Inclusion : une si longue route…

Par Philippe Barret qui intervient sur Quelle mobilisation collective contre la pauvreté après la crise Covid ?

Marin né sans main gauche, Damien Seguin a accompli un véritable exploit en arrivant fin janvier dernier aux Sables d’Olonne après son tour du monde à la voile dans le cadre du Vendée Globe. Une première pour un handisportif. Une belle histoire aussi mais qui, finalement, masque les difficultés que continuent à rencontrer les personnes qui, comme Damien Seguin, sont différentes pour s’intégrer dans la société, que ce soit par le sport, le travail, la culture…

Daniel Seguin
Daniel Seguin

Malgré un palmarès olympique déjà bien fourni, Damien Seguin a en effet rencontré de nombreux obstacles, pour être admis dans la classe reine, l’Imoca, et courir avec les autres skippers.
Sans s’attarder sur la question du handicap puisque la question de l’inclusion est plus large, il est quand même bon de rappeler que sur le champ de l’emploi en 2019, 16% des personnes handicapées étaient au chômage, soit un taux près de deux fois supérieur aux personnes dites « valides ». Un bon indicateur du chemin qu’il reste à parcourir.
Construire une société inclusive, plus inclusive en tous cas, c’est faire en sorte que les personnes, quels que soient leur physique, origine, statut social, préférence sexuelle, religion, … puissent trouver une place, soient acceptées pleinement comme citoyens sans qu’elles aient à « s’intégrer ».
La crise actuelle, qui est multidimensionnelle, met crument en lumière les limites actuelles - certains parlent même de nécessaire révolution – d’une société malade justement de faire société. L’exemple le plus symptomatique en est sans doute lorsque l’on cherche à opposer entre elles des classes d’âge, et même s’il est un fait qu’un quart des 24-35 ans déclarent vivre dans l’insécurité des découverts bancaires soit 10 points de plus que l’ensemble des Français (baromètre Ipsos - le Secours populaire). Le repli sur soi, l’individualisme forcené, ne sont donc que les symptômes conjoncturels d’un mal qui mine notre pays depuis de nombreuses années.
Ce constat que tout un chacun peut faire s’accompagne d’un rejet de l’autorité, des autorités : politiques, scientifiques, journalistes, … En mars 2020, un sondage du CEVIPOF (Centre de recherches politiques de Sciences Po) montrait que 67% des Français éprouvaient un sentiment négatif quand ils pensaient à la politique, 27% ressentaient même du dégoût. La question reste donc entière de savoir quel peut être l’acteur de la société qui pourrait éclairer le chemin d’une société plus inclusive.
En tant que dirigeant, l’occasion nous est donnée de faire en sorte que l’entreprise soit justement le lieu où cette évolution, voire transformation, des mentalités s’opère. L’entreprise devient presque le seul lieu où l’on se rencontre, où l’on dialogue, où l’on peut participer à un but commun qui nous dépasse. Jean Dominique Sénart et Nicole Notat avaient déjà souligné dans leur rapport de 2018 que l’entreprise était « un objet d’intérêt collectif » et qu’elle pouvait contribuer à l’évolution de l’intérêt général. La loi PACTE, en créant la notion de raison d’être, constitue pour nous dirigeants une réelle opportunité de faire évoluer l’entreprise et au-delà tout son système de relations et de pensée.
D’un point de vue historique, il est même étonnant de constater le chemin parcouru. L’entreprise de la révolution industrielle était un lieu de lutte, voire d’oppression, le progrès social ne s’obtenait souvent que par la confrontation. Aujourd’hui, la société se tourne vers les entreprises pour porter des sujets qui dépassent clairement leur objet économique pour côtoyer le politique.

Une opportunité nous est donc donnée d’initier collectivement un mouvement vers une société plus inclusive, par nos actes, nos engagements, les exemples justement que nous promouvons, les fameux « role model » chers aux anglo-saxons. Nous, entreprises, pouvons et devons contribuer à une société plus juste dans laquelle chacun trouve une place de pleine citoyenneté. Ce n’est pas une utopie mais une urgence.

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