Crise financière : les quatre enseignements de Keynes

Soixante-quinze ans après, John Maynard Keynes vit toujours. Du moins dans la théorie économique. La conférence « 75 ans de Théorie générale », du nom de l’ouvrage fondateur du Britannique, était l’occasion de vérifier que certains concepts développés à l'époque sont toujours d'actualité. André Orléan, directeur de recherches au CNRS et président de l’Association française d’économie politique, l’a démontré en quatre points.

Une incertitude irréductible Keynes s’oppose à l’idée du tout prévisible par inférence statistique. La titrisation et la crise récente sont les meilleurs exemples d’éléments nouveaux redéfinissant les règles du jeu. « On ne peut déterminer la valeur objective des titres de dette, des actions… Or, et c’est ce qui est problématique, les financiers essaient toujours de se projeter dans le futur », a expliqué André Orléan. Selon lui, le principe d’incertitude posé par Keynes remet également en cause l’efficience des marchés, cette vieille idée selon laquelle ils donnent forcément les bons prix.

Les marchés financiers sont liquides Un titre liquide est un titre négociable. Ce « capitalisme de la liquidité », comme le nomme André Orléan, est souvent considéré comme une bonne chose. Pas par Keynes. Celui-ci y voit une cause de spéculation. « Avec la négociabilité, le regard se détourne de l’économie réelle, pour se porter sur les prix futurs des marchés.»

Les anticipations des acteurs sont auto-référentielles Pour Keynes, la nature du marché est celle d’un éternel « concours de beauté » : « On s’intéresse à ce que les autres pensent, et le choix de l’acteur se greffe sur le choix majoritaire.»

Les prophéties « s’auto-réalisent » Puisque les prix sont conventionnels, ils conduisent sur les marchés financiers à un principe étonnant : « Keynes avait compris que ce qui advient, c’est la croyance. C'est le cas pour l’Italie : il y avait inquiétude sur sa solvabilité, donc les taux de remboursement de ses obligations d’Etat ont augmenté, et cela lui a posé un problème de financement encore plus grand », détaille André Orléan.

Ainsi, à travers ces quatre points, se dégage chez Keynes une conception de la crise très originale, selon André Orléan : « Les ennemis des économies ne sont pas, comme le pensait la vision classique, les contraintes de la nature et l’insuffisance des ressources, mais les croyances des acteurs. Ainsi, une crise des taux d’intérêts n’est pour lui pas liée à l’insuffisance de l’épargne, mais aux croyances des acteurs sur ce qu’est un bon taux d’intérêt. La pensée de Keynes, si elle ne permet pas d’envisager la finance actuelle dans son intégralité, reste radicale et intéressante. »

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