Donner, pour se donner bonne conscience

En France, 56% des plus de 15 ans ont déjà effectué un ou plusieurs dons. A l'heure de l'individualisme, doit-on se réjouir de ce chiffre ? Pas sûr, si on étudie de plus près les motivations des donateurs, entre intérêt personnel, amour-propre et pression sociale...

Dans une société où l’individualisme est roi, quelles peuvent donc être les motivations qui animent les donateurs ? Marie-Claire Villeval, directrice de recherche au CNRS, en identifie trois, s’appuyant sur des notions d’économie comportementale et, plus largement, de la pensée maussienne.

L'intérêt personnel n'est jamais loin

L’altruisme pur d’une part, où l’utilité du donateur augmente dès lors que le bien-être des autres augmente. D’autre part, l’altruisme impur, où l’utilité croît également - et principalement - avec son propre don. « En donnant, l’individu renforce sa propre estime de soi », détaille-t-elle. Enfin, une troisième forme d’altruisme, où « l’utilité augmente aussi avec les dons des autres. L’individu est sensible au fait que d’autres proches donnent. » Clairement, le don est un acte loin d'être désintéressé. Un intérêt bien souvent personnel, voilà qui devrait rassurer les adeptes du sociologue Max Weber.

Quand la générosité est mise à nue

La neuro-économie, apparue à la fin des années 90 aux Etats-Unis, s’intéresse elle aussi de près à la prise de décision spécifique qu’induit le don. Grâce à l’imagerie médicale, on observe ainsi qu’un don volontaire provoque une augmentation significative de l’activité neuronale. « Cela traduit un gain en terme d’amour-propre, de statut, de sensation de « faire sa part » », analyse Marie-Claire Villeval. Près d’un siècle après Essai sur le don de Marcel Mauss, la technologie confirme bien les dires de l’anthropologue français. Elle va même jusqu’à montrer que, lorsque la décision de donner est publique – donc observable -, les dons se font plus nombreux. « Les aires du cerveau impliquées dans le traitement des récompenses sont davantage impliquées en public qu’en privé », commente la directrice de recherche.

Le don, un comportement moutonnier ?

Autre facteur qui influence grandement le comportement des individus, la pression sociale. Une expérience réalisée sur une radio publique américaine démontre l’impact des dons d’autrui sur les agissements des donateurs. Lorsqu’on annonce à un auditeur que l’auditeur précédent a effectué un don de 300 dollars, le don moyen s’élève à 120 dollars. En l’absence de cette information, il chute à 107$ (-12%). La pression sociale tend ainsi à augmenter les dons, l’effet étant particulièrement élevé chez les nouveaux donateurs. Alors, pourquoi donne-t-on ? La réponse - intellectuelle et scientifique - est moins belle que l'acte, non ?

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