UEM : mythe ou réalité ?

Jacques de Larosiere

Par Jacques de Larosière, Ancien Directeur Général, Fonds Monétaire International, qui intervient sur la conférence des Jéco 2023 : Vers une nouvelle crise financière ? (Atelier DGESCO)

La spécificité de l'euro est qu'il n'est pas un symbole écrasant d'unité mais une source permanente d'enjeux à négocier pour les États membres de la zone euro. 

Une monnaie nationale et souveraine constitue généralement une synthèse de l'économie d'un pays donné. Elle reflète la relation entre ce pays et le système international et fait partie du dialogue nécessaire entre les autorités fiscales et monétaires. En d'autres termes, la monnaie est le catalyseur de l'unité d'un pays. 

Il est certain que l'euro a été un succès dans la mesure où il est devenu la deuxième monnaie la plus importante au niveau mondial après le dollar américain. En effet, en 1999, l'euro est devenu la monnaie unique d'un vaste ensemble économique dont le marché de 350 millions d'habitants est l'un des plus importants au monde. Les taux de change ont disparu à dessein et la part de l'euro dans les différents indicateurs d'utilisation des monnaies internationales a continué à avoisiner les 20 % en moyenne en 2022[1]

Mais ce succès ne saurait masquer les profondes divisions internes de la zone monétaire. 

Si l'on observe attentivement l'euro, on s'aperçoit que, contrairement à d'autres monnaies, il est loin de refléter l'unité d'un pays. L'euro a connu des turbulences dramatiques lors de la crise de la dette souveraine et est régulièrement une source et une manifestation de discorde entre les États membres.

Comment cela se fait-il ? Il y a plusieurs raisons : 

- La première raison est qu'il y a autant de politiques budgétaires que de membres de la zone euro, 

- La deuxième raison est qu'il y a des perceptions hétérogènes de l'inflation à combattre (les pays du Nord sont moins sujets à l'inflation que les pays du Sud), 

- La troisième raison est que le taux d'intérêt directeur de l'euro est le même pour tous les membres de la zone monétaire. Il s'agit d'une moyenne qui, par définition, est plus tolérante pour les pays à forte inflation que pour ceux dont les résultats sont plus stables, 

- La quatrième est que l'Union est passée depuis les années 60 de politiques européennes structurelles (concurrence industrielle, agricole, énergétique...) à un marché unique sans préférences communautaires et avec des tendances nationales fortes.

 

En résumé, la gestion de la monnaie unique fait l'objet de discussions permanentes entre les membres des conseils d'administration de la BCE et de l'Eurogroupe. 

I.         La zone euro est caractérisée par des hétérogénéités croissantes 

Toutes les observations convergent vers le même constat : la zone euro se caractérise par ces divergences économiques et fiscales internes et non par son unité. Voici quelques exemples des hétérogénéités évoquées.


- En termes de croissance, la zone euro est à la traîne des Etats-Unis depuis des décennies. En effet, depuis 1995, le niveau cumulé du PIB réel a augmenté de 94 % aux États-Unis, contre seulement 51 % dans la zone euro[2].

On peut également observer que l'écart de croissance entre les États-Unis et la zone euro s'est intensifié depuis la grande crise financière. Cela est dû en partie à la croissance de la productivité, qui est plus forte aux États-Unis.


- L'euro a renforcé les pays les plus industrialisés, au détriment de ceux dont le déclin industriel est plus profond. 

L'élimination des risques de change favorise normalement la spécialisation productive au sein d'une union monétaire. Cela ne s'est avéré que pour certains États membres de la zone euro ; la monnaie unique a donné un avantage aux pays exportateurs spécialisés dans les produits échangeables pour lesquels ils font preuve d'une forte compétitivité, comme l'Allemagne et l'Autriche, par rapport aux pays qui ont progressivement connu une désindustrialisation, comme la France et l'Espagne. 

En effet, les économies des pays les plus performants bénéficient du fait que la valeur externe de l'euro représente une moyenne pour l'ensemble de la zone économique et apparaît sous-évaluée par rapport à leurs performances économiques, ce qui se traduit par un avantage compétitif supplémentaire. Par exemple, on estime que le taux de change de l'Allemagne est sous-évalué de 20 % en termes de taux de change effectif réel par rapport à la zone euro.  
 

- La divergence macroéconomique de la zone euro est particulièrement évidente lorsqu'on examine les déséquilibres Target 2. En effet, les engagements nets TARGET 2 de la Banque d'Italie et de la Banque d'Espagne sont très élevés, s'élevant respectivement à 623 milliards d'euros et 422 milliards d'euros en mai 2023 (ce qui représente environ 32 % du PIB pour les deux pays). 

À l'inverse, la Bundesbank disposait d'un crédit net au titre de Target 2 d'environ 1 082 milliards d'euros en mai 2023 (soit environ 28 % du PIB de l'Allemagne). 

On oublie qu'une union monétaire n'efface pas les déséquilibres des comptes courants qui restent, par définition, nationaux.

Ainsi, même si nous sommes dans une union monétaire et que nous avons une monnaie unique, la réalité monétaire est différente : la valeur de l'euro diminuée de l'inflation nationale est très volatile selon les États membres.  


- La divergence des niveaux de dette publique entre les États membres est une préoccupation majeure. En effet, le ratio dette publique/PIB a continué à augmenter régulièrement dans des pays importants de la zone euro (par exemple la France, l'Italie, la Belgique, l'Espagne) et approche - et parfois même dépasse - 120 % de leur PIB. Au contraire, des pays comme les Pays-Bas, l'Allemagne ou l'Autriche ont pu maintenir un ratio dette publique/PIB d'environ 60 % ou moins au cours des dernières années.


- Les disparités sont également frappantes en termes de déficit public : en 2022, alors que l'Allemagne et les Pays-Bas ont réussi à avoir un déficit public inférieur au seuil de 3 % (respectivement -2,6 % et 0 %), la France, l'Espagne et l'Italie ont dépassé le seuil de 3 % avec respectivement -4,7 %, -4,8 % et -8 %. 

Comme l'a récemment déclaré M. Luis de Guindos : « Après quatre années sans règles budgétaires européennes, les gouvernements se sont peut-être habitués à une approche un peu "tout ce qu'il faut" en matière de politique budgétaire. Mais cela doit changer. Un resserrement de la politique monétaire et, simultanément, une politique budgétaire expansionniste seraient un très mauvais mélange de politiques ».


- Les soldes des comptes courants sont un autre indicateur des hétérogénéités de la zone euro : en 2022, l'Allemagne et les Pays-Bas ont enregistré des excédents de comptes courants représentant respectivement 4,2 % et 5,5 % du PIB, tandis que la France, la Belgique et la Grèce présentaient des déficits structurels importants de respectivement -1,7 %, -3,4 % et -9,7 %. 

 

- En ce qui concerne l'inflation en Europe, on peut distinguer deux zones au cours des années 2000 : une zone où l'inflation était plutôt élevée (Espagne, Italie...) et une zone où l'inflation était plutôt faible (Allemagne, Pays-Bas...).

En d'autres termes, si l'objectif de maintenir un taux d'inflation similaire à celui observé avant la crise financière mondiale (c'est-à-dire proche de 2%) a été, en moyenne, atteint, il n'en reste pas moins que les pays "périphériques" qui avaient laissé leur inflation s'envoler, leurs déficits budgétaires dérailler et leurs marchés immobiliers exploser, avaient, en quelque sorte, "profité" des faibles taux d'intérêt de la BCE (dont les taux étaient manifestement trop bas pour eux alors qu'ils correspondaient davantage aux besoins des pays plus stables du noyau dur de la zone euro). 

            Par conséquent, la balance des comptes courants des pays à forte inflation s'est détériorée au cours des années 2000. Dans le même temps, les pays qui avaient maîtrisé l'inflation avaient des taux d'intérêt réels positifs et des excédents courants, ce qui les a encouragés à être encore plus vertueux dans leur lutte contre l'inflation. Le système monétaire a donc poussé les pays vers un extrême ou l'autre en fonction de leur discipline économique. 


- Enfin, la réalité du marché unique européen n'a pas favorisé une plus grande cohérence économique 

Le marché unique est un objectif essentiel, mais il n'améliore pas en soi l'homogénéité et les performances économiques de tous les États membres. Il n'aurait de résultats positifs que si tous les États membres progressaient à un rythme presque similaire en termes de réformes structurelles.

Les flux de capitaux transfrontaliers au sein de la zone euro sont limités depuis la crise de la dette souveraine. En outre, jusqu'en 2008, les flux de capitaux transfrontaliers européens ont principalement alimenté des bulles d'actifs improductives (en Grèce, Espagne, en Irlande...). 

- Les taux d'intérêt de la BCE sont structurellement inférieurs à ceux de la FED depuis 15 ans, ce qui entraîne une fuite des capitaux de la zone euro vers le reste du monde, en particulier les Etats-Unis. 

- Les divergences économiques accentuées entre les États membres peuvent faire fuir les investisseurs qui ont des opportunités mieux rémunérées et moins risquées ailleurs, notamment aux États-Unis. 

- Le marché bancaire de l'UE reste fragmenté, notamment en raison des problèmes liés aux règles nationales et aux pratiques de cantonnement des pays d'accueil. 

- L'Union des marchés de capitaux (UMC) reste un rêve[3]

- L'absence d'un actif financier européen sûr est due à l'absence d'une politique fiscale commune.

 

Il est donc important de promouvoir des marchés bancaires et financiers intégrés où l'épargne excédentaire des pays du Nord pourrait financer les investissements nécessaires dans les pays du Sud, ce qui favoriserait non seulement la croissance en Europe et le rôle international de l'euro, mais aussi l'autonomie stratégique de l'Europe dans le domaine financier.  Malheureusement, cela ne fonctionne pas en raison des divergences économiques croissantes et du manque de confiance entre les États membres.

Pour surmonter la contradiction inhérente à l'hétérogénéité de la zone monétaire, il aurait fallu au moins un élément de surveillance macroprudentielle :

Dans les années 2000, des mesures réglementaires simples et non monétaires telles que le ratio prêt/valeur, l’augmentation des acomptes versés par les emprunteurs pour les prêts auraient été efficaces pour prévenir les bulles d'actifs. Nous avons manqué cette opportunité macroprudentielle.

Il est déjà difficile de gérer une politique monétaire unique avec de fortes divergences économiques, et c'est encore plus difficile si on n'utilise pas les mesures simples dites macroprudentielles, qui auraient permis notamment d'atténuer les problèmes d'instabilité financière dans les années 2000.

 

II.        La politique monétaire ultra accomodante dans la zone euro a désincité les États membres à entreprendre des réformes structurelles et a conduit à une "domination fiscale"

Le délicat montage de la construction européenne, largement illusoire, reposait en grande partie sur le maintien d'une politique de taux zéro de la part de la BCE pour rendre les déficits publics facilement finançables. Ce que nous avons fait pendant près de 20 ans! (en dehors de la crise de 2009-2011).

Maintenir les taux d'intérêt à 0 pendant si longtemps a réduit les difficultés financières causées par l'apparition des spreads et des déficits publics mais a encouragé l'endettement général ainsi que la vulnérabilité du système financier, et a désincité les Etats membres à entreprendre les réformes structurelles nécessaires (en particulier en France et en Italie).

Le fait que la BCE soit allée aussi loin sur la question fiscale (l'Eurosystème détient plus de 30 % de l'encours de la dette publique) jette une lumière assez sombre sur le concept d'indépendance des banques centrales.

La politique monétaire peut effacer les écarts de taux dans la zone euro, mais ne peut ni résoudre les problèmes structurels nationaux, ni relancer les flux de capitaux du Nord vers le Sud. En effet, depuis la crise de la dette souveraine de l'UE, les États membres disposant d'un excédent d'épargne (l'Allemagne et les Pays-Bas en particulier) ne financent plus les projets d'investissement dans les pays dont le PIB par habitant est plus faible (Espagne, Italie, Portugal, Grèce). Ceci est notamment dû au différentiel de taux d'intérêt entre les Etats-Unis et l'Europe (le risque est mieux rémunéré aux Etats-Unis qu'en Europe), aux flux financiers limités entre les pays de la zone euro, au nombre insuffisant de projets d'investissement et à l'absence d'une politique industrielle européenne. 

En fixant les taux d'intérêt à moyen et long terme de manière administrative, les banques centrales ont franchi une limite cruciale : celle d'intervenir dans l'allocation des ressources et la répartition des richesses sans laisser le marché définir les équilibres de taux d'intérêt en fonction de l'offre et de la demande de capital. En fait, les banques centrales ont systématiquement favorisé les débiteurs au détriment des créanciers. Sommes-nous encore dans le domaine de la politique monétaire ?

Aujourd'hui, le coût du service de la dette augmente avec les taux d'intérêt et pèse lourdement sur les budgets des pays très endettés, leur laissant une marge de manœuvre très réduite. Sans efforts pour respecter la discipline budgétaire requise par une union monétaire, la soutenabilité de la dette de certains États membres de l'UE pourrait être remise en question. 

Lorsque la BCE achète des titres financiers, elle court par définition un risque, celui de la valeur intrinsèque (risque de défaut) et de la durée (risque de taux d'intérêt) de ces titres.

Si la Banque centrale a mal calculé son risque (en sous-estimant l'inflation ou en forçant les taux à 0 alors que les bulles financières gonflent), elle prépare une crise.

Dans la phase ascendante du QE, les gouvernements se sont réjouis de la baisse des taux et de la hausse de la valeur des titres du Trésor. Mais dès que l'inflation est réapparue et qu'il a fallu remonter les taux, les gouvernements ont commencé à s'inquiéter : emprunter leur coûterait plus cher, ils devraient combler les déficits des banques centrales (par recapitalisation) et subir les conséquences de la hausse des taux d'intérêt.

 

- On récolte ce que l'on sème. Un programme politique qui aggrave les divergences économiques fondamentales est un programme qui tourne le dos à la réalité. Et quand on tourne le dos à la réalité, les écarts de taux d'intérêt sur les marchés ont tendance à augmenter et les écarts pour les pays les moins compétitifs à bondir.

Tant que l'on n'aura pas suffisamment compris, notamment dans les pays très endettés, que le surendettement est une source de sous-compétitivité, la situation économique de ces pays continuera à se dégrader et il sera d'autant plus difficile d'avancer dans la construction d'une Europe économique et financière. 

En effet, l'intensité des divergences fiscales et économiques entre les pays de l'UE rend plus difficile la définition en Europe d'un intérêt commun, favorise une politique du " chacun pour soi ", crée un climat de méfiance entre les Etats membres qui empêche toute avancée en matière de partage des risques publics et privés et fragilise la zone euro

 

III.       Des améliorations nécessaires pour faire face aux défis à venir de l'UEM

 

La politique monétaire doit être normalisée pour lutter contre l'inflation

La BCE devrait poursuivre la normalisation de sa politique monétaire pour lutter contre l'inflation qui reste persistante et élevée. Tant que les taux d'intérêt réels sont négatifs, l'endettement s’en trouve récompensé. 

Cependant, la politique monétaire doit-elle prendre en compte la possible fragmentation financière qui existe dans la zone euro ? 

La crainte de la réapparition des spreads en Europe ne doit pas dominer le processus décisionnel de la politique monétaire. En effet, tôt ou tard, les spreads structurels en Europe - basés sur l'accumulation passée de déficiences fiscales et structurelles - apparaîtront sur les marchés.

La BCE est certes soucieuse de modérer les écarts "excessifs" de taux de marché entre les pays européens. Mais les banques centrales n'ont pas l'obligation d'effacer systématiquement toute trace de différence de taux d'intérêt dans l'appréciation des marchés. L'élimination de tous les écarts serait difficilement compatible avec le traité de Maastricht, car certains États membres - connus pour leur discipline budgétaire - mettent davantage l'accent sur l'objectif de stabilité monétaire (estimant que la BCE ne doit pas monétiser la dette publique). 

La politique monétaire ne peut pas résoudre les problèmes structurels. Ce sont les États membres qui doivent ajuster leurs politiques économiques et fiscales en conséquence pour remédier à leurs faiblesses économiques nationales. 

Il serait judicieux d'entamer résolument un processus de resserrement monétaire quantitatif afin d'éliminer les liquidités excessives qui se sont accumulées au cours des années d'accommodement monétaire.

 

La révision du pacte de stabilité et de croissance (PSC) doit être ambitieuse et immédiatement efficace pour éviter une crise de l'euro imminente

L'objectif de ce cadre budgétaire européen était d'unifier l'environnement économique dans lequel opère la politique monétaire. Il est donc nécessaire de remplacer la domination fiscale par une convergence progressive des différentes politiques budgétaires des États membres de la zone euro. Si la fragmentation qui caractérise actuellement les politiques des finances publiques européennes persiste, l'UEM est dans une impasse et la situation ira de mal en pis.

- Le cadre au cas par cas proposé par la proposition législative de l'UE semble une bonne approche. En particulier, le rythme du retour à une dette publique inférieure à 60 % du PIB devrait être spécifiquement adapté à chaque pays.

Un ensemble de règles adaptées à chaque problème (dépenses, soldes primaires, dette) est nécessaire afin de reconnaître les spécificités économiques nationales. La méthodologie utilisée doit être unique et incontestable.

- Les pays présentant des déficits importants et un surendettement doivent atteindre et maintenir un excédent primaire qui sera défini et contrôlé par la Commission européenne ou par une autorité budgétaire indépendante de l'UE. Dans cette perspective, le solde budgétaire primaire devrait devenir une référence quantitative pour soutenir le cadre budgétaire réformé de l'UE de même que la comparaison du ratio des dépenses publiques par rapport au PIB avec la moyenne de la zone euro.

- Le maintien de la règle des 3 % du PIB pour le déficit est une option raisonnable.

- La qualité des dépenses publiques et leur composition sur les finances publiques devraient être plus importantes que leur quantité. Mais les investissements publics ne doivent pas être exclus du calcul[4] du déficit et de la dette d'un pays.

 

La procédure de déséquilibre macroéconomique (PDM) doit être rigoureusement respectée dans le cadre de l'égalité de traitement et de la surveillance multilatérale assurée par une Commission indépendante spécialisée.

La procédure relative aux déséquilibres macroéconomiques (2011) doit être appliquée de manière efficace et uniforme dans tous les États membres. Cela signifie que les ajustements des balances courantes ne doivent pas concerner uniquement les pays en déficit structurel, mais également les pays en excédent structurel. 

Il n'est ni possible ni honnête d'attendre des pays du Sud qu'ils soient les seuls à réduire indéfiniment leurs recettes pour compenser les excédents croissants des pays du Nord. 

Il est donc grand temps de concevoir et de mettre en œuvre un mécanisme d'ajustement symétrique où les excédents sont traités de la même manière que les déficits. 

La situation complexe actuelle, dans laquelle une union monétaire est gérée sans mécanisme crédible dédié à la stabilité économique, n'est pas viable à long terme. Les États membres doivent utiliser leurs politiques fiscales et structurelles pour renforcer la coopération dont l'Union a besoin. Dans les circonstances actuelles, l'Union européenne à 27 n'est pas disposée à imposer une convergence économique aux États membres au nom d'une discipline que la politique monétaire ultra-libre décourageait. 

Pour sortir de cette contradiction, il est essentiel que le pouvoir exécutif européen, et plus précisément la Commission, assume ses responsabilités en matière de respect de la discipline économique. 

Cela exige indépendance, compétence, vision et courage de la part des responsables de ces sujets économiques au sein de la Commission.

 

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Comme l'a récemment déclaré le vice-président de la BCE, Luis de Guindos au sujet de l’inflation : "Nous sommes en route vers les 2 %". "C'est clair. Mais nous devons surveiller cela de très près, car le dernier kilomètre ne sera pas facile [...] les éléments qui pourraient torpiller le processus de désinflation sont puissants.

Il s'agit, en fin de compte, d'un équilibre très délicat".

Si la dérive fiscale, inflationniste et économique devait se poursuivre dans la zone euro, on finirait par faire payer le dérapage aux pays "vertueux". Ce serait la définition d'un jeu non coopératif où la plupart des joueurs tentent de se soustraire à leurs obligations en en reportant le coût sur ceux qui les observent.

Il faut donc prendre en main le destin de l'Union et ne pas la laisser dériver.

Si la dérive devait prévaloir, il en résulterait logiquement une nouvelle et inévitable crise de la zone euro.


 Notes de bas de page


[1] BCE, Le rôle international de l'euro, juin 2023

[2] P. Artus, "L'écart de croissance entre les Etats-Unis et la zone euro et ses conséquences", Natixis Flash Economics, 20 septembre 2023

[3] Pour parvenir à une véritable UMC, l'UE doit disposer de produits financiers adéquats, en particulier de fonds de pension (essentiels pour financer les pensions de retraite au niveau national), d'une rémunération suffisante des taux d'intérêt, de règles favorisant le financement par actions et la titrisation, ainsi que d'acteurs européens et d'infrastructures consolidées, ce qui nécessite un cadre juridique harmonisé en matière de faillite et de valeurs mobilières.

[4] Ce serait une grave erreur de repousser les limites budgétaires extrêmes dans la situation actuelle. Les règles favorables à l'investissement - telles que la règle d'or visant à protéger l'investissement public et impliquant un compte de capital séparé - peuvent conduire à des emprunts excessifs et affaiblir le lien entre les objectifs budgétaires et la dynamique de la dette, favorisant ainsi les risques potentiels pour la viabilité de la dette.

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