Zone euro : y a-t-il un pilote dans l'avion ?

Stagnation de la croissance, absence de reprise, inflation quasi nulle... La situation économique de la zone euro est préoccupante. On envie le vif rebond de l'économie américaine au deuxième trimestre 2014 avec plus de 4 % de croissance. Fin 2011, la crise des dettes souveraines a révélé et exacerbé les insuffisances originelles de la zone euro. La question de la gouvernance de l'union monétaire se pose plus que jamais, à l'heure où certains s'interrogent sur une sortie de l'union monétaire.

À la question "La zone euro peut-elle être gouvernée?", les avis des économistes et observateurs divergent. Pour Henri Sterdyniak, la réponse est non. "La zone euro n’est pas gouvernable car elle est dominée par une technocratie libérale fédérative qui veut imposer des réformes structurelles dont les peuples ne veulent pas", souligne le directeur du département économie de la mondialisation de l'OFCE. Pour lui, l'Europe doit reconnaître qu'elle s'est trompée : les pays de la zone euro ont créé une monnaie commune sans réflexion commune. Il prône une coordination rigoureuse à l'échelle de la zone euro. Or le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) signé en 2012 par les pays membres de la zone euro, plus connu sous le nom de traité budgétaire, qui impose la règle d'or budgétaire, ne le permet pas. "La France a eu la bêtise de signer l’accord alors qu’elle ne le respecte pas", défend-il.

"Insister sur l'émergence d'un débat européen"

Son de cloche tout à fait différent, avec Antonin Aviat qui travaille à la Direction Générale du Trésor sur les questions européennes. Il salue notamment la réponse européenne à la crise des dettes souveraines. "Les mécanismes d’assistance financière qui ont pris en charge les besoins de financement des Etats sont une victoire au sein de l’Europe", argumente-t-il. Il rappelle également l'existence d'outils de gestion de crise et de gestion des déséquilibres macroéconomiques. Selon Antonin Aviat, la Banque Centrale Européenne (BCE) comme la Commission européenne pèsent clairement sur la politique menée dans la zone euro. "Il faut insister sur l'émergence d'un débat européen", conclue celui qui - ce n'est pas anodin - travaille avec Michel Sapin, le ministre des Finances et des Comptes publics.

Une union monétaire et budgétaire

Pour Steve Ohana, professeur en finance à l'Ecole Supérieure de Commerce de Paris Europe (ESCP Europe), la zone euro n'est pas une réussite au niveau macro-économique : "la crise de la demande perdure à cause d'une mauvaise gouvernance de la zone euro." Il propose trois solutions : une restructuration des dettes et une recapitalisation des banques, un levier budgétaire des déficits publics et un levier monétaire. Mais, selon lui, l'Allemagne s'est opposée à ces trois leviers pour défendre ses intérêts. Pour que la zone euro fonctionne il faut "que l'union monétaire s'accompagne d'une union budgétaire."

L'économiste Michel Aglietta, auteur de l'ouvrage "Zone Euro : éclatement ou fédération", pointe le mauvais diagnostic fait par les dirigeants européens : penser que la crise de la zone euro est dûe à un laxisme budgétaire. "Le traité européen budgétaire a obligé les États a avoir une vision à moyen terme des budgets, explique l'économiste au style franc et direct. Ils se sont précipités à faire de l’austérité alors que c'est une raison du marasme économique." Parmi les solutions avancées par Michel Aglietta, la création d'un fonds européen d'investissement : "il faut un fonds européen d’investissement logé à l’intérieur de la Banque Européenne d'Investissement capitalisée par l’ensemble de l’Europe".

L'avion zone euro a le choix entre plusieurs pilotes. Reste à savoir lequel choisir.

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Margaux Bourdin - Etudiante IPJ Paris Dauphine @MargauxBdn #JECO 2014

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