Lucas Chancel : « Les indicateurs de bien-être viennent compléter le PIB »

Le PIB ne suffit pas à mesurer l’état de nos sociétés. C’est le constat fait dans de nombreux pays, dont certains ont déjà mis en place de nouveaux indicateurs, destinés à mesurer le bien-être de la population. Lucas Chancel, enseignant à Sciences Po et chercheur à l’Institut du développement durable et des relations (Iddri), considère ces indicateurs comme des leviers pour aiguiller les politiques publiques.

Quels pays ont, en premier, eu recours aux indicateurs de bien-être ?

L’Australie est précurseur en la matière. Dès 2002, le Bureau australien de statistique a tenté de mesurer si la vie s’améliorait dans le pays. Plusieurs indicateurs censés évaluer le bonheur des gens ont été mis en place, comme la proportion de personnes qui se disent acculées par le temps. Mais les indicateurs n’étaient pas là pour « noter » l’action des gouvernants.

La Belgique, en revanche, a adopté une loi en janvier 2014 pour élaborer de nouveaux indicateurs destinés à être pris en compte par les politiques et qui peuvent évaluer leur action. Une large place est faite aux enjeux environnementaux. Il s’agit aussi de mesurer le bien-être à travers la qualité de la vie et le progrès social.

Au Royaume-Uni, une « roue » des mesures du bien-être, publiée pour la première fois en 2012, fournit des statistiques nationales qui peuvent orienter les politiques publiques. La santé, les relations sociales, la sécurité économique, l'éducation sont autant de domaines qui font l'objet d'indicateurs. Avec des questions posées annuellement, comme « Vous êtes-vous senti heureux hier ? »

Le bien-être est-il plus important que le PIB (produit intérieur brut) ?

L’idée n’est pas remplacer le PIB par un indicateur de bien-être, mais de le compléter. Une analyse multidimensionnelle me semble primordiale, avec une combinaison des indicateurs. Il faut des indicateurs objectifs, comme ceux relatifs à l’environnement et qui mesurent l’empreinte écologique. Mais aussi des indicateurs plus subjectifs, qui s’intéressent par exemple à la façon dont les gens ressentent les inégalités et la distribution des revenus au sein de notre société.

Comment peut-on améliorer le bien-être ?

Il faut s’interroger sur les freins au bonheur, ce qui peut fournir de nouveaux indicateurs. Les résultats statistiques peuvent ensuite servir de leviers pour entamer des politiques publiques. En France, nous manquons encore d’indicateurs, même si l’Insee propose déjà beaucoup de chiffres relatifs à l’environnement.

On peut aussi intervenir au niveau de l’éducation, comme l’a montré Yann Algan (professeur d’économie à Sciences Po, ndlr). Des interventions, dès le plus jeune âge, pour développer les relations sociales ont montré des résultats concrets sur l’insertion professionnelle et le bien-être. Notre système éducatif reste très vertical comparé aux autres pays et pourrait se montrer plus collaboratif et plus intégrant.

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Thomas Chenel - Etudiant à l'IPJ -Paris Dauphine @Tomasin23

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