Les effets pervers de la régulation bancaire

Entre les sommets du G20 et les accords de Bâle III, plusieurs mesures ont été adoptées depuis la crise des subprimes afin de mieux réguler les banques. Lors de la conférence intitulée "Les banques sont-elles bien régulées?", banquiers et économiste ont exprimé leurs divergences sur les conséquences de ces nouvelles normes sur le financement de l'économie.

Trois ans après le début de la crise des subprimes, la régulation des banques est en marche. A compter de juillet 2012, les établissements financiers européens devront augmenter leurs fonds propres à hauteur de 9%. Pour Jean-Paul Redouin, premier sous-gouverneur de la Banque de France,"un matelas de protection est nécessaire. En augmentant les fonds propres,on augmente la résilience des banques aux changements brutaux de valeur des actifs financiers".

Du côté des banques, au contraire, l'augmentation des fonds propres provoque des inquiétudes. Pour Jean-Bernard Mateu, président de la Caisse d'Epargne Rhône-Alpes, avec la crise de la dette, les mesures de régulation sont appliquées de manière trop précipitée. "Les accords de Bâle III (adoptés en septembre 2010) prévoyaient une augmentation des fonds propres d'ici à 2019. Avec les récents accords de la zone euro sur la recapitalisation des banques, les établissements financiers ont jusqu'à juillet 2012 pour renforcer leurs capitaux, soit moins d'une année", s'étonne Jean-Bernard Mateu.

Une incitation à prendre plus de risques

Pour Patrick Artus, directeur de la recherche et des études chez Natixis, la mesure s'avère même contreproductive: "Les banques vont chercher à rentabiliser les fonds propres et seront incitées au contraire à prendre plus de risques." Olivier Garnier, chef économiste du groupe Société générale, pointe un autre effet pervers: le report des risques financiers sur les épargnants. Pour lui, l'effort demandé aux banques pour renforcer leurs fonds propres "réduira leur capacité à financer l'économie. Ce déséquilibre va se résoudre au détriment des ménages, les banques vont davantage se financer auprès des marchés et les épargnants vont se voir proposer des produits financiers de long-terme, plus risqués".

Jean-Paul Redouin, premier sous-gouverneur de la Banque de France tempère le propos des banquiers: "La priorité est de protéger les dépots des épargnants". Il ajoute que les nouvelles règles de renforcement des liquidités "vont limiter les chocs de confiance sur les marchés qui se répercutent sur l'économie réelle".

Pour Laurence Scialom, professeur d'économie à l'université de Nanterre, la régulation bancaire est en retard dans un domaine: le "Too big to fail" (trop gros pour faire faillite). Lors du sommet de Cannes le week-end dernier, les membres du G20 ont désigné les 29 établissements bancaires systémiques qui menacent le système financier s'ils font faillite. Selon elle, "l'aléa moral est renforcé. En d'autres termes, les grandes banques vont prendre plus de risques car elles sont assurées d'être renflouées par les Etats en cas de crise financière." Jean-Pierre Redouin concède que l'aléa moral est plus important mais "il est nécessaire de retrouver une zone de confiance autour des établissements bancaires".

Photo : © Thomas Pajot - Fotolia.com

En image, l'intégralité de la conférence

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Vidéo conférence : Les banques sont-elles bien régulées ?

Intervenants : Patrick Artus (Directeur de la Recherche et des Etudes Natixis) Olivier Garnier (Chef Economiste du Groupe Société Générale, membre du CAE), Jean-Bernard Mateu (Président du Directoire, Caisse d’Epargne Rhône Alpes), Laurence Scialom (Professeure des Universités à l’Université Paris Ouest Nanterre la Défense), Jean-Paul Redouin (Premier sous-gouverneur de la Banque de France) et Christian Chavagneux (Alternatives Economiques)

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