Christel Bories : « L'industrie française doit monter en gamme »

Dans son livre, « L’industrie racontée à mes ados…qui s’en fichent », Christel Bories, ancienne directrice d’usine, veut convaincre les jeunes générations que l’embellie de l’économie française passera par un rebond de son industrie. Elle appelle donc de ses vœux une industrie française de pointe.

Pourquoi avez-vous souhaité faire ce livre ?

Après une enquête auprès de lycéens, nous nous sommes aperçu qu’ils avaient une vision biaisée de l’industrie, par rapport aux professionnels. Ils avaient presque tous l’idée d’une industrie polluante et d’un secteur qui aliène les travailleurs. Avec ce livre j’ai donc voulu parler de ce secteur manifestement méconnu des jeunes et rétablir certaines vérités de manière ludique et instructive.

Lesquelles par exemple ?

D’abord, il faut dire que l’industrie est génératrice d’emplois. Pour un emploi industriel, ce sont deux ou trois emplois dans les services qui sont créés. C’est pour cela que c’est un drame quand une usine ferme. Ensuite, l’industrie est un secteur où l’on est bien payé : en moyenne 15% de plus que dans les autres secteurs. On pense souvent à des métiers sous-qualifiés, mais aujourd’hui, l’industrie moderne demande des compétences très pointues, donc des bons salaires. Dans les usines que j’ai dirigées, il y avait environ 5% de smicards. Et il y a plus de CDI dans l’industrie que dans les autres secteurs. Enfin, ce n’est pas du tout le secteur le plus polluant : en termes d’émissions de CO2, l’industrie arrive derrière le bâtiment, l’énergie et les transports.

Pourquoi, selon vous, la France a-t-elle délaissé son industrie ?

En effet, rappelons que l’industrie représente aujourd’hui 12% du PIB, contre 18% dans les années 1980. Depuis, on a perdu deux millions d’emplois dans ce secteur. La France est le quinzième pays industriel sur les 19 de la zone euro. La raison principale est que les responsables politiques ont cru que l’on pourrait se passer de l’industrie, et la délocaliser dans des pays où la main d’œuvre est bon marché. Or, ils ont oublié que la délocalisation d’usines provoque ensuite la délocalisation des centres de recherches, ceux-ci voulant être à proximité des lieux de production. Désormais, les pays « à main-d’œuvre bon marché » ont des industries de pointe. Nous sommes même en retard par rapport à eux.

Comment retrouver une industrie française concurrentielle ?

Il ne faut plus fonctionner sur une logique de faibles coûts. Nous devons monter en gamme et proposer une industrie de pointe. Pour cela, il faut, par exemple, que nous prenions le virage de la robotisation. En effet, pour 10 000 habitants, il y a seulement 120 robots en France, alors qu’il y en a 500 en Corée du Sud, 300 au Japon ou en Allemagne, et 180 aux Etats-Unis. Un secteur que nous pourrions notamment développer, c' est celui de la transition énergétique : nous n’avons pas particulièrement de retard dans ce domaine, et il va être créateur d’emplois à l’avenir.

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