Le plein-emploi, et après ?

 

Avec un taux de chômage proche des 10%, la France est à la traîne en Europe. Certains pays comme le Danemark, la Suède ou le Royaume-Uni affichent des taux correspondant au plein-emploi (entre 4 et 7%). Mais derrière cette vitrine se cache une réalité parfois moins séduisante.

 
 

 

" Quand on est jeune, 35 heures, ce n'est pas long. Il faut plus de souplesse, plus de flexibilité. " Si Emmanuel Macron, auteur de ses phrases, cette semaine dans l'Obs, n'était pas présent ce jeudi à Lyon, il a été largement question de flexibilité lors de la conférence consacrée au "mythe du plein-emploi ".

Une flexibilité que la France, coincée autour des 10 % de taux de chômage, a du mal à mettre en place. Pourtant, cet outil semble avoir fait ses preuves dans les pays du nord, mais aussi en Allemagne ou au Royaume-Uni. " Il n'y a pas un seul modèle, remarque d'emblée Olivier Passet, directeur des synthèses économiques chez Xerfi. Les pays nordiques comme le Danemark restent assez protecteurs alors qu'au Royaume-Uni, il y a beaucoup moins de protection. Idem pour les syndicats, les inégalités... "

Henri Guaino : " C'est ça le plein-emploi ? "

La flexi-sécurité type Danemark fait office de " rêve ", où les entreprises ont le champ libre et la communauté protège les trajectoires individuelles. Mais les coulisses de cette réussite laissent perplexes. Henri Guaino, député LR des Yvelines ne s'en cache pas : " Les chômeurs se sont transformés en travailleurs précaires, avec de petits CDD. Je ne vois pas où est le progrès... C'est ça le plein-emploi ? ". Pour l'élu, tous les pays seraient confrontés au même problème de l'emploi, chacun " essayant juste de masquer la situation à sa façon. "

De son côté, Michèle Debonneuil, inspecteur général des Finances, acquiesce : " Le plein-emploi est présenté comme un nirvana alors qu'il est bien souvent un nid d'inégalités ", prenant l'exemple des Etats-Unis. Pour tous les intervenants, la qualité du travail est le principal repoussoir à la flexibilité, condition pourtant sine qua non au plein-emploi, du moins tel qu'il existe aujourd'hui.

" Je me méfie des modèles importés, continue Olivier Passet. En France, on est resté bloqué sur des question de salaire, de smic. La culture et la place des syndicats ne sont pas du tout les mêmes dans ces pays. " L'Allemagne revient souvent dans le débat. Avec la loi Hartz IV, le pays a réformé son marché du travail pour davantage de flexibilité, avec notamment l'instauration des " mini-jobs ". Pour Henri Guaino, ce sont surtout des " petits boulots de merde ". " D'ailleurs, des revendications salariales voient le jour... " remarque le député.

"On reste aveugle"

" C'est un choix social, lui répond Antoine Naboulet, directeur-adjoint du département Travail-Emploi-Compétences de "France Stratégie". Les femmes allemandes, longtemps au foyer du fait du schéma familial, ont souvent trouvé un petit travail grâce à ces mesures. " Olivier Passet confirme : " Pour eux, le revenu de la femme vient en appoint, comme élément sécurisant. Ce n'est donc pas vu comme une paupérisation. "

Les intervenants s'accordent par contre pour dire que le monde est en pleine mutation, révolution numérique et robotisation obligent. Si Michèle Debonneuil parle de " tsunami " et de fin du salariat, Henri Guaino objecte le fait que le salariat se maintienne aux Etats-Unis. Antoine Naboulet pense quant à lui que " Uber et ce type d'entreprise ne sont qu'un épi-phénomène de ce qui va arriver. On reste aveugle. " Comme le résume Olivier Passet : " La France a du mal à penser et domestiquer cette nouvelle économie. "

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