Y-a-t-il un coût social à la compétitivité allemande et quelles leçons pour la France ?

Par Olivier Bargain (IDEP, Université d’Aix-Marseille), Hilmar Schneider (IZA, Bonn), Alain Trannoy (IDEP, EHESS et Aix-Marseille School of Economics)

 

Olivier Bargain

L’Allemagne a entrepris au cours des années 2000 des réformes importantes et en particulier de son marché du travail. Le regain de compétitivité de l’économie allemande suite à ces réformes et le rebond rapide après la crise de 2008-2009 sont frappants. En revanche, le bilan sur le plan de la pauvreté et des inégalités reste à faire. Cette table ronde posera donc le débat en ces termes : dans quelle mesure l’Allemagne a-t-elle sacrifié la solidarité et la redistribution sur l’autel de la compétitivité ? La société allemande est-elle devenue plus inégalitaire que la société française, alors qu’elle l’était plutôt moins auparavant ? Dans ces questions, quel a été le rôle des transformations du marché du travail et des réformes de l’emploi, des aides sociales et de la taxation?

 

Cette table ronde réunit des économistes d’instituts d’analyse des politiques publiques allemands et français pour débattre de ces questions importantes pour l’Allemagne mais aussi et surtout pour la France, au vu des enjeux actuels du pays. Ils tenteront de délimiter ce que l’on sait de manière certaine et les questions en suspens, en apportant un certain nombre d’éléments tirés des études les plus récentes et des données disponibles.
La question de fond est : l’Allemagne a-t-elle réussi le tour de force d’améliorer sa compétitivité et de diminuer le chômage tout en contenant une hausse des inégalités de niveau de vie et de la pauvreté ? Le débat débutera donc sur un bilan à la fois de la compétitivité et de la croissance économique mais également de l’évolution des inégalités et de la pauvreté au cours des années 2000-2015. Ensuite, le questionnement portera sur les raisons d’un tel succès : le rôle des réformes, de l’évolution du marché du travail et de la concertation entre partenaires sociaux mais aussi des facteurs favorables externes que les entreprises allemandes ont su saisir.
En France, la vision dominante est celle d’une Allemagne qui a pratiqué une désinflation salariale aux dépens des autres pays d’Europe et de sa demande interne. Le débat montrera qu’il y a plus que cela : le pays qualifié d’ « homme malade de l’Europe » en 1995, avec plus de 5 millions de chômeurs en 2005, a également fait les bonnes réformes au bon moment. Le pays a non seulement opéré un changement radical de son mode d’indemnisation du chômage et des aides sociales au cours des années 2000, mais également introduit par là-même une sorte de flexisécurité du travail qui a porté ses fruits au moment clé, notamment au sortir de la crise.
Si la table ronde nous éclaircira sur ce nouveau « miracle économique allemand », elle s’interrogera surtout sur l’aspect social et redistributif de cette transformation. Peut-on parler de « success story » si la croissance n’est pas partagée ? Il semble pourtant que les travailleurs pauvres d’aujourd’hui ne sont pas des travailleurs déclassés, mais plutôt les chômeurs d’hier, et la question de l’évolution de leur niveau de vie et de bien-être est dès lors cruciale. Même si la taille du gâteau a augmenté, et la croissance allemande est devenu plus inclusive, il faut se demander comment a évolué le degré de redistribution par l’intermédiaire de l’impôt sur le revenu et des aides sociales.
La table ronde se terminera par un échange sur les questions plus subjectives ou prospectives : les changements profonds de l’économie et de la société allemande peuvent-ils être répliqués ou adaptés en France ? L’Allemagne a-t-elle changé de modèle social et la France est-elle en train d’y adhérer ? Ou bien quelle voie médiane peut être empruntée par notre pays ? Ce débat est fondamental pour la construction et l’approfondissement de l’Europe et le devenir de la zone Euro. Si la France et l’Allemagne divergent à long terme sur le plan économique, il est illusoire de penser qu’elles resteront dans la même zone monétaire.

Retrouvez Olivier Bargain, Hilmar Schneider (IZA, Bonn) et, Alain Trannoy lors des Jéco 2016 sur Y-a-t-il un coût social à la compétitivité allemande et quelles leçons pour la France ?

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