Pourquoi les PME françaises ne grandissent pas

Les petites et moyennes entreprises (PME) sont peu nombreuses à oser franchir le cap pour devenir des entreprises de taille intermédiaire (ETI). L’histoire économique de la France, les sources de financement, mais aussi la peur d’entreprendre peuvent expliquer ce phénomène.

« Visiblement, il y a une difficulté à franchir des paliers. » Didier Bruno, membre du directoire de la Caisse d’Epargne Rhône Alpes, constate que les PME peinent à s’attaquer à de nouveaux marchés. « Les entreprises connaissent bien les marchés domestique et européen, mais elles ne franchissent pas le palier des pays émergents et commercialisent peu leurs produits à l’international. » Selon lui, différents obstacles nuisent au développement des PME. Les entreprises se montreraient d'abord réticentes à diversifier leurs sources de financement. Et pourtant, différents outils existent, à l’image de la « Bourse des PME », Enternext (filiale d’Euronext), mise en place en mai 2013. « Le problème, c'est que peu d'entrepreneurs utilisent ce type de dispositifs », assure Didier Bruno.

BPIFrance a voulu comprendre quels étaient les freins à l'investissement pour les entreprises. 75% d'entre elles citent en premier lieu l’absence de demande. Puis vient l'absence de marges. Le problème du financement ne figure qu'en quatrième position, et ne correspond qu’à 4% des citations, souligne Philippe Mutricy, directeur de l’Evaluation des Etudes et de la Prospective.

Autre obstacle à la croissance des PME : l’évolution de la structure de l’entreprise. Le passage du statut de PME à celui d’ETI, « c’est comme quitter la deuxième division pour intégrer la première. Il faut changer son mental, savoir s’entourer, savoir déléguer, et cela a aussi un coût », explique Didier Bruno. Enfin, les entreprises, en grossissant, craindraient de perdre leur agilité et leurs capacités d’innovation. Un facteur psychologique interviendrait donc, avec, en toile de fond, la question : « croître ne représente-t-il pas plus de contraintes que de bénéfices ? »

Une hétérogénéité des situations

Selon Philippe Mutricy, des dirigeants sont heureux dans leur entreprise avec une croissance proche de zéro et préfèrent donc ne pas prendre de risque. Seule une petite minorité de patrons de PME - des jeunes le plus souvent - vont tenter de créer des ETI. Généralement, les PME françaises atteignent un palier de croissance et se stabilisent ensuite.

La dimension psychologique est primordiale pour Dorothée Kohler, Fondatrice et dirigeante de Kohler Consulting & Coaching. Changer de taille et de catégorie fait peur. Mais elle insiste sur l’hétérogénéité des situations. Et prend pour exemple les différents types d’ETI : aux « leaders mondialisés », fortement internationalisés et qui connaissent une croissance élevée, s’opposent notamment les ETI « routinières à l’heure du choix », qui perpétuent l’existant.

Les ETI moins nombreuses en France qu’en Allemagne

La France possède trois fois moins d’ETI que l’Allemagne. Cela peut s’expliquer par des raisons historiques, selon Dorothée Kohler. Après la Seconde Guerre mondiale, l’intervention de l’Etat dans l’économie était mal vue en Allemagne. Le Mittelstand, un tissu d’entreprises familiales indépendantes et de taille moyenne, s’est alors peu à peu constitué. En revanche, en France, l’Etat a joué un rôle interventionniste et, notamment sous De Gaulle, a mis tout en œuvre pour faciliter l’émergence de grands groupes. Dans le même temps, le capitalisme familial était, lui, mal perçu dans l’Hexagone.

Aujourd’hui, beaucoup de petites et moyennes entreprises françaises continuent de privilégier le marché local. Les PME ont 75% de leurs clients et de leurs fournisseurs dans un périmètre de 20 km, rappelle Frédéric Maurel, directeur régional du Groupe Mazars. Se développer, notamment à l’international, constitue un véritable acte entrepreneurial. La plupart des patrons ne préfèrent pas prendre le risque.

Selon Nadine Levratto, chargée de recherche au CNRS, les aides de l’Etat se focalisent trop sur les entreprises individuelles. Pour elle, les PME devraient être intégrées dans des chaînes de valeur afin de pouvoir se développer. Des écosystèmes, comparables aux pôles de compétitivité, pourraient se former afin de permettre aux entrepreneurs de ne pas agir de manière isolée et de mieux réussir.

Thomas Chenel - Etudiant IPJ-Paris Dauphine @Tomasin23 Jéco2014

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