Ce n’est donc pas cette conférence sur « l’avenir de la zone euro » qui aura redonné du souffle au projet européen. Pourtant, les trois intervenants semblaient tous d’accord sur la nécessité de changements radicaux, et confiaient leurs inquiétudes pour l’avenir. « Je ne suis pas sûr que l’Italie sera encore dans l’euro d’ici trois ou cinq ans », a confié Francesco Giavazzi, économiste italien spécialiste de l’Europe.
Il a même détaillé : « Le revenu par habitant stagne depuis 1995, la productivité décroît et la défiance envers l’Union européenne est grande. Le 4 décembre, Matteo Renzi organise un référendum sur la constitution : s’il perd, il s’en ira, et un parti eurosceptique prendra peut-être le pouvoir. Il y aura alors un risque que l’Italie sorte de l’euro. » L’universitaire faisait ici allusion au mouvement 5 étoiles de Beppe Grillo, crédité de 30% d’intentions de vote, autant que le parti de Matteo Renzi. Après le Brexit, cette prévision sonne comme un autre mauvais présage pour l’Union européenne.
Mais le plus inquiétant a été évoqué dans la suite de la conférence, par la voix de Laurence Boone, ancienne conseillère de François Hollande à l’Elysée : « On se sent souvent comme un groupe de technocrates désarmés face à des problèmes politiques et émotionnels », a-t-elle concédé. Plus tôt, elle avait pourtant affiché sa volonté de « renforcer la démocratie et le rôle du Parlement européen, donner confiance en l’Europe ». Raté. De telles déclarations posent question. Cela signifierait-il que les promoteurs de l’UE actuelle - qui veulent « renforcer la démocratie européenne » - ne connaissent pas vraiment le peuple qu’ils souhaitent impliquer davantage dans les décisions ?
Dissensions européennes
Concernant l’investissement public européen, le plan Juncker a aussi été évoqué. Mais là encore, les dissensions européennes ont émergé. Alors que Laurence Boone pointait l’insuffisance du plan, évoquant un budget « embryonnaire » (5% du PIB de l’UE) et une absence d’investissement dans l’éducation, Lars P. Feld, membre du Conseil allemand des experts économiques, a pointé son « scepticisme par rapport à l’investissement public », préférant « changer les conditions pour l’investissement privé ». On est loin d’une position commune.
Concernant les règles qui pèsent sur les États européens, des contradictions sont aussi apparues. Après avoir rappelé « l’impossibilité de changer les règles du mécanisme de stabilité européen », Fransesco Giavazzi a pourtant énoncé son désir ''« d’assouplir la règle des 3% de déficit budgétaire lorsque les Etats investissent ». '' En fin de conférence, chaque intervenant avait droit à une phrase pour conclure « sur une note positive ». Après un long silence de M. Feld, Francesco Giavazzi demanda donc aux jeunes de la salle s’ils voulaient « continuer à voyager en Europe sans avoir à changer leurs devises. » Comme s’il s’agissait de l’ultime argument pour parler d’Europe aux futures générations.