Réformes institutionnelles et développement dans les pays pauvres

Par François Bourguignon qui intervient sur les conférences : Comment les institutions façonnent le développement ? et Mesure-t-on bien l'inégalité des patrimoines ?

L’analyse des institutions occupe aujourd’hui une place importante dans l’étude du développement. Définies dans un sens large comme l’ensemble des règles formelles ou informelles structurant et coordonnant les interactions politiques, économiques et sociales entre individus, elles conditionnent en effet le développement économique. De fait, la corrélation entre indicateurs nationaux de la qualité des institutions et niveaux de vie est forte. Il est alors tentant d’y voir une relation de causalité allant des institutions au développement, les réformes institutionnelles apparaissant comme des instruments majeurs du développement, notamment dans les pays les plus pauvres.

Dans quelle mesure une telle approche est-elle justifiée ?

En premier lieu, il ne faudrait pas accorder trop d’importance à la corrélation précédente. Les indicateurs de qualité institutionnelle ou de gouvernance sont qualitatifs et assez imprécis. Ils portent souvent sur les symptômes de leur mauvais fonctionnement plutôt que sur les institutions elles-mêmes et sont donc muets quant aux réformes à entreprendre. Finalement, si les corrélations sont fortes les spécificités locales le sont aussi. Le Bangladesh et le Nigeria sont jugés également corrompus par Transparency International, mais le premier a une économie qui croit 2 fois plus vite.

En second lieu, la qualité des institutions dépend elle-même du niveau de développement. Or l’appareil d’État nécessaire au bon fonctionnement des institutions pâtit nécessairement du manque de moyens physiques et humains propre aux pays pauvres. Aussi judicieuses et adéquates soient les « règles formelles », elles importent peu si elles sont difficilement applicables. La corruption peut être un délit majeur, mais elle prolifèrera à tous les niveaux si la police et la justice n’ont pas la capacité de la punir et de faire respecter l’état de droit.

En troisième lieu se pose la question critique de la faisabilité politique d’une réforme des institutions. Les bénéficiaires du statu quo ne se laisseront pas déposséder des rentes qu’ils tirent d’institutions dysfonctionnelles. La distribution du pouvoir politique et économique détermine donc la capacité d’une société à faire évoluer ses institutions. En même temps, celle-ci est appelée à évoluer avec le développement.

Dès lors, comment anticiper sur l’avenir et faire évoluer les institutions qui aujourd’hui freinent le développement économique et la résorption de la pauvreté ?

De l’intérieur, la mise en évidence de réformes profitables à tous et à un certain horizon, si ce n’est à court-terme, peut permettre une telle évolution. Il faut pour cela que les perdants d’aujourd’hui gagnent suffisamment demain. Mettre en débat public de telles réformes, ainsi que leur bilan en termes de gains individuels, est essentiel. De l’extérieur, une aide étrangère efficace peut accélérer le développement et ses effets bénéfiques sur les institutions. Elle peut aussi faciliter des réformes institutionnelles dans des domaines comme la justice ou l’administration publique. La concession d’avantages commerciaux est une autre façon d’altérer le statu quo et de déclencher des changements institutionnels.

 

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