratisation

Cette question, Philippe Bazin la connaît bien. Il était directeur de la Bibliothèque de Lyon en 2004 lorsqu’elle a lancé la numérisation de 500 000 ouvrages avec Google. Une initiative critiquée par la Bibliothèque Nationale de France à l’époque. Signe des temps, la BNF a lancé, à son tour, un appel d’offre pour la numérisation de son patrimoine littéraire, auquel Google a répondu cette semaine. "Il y a urgence à numériser notre patrimoine littéraire, au risque d’accumuler un retard impossible à rattraper", explique Françoise Benhamou. Mais comment garder le contrôle de la culture face au géant américain ? "Google n’est qu’une option. La bibliothèque de Lyon fabrique ses propres archives numériques", répond le directeur de la bibliothèque du Centre Pompidou. Et de conclure : "L’économie numérique a réussi à faire ce que les bibliothécaires ont souhaité réaliser pendant des siècles en démocratisant le patrimoine littéraire et les outils d’accès pour le public."

Photo : © Pavel Losevsky - Fotolia

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